Topophilie : l’amour des lieux. Les écrivains du fantastique sont généralement de grands amoureux
de lieux très précis. Souvent, je me suis demandé si la cosmogonie yog-sothothienne et les intrigues parfois alambiquées de Lovecraft n’étaient pas, chez lui, simples prétextes à arpenter les paysages écartés de la Nouvelle-Angleterre. Il décrit les gorges obscures, les torrents dévaleurs d’à-pic, les chemins ombrés et les vieilles fermes au toit défoncé avec un tel luxe de détails, une telle insistance, qu’on peut se demander si la poésie des lieux perdus de l’hinterland n’est pas son motif inavoué – un poète qui se sentirait obligé de faire de la prose pour publier. Même phénomène chez Jean Ray. Dans des décors différents, plus urbains, ou alors franchement maritimes. Une complaisance dans la description des rues anciennes, des vieilles demeures, de ces tavernes où matelots et voyageurs viennent se remplir et déverser leur trop-plein depuis des siècles…
Au fond, j’ai écrit La langue des Abeilles et Le ruban de la Louve pour me promener, en imagination, dans les paysages de mon enfance. On retrouve des lieux dans tous les genres. Mais l’essence même du fantastique permet de retourner le paysage, de lui faire cracher ses intérieurs.
Ce matin, adieux au fleuve. Demain, départ. Retour en août. Que m’apporte donc l’eau salée ? À quoi je songe lorsque je pense à la mer ? Marées, cris d’oiseaux, mort, couchers de soleil fantastiques et, surtout, cette odeur d’iode, je me répète, qui est celle du sexe de la femme.
(Le chien de Dieu)
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(Le chien de Dieu)
Notice biographique
Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le

