La semaine passée, je vous ai dit quelques mots sur la rentrée littéraire et je vous avais notamment révélé qu'il y avait sur la ligne de départ 86 premiers romans.
Comme ce sont des romans, qui ont, encore plus que les autres, besoin qu'on parle d'eux, afin que leurs auteurs ne soient pas noyés sous la masse des poids lourds de la rentrée, les maisons d'édition ont tendance à nous en envoyer plus facilement que pour les autres romans.
On ne va pas évidemment bouder son plaisir puisque, parmi ces premiers romans, il y a vraiment de belles choses, dont je voulais vous parler quelques jours à peine après le lancement des hostilités. Petite revue en trois ouvrages, intéressants, chacun dans leurs genres :
1. N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola Pigani (ed Liana Levi)
Je ne sais pas si vous connaissez le décret du 6 Avril 1940 qui édictait la norme suivante: "en période de guerre, la circulation des nomades, des individus errant généralement sans domicile fixe, ni patrie, ni profession effective, constitue pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté. »
Suite à cette disposition, environ 350 Tsiganes de Charente et de Charente-Maritime furent internés en octobre 1940 au camp des Alliers sous l’autorité du préfet et de la Kommandantur d’Angoulême alors en zone occupée. Les familles ont vécu là six années dans des conditions déplorables.
Paola Pigani a recueilli les souvenirs d’une grand-mère Manouche qui a passé toute son adolescence dans ce camp d’internement, elle nous livre un beau récit poignant, véritable roman d’initiation ou Alba qui a 14 ans à son arrivée au camp le quittera six année plus tard jeune mère de famille. Entre temps elle aura tout vécu, le froid, la faim, l’humiliation ,le deuil mais aussi la solidarité, l’amitié et l’amour.
D’une écriture sensible et poétique, l’auteur sait donner vie et chair à toute cette communauté et longtemps après les personnages nous poursuivent. Voici une fort belle œuvre littéraire mais aussi un vrai récit humaniste qui donne la parole à ceux qui ne l’ont pas. Une très belle découverte de cette rentrée et une nouvelle plume, celle de Paola Pigani, qui écrivait jusqu'alors des nouvelles et des poèmes, à suivre désormais avec la plus grande attention!!.
2. Parce que tu me plais de Fabien Prade ( Nil éditions )Théo n'est pas du genre à se faire du souci dans la vie. Il a une vingtaine d'années, sillonne Paris sur son scooter, ne fait presque rien, et ne souhaite qu'une chose : que cela dure. Et voilà qu'un jour, alors qu'il s'empoigne avec une clocharde qui lui demande de l'argent, une jeune fille le reprend sur son comportement. Théo n'en revient pas : d'une part de sa beauté, d'autre part de son culot. Riche, bien élevée, pleine de principes, Diane vient de débouler dans sa vie.
Un coup de foudre entre deux jeunes gens que tout oppose a priori : on ne peut pas dire que Fabien Prade, pour son premier roman, tente un sujet particulièrement original ( contrairement à sa consoeur Paola Pigani).
Mais Prade, comme il le démontre dans le dossier de presse ( il se définit comme un pigiste dans des revues que personnes ne lit- ce qui n'est pas totalement faux vu le nombre de tirages de ces dites revues) qui accompagne son livre a de l'humour à revendre. Et tout au long de son intrigue, il traine son regard mi amusé mi tendre sur ce jeune glandeur qui vit de ses rentes et qui l'assume largement : son Théo est aussi bien charmant qu'agaçant dans sa propension à avoir tout ce qu'il veut sans faire le moindre effort... Du moins avant l'arrivée dans sa vie de cette Diane qui, en se refusant ainsi à lui, va forcément devenir une obsession pour lui.
Roman très court ( que j'ai lu en un trajet de bus), ce parce que tu me plais décrit sans aucune fausse note cette chronique d'une passion pas vraiment partagée, mais à l'intensité tellement brulante qu'il se passera forcément quelque chose, et pas forcément de la façon dont on l'imaginait... Si vous voulez une lecture brève pas très prise de tête, mais bien agréable, ce roman est idéal!!
3. Clichy de Vincent Jolit ( Ed La Martinière)
Tout le monde connait bien évidemment "Voyage au bout de la nuit", le chef d'oeuvre de Lous Ferdinand Céline, mais le commun des mortels ( dont votre hubmel serviteur) en connait beaucoup moins sur la génèse de cette oeuvre monumentale, le premier roman de celui qu'on a appellé le docteur Louis.
Personnellement, j'ignorais totalement que la rédaction et plutôt la tape du manuscrit (énorme, forcément) avait été confiée à la très discrète Aimée, la secrétaire du dispensaire de Clichy, où travaillait l'auteur.
Visiblement, cette secrétaire a été totalement oubliée par l'histoire, et Vincent Jolit, dans son premier roman (que j'ai pu lire dans le cadre de ma sélection du prix Fnac) se propose de la réhabiliter, en inventant, à partir des rares élements tangibles sur sa vie une fiction sur la façon dont elle a appréhendé ce travail très long et fastidieux.
Ignorant énormément de choses sur ce best seller que j'ai lu avec l'école il y a très longtemps, j'ai été assez interessé par tout ce qui a trait au travail d'écriture et de réecriture de ce roman. Visiblement, les fans de l'oeuvre de Céline se sont insurgé des facilités que l'auteur prend avec l'histoire et de la façon dont Céline est décrit ici, un type assez méprisant envers ses subalternes et qui aurait totalement oublié de rendre à sa secrétaire la reconnaissance qu'elle méritait.
Personnellement, ce parti pris ne m'a pas géné ( Céline n'étant pas connu comme le plus sympathique des hommes) et le roman a pour lui l'avantage d'être,dans son fond et dans sa forme, modeste et humble, à l'image de son héroine.
"Clichy" manque certes d'un peu de souffle, et parait parfois un peu scolaire dans son approche, mais ce roman ne m'est pas du tout tombé des mains, contrairement à d'autres de cette rentrée dont je parlerais prochainement ....ou pas!!