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“Gravity” d’Alfonso Cuaron

Publié le 29 août 2013 par Boustoune

Gravity“J’ai un mauvais pressentiment pour cette mission” déclare Matt Kowalsky (George Clooney) au centre de la Nasa. Il le dit sur le ton de la plaisanterie, mais sa prédiction, hélas, va se révéler dramatiquement vraie. Du genre “Allo Houston, on a un problème”. Un gros… Et cette fois, pas de Ed Harris pour vous ramener au bercail sain et sauf.
L’astronaute, son adjoint et l’ingénieure Ryan Stone (Sandra Bullock) sont en train de réparer un satellite, en apesanteur dans le vide sidéral, quand la base leur annonce de retourner illico dans la navette. Les russes viennent de détruire un de leurs satellites défectueux, et les débris viennent dans leur direction. A cause d’un mousqueton bloquée, Stone reste coincée sur la zone d’intervention et le câble qui la retenait à Explorer est sectionné. Elle se met à dériver dans l’espace.
Kowalsky, qui possède une combinaison équipée d’un propulseur, vient à sa rescousse et le duo tente de rejoindre la navette. Le périple s’annonce compliqué, car Jones, qui a paniqué pendant l’incident et était fiévreuse avant l’intervention, a beaucoup puisé dans sa réserve d’oxygène et le propulseur de son compagnon n’a plus beaucoup de carburant non plus. Et ils ne sont pas au bout de leurs peines, car il est fort possible que la navette ait été elle aussi percutée par les débris du satellite russe…

D’emblée, en un de ces plans-séquences monumentaux dont il a le secret, Alfonso Cuaron nous happe et nous entraîne dans son récit. Si Gravity obéit bien aux règles de base du film catastrophe, il va bien au-delà. Comme Juan Antonio Bayona avec son The Impossible, il nous propose une véritable expérience cinématographique, totalement immersive, grâce à la virtuosité de ses mouvements de caméra, l’unité de lieu et de temps, l’action focalisée sur les deux personnages principaux et, surtout, une utilisation du relief absolument époustouflante. Ici, la 3D n’est absolument pas un argument marketing attrape-gogos. Le film a été conçu en relief et utilise pleinement les fonctionnalités de l’outil. C’est peut-être le plus beau film en 3D jamais réalisé, on ose le dire. Cuaron  se sert du relief à la fois pour jouer sur la profondeur de champ et pour le côté spectaculaire, avec des objets sortant de l’écran. Pas pour épater la galerie, mais bien pour servir le récit et le propos. Le spectateur se retrouve véritablement plongé dans l’action, est forcé de s’identifier aux personnages grâce notamment à d’audacieuses prises de vue en caméra subjective. Il est amené à éprouver la même tension que Stone et Kowalsky, à craindre pour leur vie, souffre à chacun des déplacements complexes qu’ils doivent effectuer en apesanteur, dans des conditions de stress et de fatigue des plus difficiles.
Chaque étape du voyage amène son lot de complications, usant un peu plus leurs ressources morales et physiques. Et celles du spectateur.

Gravity - 2

On pense évidemment à All is lost, de J.C. Chandor, qui est construit sur le même modèle : une intrigue minimaliste, ne reposant que sur la lutte d’un individu pour sa survie, en milieu hostile, et une réflexion sur la force et la faiblesse de l’homme face à l’immensité des éléments. On retrouve la même intensité, la même importance du découpage filmique pour assurer une narration fluide et percutante. Mais ici, Cuaron n’est pas aussi radical que son confrère dans la construction du récit, ne se privant pas des effets hollywoodiens classiques, des dialogues et même des traits d’humour, à prendre comme des bouffées d’oxygène.
Et il développe une thématique sensiblement différente. La scène-clé, somptueuse, est donnée au milieu du film. Sandra Bullock, après avoir rejoint un module russe, se met à flotter dans l’habitacle, repliée en position foetale. Une idée qui répond à  celle du cordon ombilical qui retient les personnages à la navette, puis qui les relie l’un à l’autre, ou à celle de “Mother Earth” (Notre “planète-mère”) et qui trouve une résonnance particulière dans la raison pour laquelle Ryan a accepté cette mission spatiale. Tout est là, dans l’idée non pas d’une naissance, mais d’une renaissance. Le personnage joué par Sandra Bullock se débarrasse de tous les poids psychologiques qui la plombaient et lui avaient ôté l’envie de vivre, et se met peu à peu à lutter pour sa survie.

Certains trouveront sans doute toute cette symbolique un peu lourde, mais Cuaron parvient à la traiter avec une certaine subtilité, en évitant de verser dans le pathos. Personne ne pourra lui reprocher de ne pas aller au bout de ses idées. Et quand bien même, le film est tellement inventif, tellement maîtrisé  au niveau de la mise en scène et de la narration, qu’on lui pardonnerait bien volontiers.

Porté par Sandra Bullock, qui trouve sans doute là le meilleur rôle de sa carrière, par George Clooney, qui réussit la prouesse de rester sexy, charmeur et drôle engoncé dans une combinaison d’astronaute, par les images sublimes d’Emmanuel Lubezki, la musique planante d’Alexandre Desplats et la virtuosité artistique d’Alfonso Cuaron, Gravity défie les lois de la pesanteur et décroche un maximum d’étoiles. De notre part en tout cas…
Nous, nous avons plutôt un bon sentiment quant à la réception critique et publique de ce film, belle réussite à rajouter à l’actif d’Alfonso Cuaron, qui s’affirme de plus en plus comme un grand cinéaste.

Notre Note : ●●●●●●

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