Profitant d'être seuls, sans les enfants, sous un ciel parisien encore ensoleillé, nous n'avons pas hésité longtemps, maman et moi, pour aller faire un tour vers le parc de Saint Cloud pour la première journée de Rock en Seine. Il faut dire, comme je l'ai déjà dit, que l'affiche est alléchante. On arrive donc, comme prévu, pour le concert de Savages. La musique de ces quatre jeunes femmes s'avère, en live, tout aussi virile qu'en studio. La chanteuse se déplace sur scène telle une boxeuse sur un ring, décochant les uppercuts. Si cette formule agressive a le mérite de nous réveiller d'emblée les sens, elle ne nous met pas complètement KO. Il ne manque pas grand chose à ces filles-là, juste plus de titres de l'efficacité de "Shut Up". On abandonne donc le combat avant la fin, direction l'autre côté du festival - oui, c'est l'un des inconvénients par rapport à la Route du Rock, il faut marcher :-( - pour la prestation des premiers écossais du jour : Belle & Sebastian. Premier constat : ils sont toujours aussi nombreux sur scène. Deuxième constat : je me rends compte rapidement pourquoi je ne suis plus le fan assidu que j'étais à la fin des années 90, quand j'achetais scrupuleusement toutes les productions de la bande de Stuart Murdoch. En plus, le gars était à l'époque très prolifique. Depuis, sa musique, comme lui, s'est un peu musclée et lissée, mais c'est l'idéal pour un festival. Tant pis, mes titres préférés restent ceux de leur incontestable chef d'oeuvre, "If You're Feeling Sinister". Il y a "The Stars Of Track and Field" et "Judy And The Dream Of Horses", même si ce ne sont pas ceux qui font bouger le plus le public. Etant conscient que sa musique seule n'est pas propice à déchaîner les foules, Murdoch invite sur scène une grande partie des premiers rangs histoire d'égayer l'ambiance et de rendre ainsi une copie un peu fofolle de "The Boy With The Arab Strap". Les écossais ont en commun de bien accueillir leurs hôtes, en toute décontraction. La suite de la soirée le démontrera.
N'ayant pas le courage de retraverser le festival dans l'autre sens pour aller jeter une oreille sur Daughter, nous restons installés devant la grande scène, attendant ce qui est pour moi l'une des curiosités du jour, les australiens Tame Impala. Si maman apprécie, je reste, comme à l'écoute de leurs disques, sur ma faim. Il faut dire que leur rock psychédélique bouffe à tous les rateliers : Phoenix, les Beatles, Deep Purple et même les Flaming Lips dont ils feront pourtant une belle reprise de "Are You A Hypnotist ?".
On essaie une fois de plus de partir avant la fin pour rejoindre la plus petite scène du festival, la Live Pression, à plusieurs centaines de mètres de distance. Il faut bien cela pour ne plus entendre les énormes basses qui résonnent de la grande scène. On s'attendait à voir DIIV, mais ce fut les belges de Balthazar. A croire que les américains me fuient depuis leur excellent concert à la plage Glazart en août dernier. Car, comme à la Route du Rock, ils ont annulé alors qu'ils faisaient partis des formations programmées le jour où je me déplaçais. Tant pis pour Balthazar, leur rock académique ne m'emballe pas plus que ça, nous filons vers la scène de la Cascade vérifier si le charisme de Alt-J est plus affirmé depuis leur timide prestation à Saint-Malo, l'an dernier. Je ne sais pas si c'est juste une affaire de présence scénique ou si c'est simplement le fait que leur musique est inadéquate pour ce genre de grand raout populaire, mais mis à part leur tube "Breezeblocks", la foule ne s'enflamme pas outre mesure. Je finis par me demander si l'emballement médiatique - et je m'inclus dedans - dont a fait preuve Alt-J n'était pas exagéré... En tout cas, beaucoup de spectateurs n'attendent pas la fin de leur concert pour partir prendre place écouter la tête d'affiche de la soirée : Franz Ferdinand. Ayant décidé de faire preuve d'un peu de personnalité et de ne pas suivre la masse, nous nous installons dans l'herbe juste à côté pour goûter aux savoureuses madeleines sonores de leurs amis écossais des Pastels. Ces derniers n'ont pas de chance, personne ne voulait être programmé à cette heure-là. Mais les Pastels n'ont pas l'ambition des jeunes pousses, même s'il n'est pas facile de rester concentré en entendant ses copains assurer le show. Les Pastels jouent sur un autre registre, celui de l'intimité. Il faut dire que vu le peu de spectateurs pointés devant eux, ils n'ont pas vraiment le choix. Le groupe dégage un charme évident, fait de gentillesse et d'un amateurisme parfaitement assumé. Ils alternent les chansons de leur dernier et excellent "Slow Summits" et de nettement plus vieux titres comme le parfait "Nothing To Be Done". Une heure durant, nous avons l'impression de ne plus être à Rock en Seine. De ne plus être au beau milieu d'une grosse machinerie, mais d'être simplement entre amis.
On court quand même juste après ça voir la fin du set de Franz Ferdinand qui semble être devenu en live un véritable rouleau compresseur. Le public est conquis. Nous aussi. Même les nouveaux titres semblent carburer au super. Ils sont l'un des ces groupes rock taillés pour les stades. Leur musique ne perd rien dans un gros festival, bien au contraire. Il lui faut de l'espace. Car c'est une incroyable machine à danser. Et on en vient à regretter ce maudit timing qui a fait se juxtaposer ces deux contraires : Stephen McRobbie et Alex Kapranos. Surtout qu'on a le temps de se remettre de nos émotions avec une heure à tuer avant la suite de notre programme. Alex Hepburn justifie ce que je pensais d'elle : une honnête chanteuse de variété, à la douzaine. Puis, fin de soirée oblige, histoire de se tenir éveillé, les décibels reprennent leur droit avec le concert du guitar-hero Hanni El Khatib. C'est brut et diablement efficace. On pense souvent à Jack White. Le gaillard a même le bon goût de ne jamais tomber dans l'outrance et la démonstration technique. C'est pro et carré, quoi !
Après ça, comme à la Route du Rock, on finit avec les pitreries de Nic Offer et son improbable tenue scénique rappelant la plage. Sauf que cette fois-ci, on l'entend mieux et le concert de !!! est d'autant plus réussi. Impossible de rester en place devant une telle débauche d'énergie. On regagne nos pénates, comme la semaine précédente, sur cette belle note festive. Avec toutefois l'impression d'un léger manque. Mais où était donc passé Nick Cave ?