Magazine Cinéma

“The Canyons” de Paul Schrader

Publié le 30 août 2013 par Boustoune

The CanyonsDans un bar de Los Angeles, deux couples dissertent de leurs conceptions du couple, diamétralement opposées. Le premier, Ryan et Gina (Nolan Gerard Funk et Amanda Brooks) sont très amoureux, très fidèles l’un à l’autre et n’envisagent pas une seule seconde d’aller folâtrer ailleurs. Christian et Tara (James Deen et Lindsay Lohan) sont, eux, beaucoup plus libres. Ils pratiquent volontiers l’échangisme et tolèrent les écarts que leur partenaire peut commettre. La discussion semble choquer Ryan, qui dit ne pas comprendre cet état d’esprit. En apparence, les deux couples sont très heureux…
Mais les apparences sont souvent trompeuses…  On va le découvrir au fil d’un scénario tordu, dévoilant les petits secrets des uns et des autres, et mettant en place un jeu de séduction pervers dont aucun des personnages ne sortira indemne.

Bon attention, quand on dit “tordu” et “pervers”, c’est un peu exagéré… Il y a vingt ans, au sommet de la carrière de Paul Schrader, le film aurait peut-être fait scandale. Aujourd’hui, il ne devrait pas effaroucher grand monde, hormis peut-être quelques âmes pieuses. Les spectateurs du XXIème siècle n’ignorent plus grand chose des pratiques libertines et échangistes, des amours adultères et ne sont plus choqués de la représentation de l’homosexualité à l’écran comme avaient pu l’être les spectateurs de American gigolo ou Mishima. Et la présence d’un acteur porno au générique d’un film sérieux n’est plus vu comme une hérésie. Pour le film sulfureux annoncé, on repassera…
Ne reste plus, alors, qu’un thriller manipulateur assez mou, dont les “retournements de situation”, si on peut les appeler ainsi, n’ont rien de franchement ébouriffant. Le script a pourtant été écrit par Brett Easton Ellis, un des maîtres du nouveau roman américain. Si on retrouve bien la description cynique et froide d’un univers bourgeois complètement pourri de l’intérieur,  elle manque un peu de vitriol comparé aux romans cultes de l’écrivain, “Les Lois de l’attraction” ou “American Psycho”.

The Canyons - 2

Mais l’intérêt du film est sans doute ailleurs.
Ce n’est pas pour rien que The Canyons débute par des plans de cinémas fermés ou en ruine. Il faut sans doute voir le film comme une réflexion sur le cinéma contemporain.
Les personnages principaux travaillent d’ailleurs tous dans le milieu du cinéma.
Christian est producteur, Gina est son assistante. Elle et Tara ont appuyé la candidature de Ryan pour qu’il obtienne le rôle principal d’un petit film d’horreur que Christian s’apprête à produire au Mexique. Et un cinquième personnage a étudié la comédie dans la même classe que Ryan…
Tout ce petit monde, comme on va le découvrir, est composé d’arrivistes, de menteurs, d’usurpateurs, de psychopathes… Tout le monde veut contrôler tout le monde. Tout le monde se retrouve tour à tour producteur, acteur, metteur en scène ou même caméraman. Avec les technologies modernes, c’est devenu très simple… Mais tous se moquent royalement du cinéma. Ils se préoccupent juste de leur nombril et de leurs histoires de fesses. Comme une bonne partie du public américain, qui s’intéresse plus à la presse people – aux déboires, par exemple, de Lindsay Lohan,  actrice et coproductrice du film…
Rien d’étonnant, alors, à ce que le cinéma se meure, et que les salles ferment… D’où les plans sur ces cinéma en ruine…

The Canyons - 3

A moins que la fermeture des antique salles de cinéma ne correspondent à la fin de l’ère de l’argentique au profit du numérique, avec ce que cela induit comme changement dans la façon de filmer. Il y a plus de légèreté, plus de facilité à tourner un plan. Mais la qualité est-elle meilleure pour autant?
Paul Schrader semble surtout regretter le manque d’opacité des tournages modernes, le manque de mystère. Aujourd’hui, les portables, internet et les réseaux sociaux ont fait voler en éclat le concept de vie privée.Et ce qui est protégé peut être facilement piraté. Chacun s’expose, se dévoile, se met à nu aux yeux de tous. Les gens n’ont plus rien à raconter. Même à leur psy (ici, celui de Christian est joué par Gus Van Sant). Comment raconter des histoires dignes de ce nom si on n’a soi-même plus rien à dévoiler?

The Canyons est un objet cinématographique curieux, bancal, incontrôlable, très agaçant de prime abord, mais intéressant à décrypter justement à cause de ces mêmes défauts. On peut voir cela comme un “non-film” qui annonce la mort du cinéma, ou du moins du cinéma classique, tel qu’on le connaissait jusqu’à présent. Ou la description d’une Amérique aux rêves brisés, où même réussite et profit ne rendent pas heureux…

Notre note : ●●●

“The Canyons” de Paul Schrader


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Boustoune 2984 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines