Un homme d'Eglise au service de la plus grande gloire de l’Etat-Le cardinal Richelieu peint par Philippe de Champaigne- « Pour la plus grande gloire de l’Etat » : cette petite phrase pourrait résumer à elle seule l’œuvre politique du cardinal de Richelieu au service de la France et d’une monarchie bourbonienne naissante encore bien fragile. Né en 1585 au sein d’une famille de la moyenne noblesse poitevine, Armand Jean du Plessis est originellement destiné au métier des armes. Or, en 1605, il se voit obligé de se tourner vers une carrière religieuse : son frère aîné, Alphonse-Louis du Plessis, refuse de devenir évêque de Luçon pour devenir moine ; pour que le bénéfice ecclésiastique[1] de Luçon reste dans la famille, Richelieu doit donc remplacer son frère au pied levé. Nommé évêque en 1606 par le roi Henri IV, Richelieu reçoit l’investiture canonique un an après par le Pape Paul V. Très vite, Mr. de Luçon se révèle être un excellent pasteur pour le peuple chrétien de son diocèse, notamment car il est le premier grand homme d’Eglise français à mettre en œuvre les préceptes issus du Concile de Trente[2](1545-1563). Mais son dévouement pour l’Eglise n’a d’égal que son ambition étatique et politique, car Richelieu entend bien tout mettre en œuvre afin d’être introduit à la Cour. Comment Richelieu, évêque de Luçon, parvient-il peu à peu à se hisser au sommet de l’Etat ? En quoi la politique qu’il met en œuvre participe-t-elle du renforcement de l’autorité du roi et de la construction de l’Etat moderne ? En considérant sa personne et son œuvre, peut-on dire, comme le suggère le sous-titre de cet article, que l’Eglise de France a su se mettre au service de la plus grande gloire de l’Etat ?Les débuts difficiles de Mr. de Luçon L’ascension politique d’Armand Jean du Plessis de Richelieu est liée aux habiles manœuvres d’un moine capucin, François Leclerc du Tremblay (plus connu sous le nom de « Père Joseph »), ami et confident commun de l’évêque de Luçon et de la reine Marie de Médicis, régente du royaume depuis la mort du roi Henri IV le 14 mai 1610[3]. Surtout, ce sont les Etats généraux[4] de 1614-1615 qui permettent à Richelieu de se faire remarquer : le 23 février 1615, à l’occasion de la séance de clôture, l’évêque de Luçon, en tant que délégué du clergé, prononce un discours qui interpelle fortement la reine. Quelques temps après, et notamment grâce à l’entremise du « Père Joseph », Richelieu parvient à gagner les faveurs de Marie de Médicis qui le choisit pour aumônier et le fait nommer secrétaire d’Etat à la Guerre. C’est ainsi que le futur cardinal fait ses premiers pas en politique, au service de Marie de Médicis et du gouvernement de son grand favori, l’Italien Concini. Or, au sein du royaume de France, Concini et son gouvernement sont de moins en moins populaires et, les Grands reprochent à la régente de confier les affaires de l’Etat à un étranger, les privant totalement de leur rôle de conseiller naturel du souverain. Dans ce contexte très agité du début du XVIIème siècle, Richelieu, alors entré au gouvernement, est clairement identifié comme appartenant à la mouvance proche de la reine, et donc au parti « dévot ». Ainsi, il est d’abord jugé favorable aux Espagnols qui, à cette époque, sont les grands ennemis des Français. Or, en réalité, Richelieu est loin d’être totalement acquis à la cause et à la politique de Marie de Médicis. En effet, alors nommé secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères (après avoir occupé le poste de secrétaire d’Etat à la Guerre), il hésite entre deux types de politique : une politique catholique et pro-espagnole (menée jusque-là par la reine et Concini), favorable à l’Eglise et au catholicisme face à l’essor du protestantisme ; et une politique « internationale » (conduite auparavant par Henri IV), politique dictée davantage par la raison d’Etat que par la raison religieuse. Il semble que très vite, Richelieu abandonne l’idée d’une politique catholique et pro-espagnole au profit d’une politique internationale. C’est là qu’il convient de mesurer l’envergure politique de ce futur grand homme d’Etat : lui, un ecclésiastique, un évêque, renonce à placer les intérêts de l’Eglise au-dessus de tout, à la faveur des intérêts de la France. Or, l’année 1617 se révèle être très dure pour Mr. de Luçon : le jeune roi Louis XIII, après sept ans d’isolement, décide de prendre effectivement le pouvoir en évinçant Concini et son gouvernement. Le 24 avril 1617, Concini est assassiné par les hommes du roi et, tous les membres de son conseil sont immédiatement disgraciés. Richelieu est renvoyé à Luçon afin de s’occuper de son évêché. Quant à la reine, elle est exilée à Blois, en résidence surveillée. A la suite de ce coup de force qui entraîne véritablement une révolution de palais, la France fait la connaissance de son monarque : c’est le début du gouvernement de Louis « le Juste ». Ce coup de force marque également la victoire des « politiques », ces anciens qui ont connu les guerres de Religion et qui sont gallicans plutôt qu’ultramontains, favorables à un pouvoir royal fort et, en politique extérieure, hostiles à l’hégémonie des Habsbourg sur l’Europe. Les soutiens du parti « dévot » passent ainsi dans l’opposition. Ils se regroupent autour de Marie de Médicis à Blois qui s’entoure d’une véritable cour. Richelieu y est même présent : il y tient toujours sa fonction d’aumônier ainsi que celle de conseiller de la reine. Cependant, le nouveau favori de Louis XIII, le duc de Luynes, craint un complot. Richelieu, se sentant menacé, décide donc de se retirer définitivement dans son évêché de Luçon. Mais Louis XIII le bannit en Avignon : Richelieu consacre alors une grande partie de son temps à l’écriture, composant par exemple L’instruction du chrétien[5]L’imposition de Richelieu auprès du roi… Une série d’évènements va permettre à Richelieu de réapparaître sur la scène politique, avant que celui-ci ne parvienne finalement à s’imposer définitivement aux côtés de Louis XIII : l’Histoire a retenu ces évènements sous le nom de « guerres de la mère et du fils ». Marie de Médicis ne supporte guère être exilée, d’autant qu’une partie des Grands du royaume s’oppose au nouveau favori du roi et à la politique qu’il mène. De ce fait, entre 1619 et 1620, deux « guerres » opposent le roi et ses partisans à Marie de Médicis et à ceux qui souhaitent sa réintégration au sein de la Cour. Or, Louis XIII et ses troupes n’ont aucun mal à venir à bout des troupes de la reine-mère. Dans ce contexte, Richelieu intervient et pousse Marie de Médicis à négocier. Le 10 août 1620 est signé le traité d’Angers, traité dont l’évêque de Luçon est le principal artisan. Ce traité permet la réconciliation entre Louis XIII et sa mère qui peut désormais réapparaître à la Cour. A présent réputé fin négociateur, Richelieu entre à nouveau en grâce auprès de Louis XIII. En récompense des efforts qu’il a mis en œuvre pour permettre cette réconciliation, le roi lui promet le chapeau de cardinal. Deux ans plus tard, le 5 septembre 1622, Armand Jean du Plessis de Richelieu est officiellement créé cardinal de la Sainte Eglise romaine. Une fois cardinal, Richelieu va encore devoir attendre deux années avant de s’imposer véritablement auprès du roi. De 1622 à 1624, Louis XIII a encore beaucoup de mal à accorder sa confiance à un homme qu’il considère comme un ancien du gouvernement Concini et un fervent partisan de sa mère. Cependant, la mort de Luynes le 15 décembre 1621 entraîne progressivement de nombreux changements au sommet de l’Etat royal. Marie de Médicis entreprend un discret retour en politique, tandis qu’elle favorise l’ascension du cardinal de Richelieu. Ce dernier réussit à développer son influence auprès de Louis XIII, parvenant même à permettre le retour officiel de la reine-mère au sein du Conseil. En retour, Marie de Médicis, qui conseille désormais son fils en matière de politique extérieure (en subissant elle-même l’influence de Richelieu), ne cesse d’intercéder auprès du roi en faveur du cardinal. Finalement, le 29 avril 1624, Louis XIII appelle Richelieu au Conseil. En tant que cardinal, il a la première place. Alors que dans un premier temps, Louis XIII tente de le cantonner à un rôle de simple conseiller, le cardinal de Richelieu se révèle rapidement être une personnalité indispensable pour la bonne conduite des affaires du royaume. Eliminant tour à tour ses principaux rivaux au sein même du Conseil, Richelieu accède très vite à la charge de « principal ministre » (Premier ministre). A partir de cette date et jusqu’à sa mort en 1642, le cardinal va conserver sa position politique, créant ainsi un Exécutif bicéphale. Comment expliquer ce choix du roi, alors que dans un premier temps, Louis XIII manifestait tant de réticences vis-à-vis de « l’homme rouge »[6] ? En choisissant Richelieu, on peut dire que Louis XIII fait le choix d’un homme au charisme étatique impressionnant, capable d’imaginer pour la monarchie française une politique ambitieuse de grande puissance, à l’échelle européenne et mondiale, mais aussi un homme de poigne, assez talentueux pour faire face aux problèmes intérieurs de l’Etat. En plus d’être un homme d’Eglise, le cardinal est un homme de cabinet, un homme politique qui a le sens de l’Etat et qui aime la monarchie. C’est également un homme d’action qui, avant d’entrer dans les ordres, s’était préparé au métier des armes. Intelligent, d’une volonté inflexible, d’une étonnante capacité de travail, ambitieux, Richelieu dispose de tous les atouts nécessaires pour devenir un grand homme d’Etat, ce qu’il deviendra. Or, le pouvoir que Louis XIII lui confie, le cardinal le conservera toute sa vie, mais uniquement pour lui. Cependant, fidèle à ses engagements religieux, il entend utiliser ce pouvoir pour se mettre au service des autres, et par « autres », il faut comprendre : le roi, l’Etat. Pour Richelieu, l’union intime du roi et de son principal ministre est indispensable pour le bien de l’Etat : le principal ministre doit être une sorte de « confident » pour le souverain, et c’est bien le rôle que Richelieu entend jouer. De même, le cardinal n’a en vue, pour reprendre ses propres paroles, que la « majesté du roi » (il souhaite maintenir et développer l’autorité du roi en son royaume), et la « grandeur du royaume » (il entend travailler pour la gloire et le rayonnement de la France en Europe).Richelieu « principal ministre » : une politique envers et contre tous De 1624 à 1642, le cardinal de Richelieu occupe donc la charge de « principal ministre » du roi Louis XIII. Il place la raison d’Etat au-dessus de tout, quitte à se faire détester des Grands et du peuple, et quitte même à négliger les intérêts « supérieurs » de la Chrétienté catholique. Au début de son ministériat, le cardinal n’a pas de but politique précis. En fait, il « profite » des événements du temps, se révélant être un parfait opportuniste, travaillant sans relâche et brisant toute opposition, d’où sa réputation de dureté et d’insensibilité. Très rapidement, Richelieu s’efforce de mener de front deux politiques, alors que ses prédécesseurs avaient semblé s’occuper alternativement des affaires intérieures ou des affaires extérieures : lui entend dominer les ennemis du roi, à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume, pour la plus grande gloire du roi, de la monarchie et de la France. Ainsi, on peut dire que la politique de « l’homme rouge » comporte trois volets précis : « rabaisser l’orgueil des grands » ; « ruiner le parti huguenot » ; « relever son nom (celui de la France) dans les provinces étrangères »[7]. A l’égard des Grands du royaume, le cardinal de Richelieu adopte une politique de stricte obéissance envers le roi, affirmant le caractère toujours plus absolu de la monarchie. Cette politique se développe autour de trois axes : démanteler les châteaux et forteresses des Grands au sein de leurs provinces, l’objectif du cardinal étant de priver les nobles de leurs traditionnels points d’appui inexpugnables ; brimer les habitudes nobiliaires encore largement répandues, notamment la pratique des duels ; déjouer et briser les conspirations contre le roi et/ou l’autorité royale. Ce dernier point doit retenir tout particulièrement notre attention. En effet, durant une longue partie du règne de Louis XIII, Richelieu doit faire face à plusieurs complots ayant pour finalité de chute du roi et/ou de son ministre. Cette situation est liée au problème de la succession royale : jusqu’en 1638 (année de la naissance du futur Louis XIV), le couple royal ne parvient pas à avoir d’enfant. Ainsi, les relations au sein de la famille royale ne sont guères détendues, d’autant plus que le frère cadet de Louis XIII, Gaston d’Orléans, est l’héritier présomptif du trône. Opposés à la politique du cardinal de Richelieu qui les tient à l’écart des affaires du royaume, beaucoup de Grands se groupent soit autour de Gaston d’Orléans, soit autour des deux reines, Marie de Médicis et Anne d’Autriche (l’épouse de Louis XIII). La reine-mère est peu à peu devenue très jalouse de l’ascendant que Richelieu a pris sur son fils : elle accuse le cardinal d’ingratitude envers elle et s’oppose à sa politique internationale. Quant à Anne d’Autriche, la reine régnante, étant d’origine espagnole, elle reproche vivement à Richelieu la lutte qu’il a engagée avec la Maison des Habsbourg (qui règne sur l’Espagne et le Saint-Empire) en vu de briser cette puissance, au bénéfice de la puissance française. Dans ce contexte très « agité » ont lieu plusieurs révoltes nobiliaires d’autant plus dangereuses qu’elles entraînent souvent le soulèvement de provinces entières du royaume. Aussi le cardinal de Richelieu engage-t-il contre les Grands une lutte sans pitié. Pour lui, l’autorité royale ainsi que la puissance monarchique sont en jeu. En 1642, au moment de mourir, il est clairement établi qu’il aura su briser toute révolte des Grands, fortifiant ainsi le pouvoir de son royal maître.
Le second volet de la politique du cardinal est religieux : il s’agit de « ruiner le parti huguenot », c’est-à-dire lutter contre le protestantisme. Richelieu ne souhaite en aucune façon relancer les guerres de Religion, mais pour lui, les protestants sont une menace pour l’autorité royale dans la mesure où ils forment un véritable « parti », un Etat dans l’Etat. Ceci est bien évidemment insupportable pour Richelieu, qui entend mettre en place une monarchie parfaitement centralisée. Or, le cardinal sait très bien que lutter contre les protestants n’est guère facile : en tant qu’évêque de Luçon, il avait tenté, sans succès, de convertir les « hérétiques » de son diocèse. Les protestants sont d’autant plus menaçants qu’ils disposent, sur le territoire du royaume, de nombreuses places fortes où ils tiennent des Assemblées politiques et où ils entraînent des garnisons entières. L’épisode dramatique de la Rochelle est une belle illustration de la volonté tenace du cardinal de réduire toute opposition au sein du royaume, qu’elle soit politique ou religieuse. Cependant, même après la paix de la Rochelle, la guerre contre les protestants se poursuit dans les Cévennes, avant que ces derniers n’implorent la paix. Par l’édit de grâce signé à Alès le 28 juin 1629, le roi les prive de tous leurs privilèges politiques (assemblées) et militaires (places fortes), mais à la demande de Richelieu lui-même, il leur conserve leurs avantages religieux, civils et judiciaires accordés par l’édit de Nantes en 1598. Enfin, le troisième volet de la politique de « l’homme rouge » vise à jeter les bases d’une véritable hégémonie française sur le continent européen, et même bien au-delà. Dans un premier temps, le cardinal entend lutter contre les Habsbourg et ainsi briser l’encerclement dont la France est victime depuis le XVIème siècle. De ce fait, on peut affirmer que la politique extérieure de Richelieu s’inscrit dans la droite ligne de celle menée par ses prédécesseurs depuis le règne de François Ier (1515-1547). Agissant ainsi, le cardinal se heurte violemment à Marie de Médicis ainsi qu’à tous les membres du parti « dévot » qui refusent une politique internationale de type Henri IV. L’entourage de Louis XIII est de plus en plus clairement divisé entre deux camps opposés (sur un plan idéologique) : il y a les dévots ou les ultramontains, catholiques très attachés à Rome et qui souhaitent mettre en exergue les intérêts de l’Eglise et de la Chrétienté catholique ; il y a ceux que l’on surnomme les « bons Français », représentés par Richelieu, et qui eux entendent mettre en avant les intérêts de l’Etat. Placé entre ces deux camps, le roi hésite. Le mois de novembre 1630 va voir triompher le camp des « bons Français ». Le 11 novembre 1630, à l’occasion de la « Journée des Dupes », Louis XIII fait officiellement le choix de son ministre au détriment de sa mère, brisant ainsi l’unité familiale déjà bien fragile, mais établissant un lien encore plus solide au sommet de l’Etat. Les treize dernières années du règne de Louis XIII (1630-1643) sont ainsi marquées par le lien indéfectible existant entre le roi et son principal ministre : Louis XIII ne fait rien sans consulter Richelieu, et Richelieu ne fait rien sans en parler au préalable au roi. Cette étroite collaboration n’est pas le fait d’une relation d’amitié entre les deux hommes, mais plutôt d’une relation de confiance. Contrairement à ce qu’ont pu affirmer certains contemporains comme le cardinal de Retz, Richelieu n’a pas « usurpé » la fonction monarchique, il dû toujours mériter la confiance du roi. Le point d’orgue de la politique internationale menée par le cardinal se situe en 1635, année durant laquelle Richelieu engage la France dans la guerre de Trente Ans[8] : dès lors, le roi et son ministre font véritablement le choix d’une politique européenne destinée à asseoir la puissance française, tournant ainsi le dos à l’unité d’une Europe catholique. Désireux d’exporter la puissance française au-delà même du vieux contient, le cardinal de Richelieu tente également d’offrir à la France des ambitions coloniales, à la fois dans une perspective d’acquisitions territoriales, mais aussi d’essor commercial. C’est ainsi qu’il favorise la création de colonies françaises en Amérique du Nord (la Nouvelle-France) et aux Antilles, liées à la métropole par des liens commerciaux développés par des compagnies maritimes de commerce. Il est clair que la politique menée par le cardinal de Richelieu a permis à la France de devenir un Etat moderne, au sens plénier du terme. Travaillant au renforcement du pouvoir monarchique, le cardinal jette les bases d’un futur Etat centralisé. Quant à la « grandeur » de la France, il n’est guère utile de préciser qu’elle est encore aujourd’hui dans tous les esprits, et même chez certains Français…
Le 4 décembre 1642, vers midi, le cardinal de Richelieu meurt de vieillesse en son Palais Cardinal à Paris. Depuis longtemps, il vivait dans un climat de psychose, de peur qu’on l’assassine. Il est enterré à la Sorbonne qu’il a créée, tout comme l’Académie française, en vue de promouvoir la langue française. Si les Grands et le peuple accueillent cette mort dans la joie, la réaction de Louis XIII est quant à elle, encore aujourd’hui, sujette à bien des questionnements. Cependant, il est indéniable que Richelieu laisse derrière lui une œuvre politique considérable. Dans son Testament politique, il énumère les grandes lignes de sa politique qui lui ont permises d’asseoir la puissance monarchique : le bonheur de l’Etat repose sur le règne de Dieu, en conséquence, le roi doit toujours travailler à la conversion de ses sujets (« ruiner le parti huguenot ») ; il faut toujours travailler pour l’intérêt général, celui de l’Etat, et non pour l’intérêt particulier (« rabaisser l’orgueil des Grands ») ; il faut développer la puissance de l’Etat, d’où la nécessité de « relever » l’image du roi à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières du royaume. On retrouve ici les grands axes de la politique qui sera menée des décennies plus tard par Louis XIV. Il est clair qu’en la personne du cardinal de Richelieu, l’Eglise a loyalement et efficacement servi la France, préfigurant ainsi l’Etat moderne et puissant que Louis XIV achèvera de mettre en place. Si aujourd’hui, trop d’hommes politiques, sans doute moins dévoués à l’intérêt supérieur de l’Etat que Richelieu ne l’était lui-même en son temps, accusent l’Eglise d’avoir freiné le développement de notre belle nation, ils oublient bien vite qu’elle a au contraire largement contribué à son essor et à son rayonnement encore actuel. Pour finir notre article, je vous propose de méditer cette belle phrase du cardinal de Richelieu, riche d’un enseignement qui semble aujourd’hui désuet : « En politique, il ne s’agit pas de se faire aimer, mais respecter ».Emmanuel ECKER.
Sources : Michel Nassiet, La France au XVIIème siècle, Société, politique, cultures, Belin, Paris, 2006.Jean-Christian Petitfils, Louis XIII, Perrin, 2008.Christian Bouyer, Louis XIII, Le sceptre et la pourpre, Tallandier, Paris, 2001.Malet et Isaac, Histoire 1, Pluriel, Paris, 2007.Cours universitaire de Mr. Laurent Jalabert, Louis XIII, Richelieu, et l’essor de l’Etat (1610-1643), université Nancy 2, année universitaire 2010-2011.Wikipédia
[1] Au XVIIème siècle en France, un bénéfice ecclésiastique est un ensemble de biens destiné à financer un office ecclésiastique. Il doit permettre au titre d’une charge d’Eglise de vivre et d’agir. [2] Le Concile de Trente avait été convoqué par le Pape Paul III afin d’enrayer le protestantisme et de mettre en œuvre la réforme catholique. [3] Henri IV meurt assassiné par François Ravaillac, un fanatique catholique. [4] Assemblée extraordinaire réunissant les représentants des trois ordres de la société d’Ancien Régime (Clergé, Noblesse, Tiers état). [5] Il s’agit d’une sorte de catéchisme, inspiré de celui de Trente, divisé en courtes leçons qui devaient être lues par les curés en chaire les dimanches et jours de fête. [6] « homme rouge » : l’expression est reprise du titre d’un ouvrage de Roland Mousnier, historien, qui relate la vie du cardinal de Richelieu. [7] Ces expressions sont tirées du Testament politique laissé par Richelieu lui-même. [8] La guerre de Trente ans (1618-1648), conflit originellement religieux entre catholiques et protestants, se transforme rapidement en lutte pour l’hégémonie entre les différents pays européens, et notamment entre la Maison d’Autriche (les Habsbourg), et la Maison de France (les Bourbon).