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Leonardo García Alarcón : une volonté d'authenticité au détriment du lyrisme

Publié le 25 août 2013 par Philippe Delaide

Avec le soutien de la Fondation Orange, le chef argentin Leonardo García Alarcón a très vite pris son envol avec le superbe Chœur de chambre de Namur et son ensemble orchestral la Capella Mediterranea.

En collaboration avec le Festival d'Ambronay, sa discographie a permis de voir comment, avec une direction musicale nerveuse, une volonté d'authenticité, il aborde notamment le répertoire baroque latino-américain.

Les deux derniers disques de la série nous laissent toutefois un peu plus perplexe.

Le premier, Latina Carmina, édité par le label Ricercar (Outhere Music) est dédié aux compositeurs qui, en Argentine, au Pérou et au Mexique, ont apporté la beauté de la polyphonie espagnole ou portugaise en l'adaptant pour entrer en harmonie avec les formes musicales de ces pays.

Les compositeurs interprétés (Juan de Araujo, Tomas de TorrejonGaspar Fernandez...) révèlent une version lumineuse et altière de la liturgie, avec différentes œuvres sacrées dont la superbe Missa de Batalla de Joan Cererols, compositeur catalan, moine bénédictin, messe d'ailleurs déjà enregistré par Jordi Savall avec la Capella Reial de Catalunya.

Carmina Latina

Ce disque comprend également, en pièce finale, un magnifique Salve Regina composé par Juan de Araujo.

Leonardo García Alarcón transcrit assez bien cette sorte de "beauté sauvage" que dégage une musique ibérique parée des particularismes et des usages locaux.

Ma seule réserve est que je m'attendais à un engagement plus fort, soit dans le sens de la démarche exaltée et solaire d'un Garrido ou, pourquoi pas, la sensualité, la plasticité d'un Savall. Le but n'est bien entendu pas de tenter, chez un nouvel interprète, de retrouver la trace des ainés, mais, dans l'esprit, de retrouver un souffle, une démarche inspirée, muée par une vision personnelle, pleine, entière, ardente, assumée.

Là encore, on retrouve, comme souvent d'ailleurs chez l'Arpeggiata, un travail très léché de professsionnels maîtrisant parfaitement la rhétorique, avec la participation d'artistes qui, chanteurs comme instrumentistes, tournent sur plusieurs formations, mais malheureusement au détriment d'une certaine magie, d'une forme d'alchimie qui font qu'un disque vous emporte et vous donne envie de le réécouter, de découvrir les inflexions que vous n'aviez pas appréhendées à la première écoute. Je dois avouer qu'après avoir renouvelé l'écoute, l'enregistrement ne m'a pas plus conquis pour autant.

Est-ce encore un signe des temps ? Cette sorte de propension des jeunes ensembles à être cadrés par les canons actuels de la performance léchée, propre, sans aspérité ? Où donc est passée l'émotion que devrait nous susciter l'écoute d'une musique pourtant si typée, d'une beauté si singulière ?

Avec le disque Mozart du même chef, cette fois avec le New Century Baroque, enregistré dans le cadre du festival d'Ambronay, ma frustration persiste en partie. Sur le Requiem, le propos est de tenter de se rapprocher de l'œuvre originelle en excluant de l'interprétation les parties du Requiem qui ne seraient pas de la main même de Mozart (exit donc les extensions écrites par Süssmayr : Sanctus, Benedictus, Agnus Dei). Le parti pris est celui d'une certaine rusticité, un côté "brut", avec un rôle d'ailleurs prédominant des percussions, comme pour marteler la présence obsédante de la mort. Pourquoi pas. Toutefois, cette version, lecture quelque part anti-böhmienne, manque tout de même, paradoxalement, de souffle, d'engagement. Cela ne suffit pas de mettre au premier plan le dépouillement, la tentative de retrouver la quintessence de la composition, s'il n'y pas d'engagement personnel, de volonter de tirer du superbe chœur de chambre de Namur, toutes les couleurs qu'il peut décliner. Il faut dire que la prise de son déplorable des équipes d'Ambronay pénalise particulièrement cet enregistrement en aplatissant tous les plans sonores et n'offrant aucune spacialisation...

Alarcon-Mozart-Ambronay

Quant au concerto pour clarinette, ce n'est pas seulement en tentant de retrouver la couleur originelle de l'instrument que jouait Anton Stadler à la création du concerto que l'on espère émouvoir l'auditeur. Un certain art du détachement que semble cultiver Leonardo García Alarcón pour tenter d'aller droit à l'essentiel, sans fioritures, se fait, là encore, au détriment de l'émotion et du lyrisme. La version de Benjamin Dieltjens est là aussi claire, propre, prévisible à souhait...

Pour revenir aux enregistrement d'Ambronay, la qualité très moyenne de la plupart des enregistrements du catalogue de l'Association "Art et Musique" (sic) fait que l'on atteint, je trouve, une situation contre-productive et desservant les artistes. Je pense qu'il vaut mieux ne rien enregistrer quand on ne dispose pas soit des moyens, soit de l'équipe technique, pour au moins transcrire le niveau de spacialisation, de dynamique que l'on est en droit d'attendre d'un disque, même en "live".

Carmina Latina - Leonardo Garcia Alarcon, Cappella Mediterranea, Choeur de Chambre de Namur, Ensemble Clematis - Label Ricercar (Outher Music).

Lien vers le site Outher Music pour plus de précisions.

WA Mozart : Requiem en ré nmieur KV 626 et concerto pour clarinette et orchestre en la majeur KV 622 - Leonardo Garcia Alarcon, Choeur de Chambre de Namur, New Century Baroque, Benjamin Dieltjens (clarinette) - Label Association Art et Musique, Festival d'Ambronay.

Lien vers le site d'Ambronay (la page d'achat en ligne est en maintenance...).


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