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Venise 2013, Jour 3 : Variations sur la violence

Publié le 30 août 2013 par Boustoune

Troisième jour de festival. Le soleil est toujours au rendez-vous, la chaleur aussi. On a presque envie de faire la salle buissonnière et d’aller sur la plage siroter un Spritz, le cocktail local. Et ce ne sont pas les films présentés qui atténuent cette soudaine envie de farniente. Mais le devoir avant tout…

En compétition aujourd’hui sur le Lido, un “charmant” petit film allemand : Die Frau des Polizisten. Quand on dit “charmant”, c’est ironique, hein… Parce que le film de Philip Gröning n’est plaisant ni par son thème – la violence domestique – ni par sa forme – un film de 3h expérimental.
Comment résumer le truc? Disons déjà que le film est composé de 60 chapitres, tous annoncés selon le même format : Un panneau annonçant “Début du chapitre x”, un ensemble de séquences plus ou moins courtes, en plans plus ou moins fixes, puis un panneau annonçant “Fin du Chapitre x”. Au début, ça passe, mais très vite, ça devient saoulant. D’autant que si on fait le calcul, à 5 secondes par panneau, cela fait 60 x 2 x 5 = 600 secondes, soit dix minutes de film sur 175… Pas mal, non? Surtout que les chapitre en question laissent la plupart du temps perplexe : Un vieux qui épluche un oignon, une gamine qui joue avec un ver de terre, un couple qui regarde la télé, qui mange des spaghettis, une promenade en forêt…
Il faut être patient pour comprendre le sujet du film – un cas de violence domestique – et pour saisir la démarche du cinéaste. Certains ne résisteront pas longtemps avant de fuir la salle, d’autres s’accrocheront et seront sûrement frustrés. Mais Philip Gröning a le mérite de tenir son parti-pris de mise en scène, anti-commercial au possible, jusqu’au bout des trois heures de métrage, sans jamais céder à la complaisance ou au pathos. C’est beaucoup trop long et trop austère, d’accord, mais c’est un vrai film de festival.
Par ailleurs, la performance d’Alexandra Finder la place pour le moment dans les candidates au prix d’interprétation féminine de cette 70ème Mostra.
(lire notre critique)

Joe

Egalement au programme de la sélection officielle, deux films américains.
Le premier, Joe, de David Gordon Green, nous emmène dans une Amérique profonde bien loin des clichés habituels de l’American way of life… Mais en plein dans les clichés misérabilistes que le cinéma indie américain applique généralement aux habitants de l’Amérique profonde : des dégénérés, des alcooliques violents, des êtres paumés.
Mais le vrai problème du film, c’est que David Gordon Green filme son récit avec un style également très stéréotypé. Oh, la mise en scène est très correcte, mais les mêmes images grises/bleutées, les mêmes cadrages, le même rythme lancinant que dans des dizaines de films américains qui racontent peu ou prou la même histoire de rédemption, vue dans des dizaines de films, cela ne présente qu’un intérêt très limité.
Reste que pour une fois, Nicolas Cage porte une moumoute assez discrète et joue relativement sobrement. Et le jeune acteur principal du film, Tye Sherridan possède un certain charisme.
Mais ça reste trop conventionnel pour convaincre pleinement…
( lire notre critique)

Le second, présenté hors compétition, marque le retour de Paul Schrader à Venise, où il avait tourné Etrange Séduction, il y a quelques années. Il était alors au sommet de sa gloire, et le cinéma n’avait pas encore connu la révolution numérique.
A première vue, The Canyons est un film beaucoup plus faible, assez anecdotique dans la filmographie du cinéaste. Si on le prend juste comme un thriller érotique manipulateur, la déception ne manquera pas d’être au rendez-vous, car le cheminement est assez linéaire et les rebondissements, prévisibles. Mais si on prend le film comme une réflexion sur le cinéma contemporain et le rêve hollywoodien brisé, il prend une autre dimension, bien plus intéressante.
L’objet reste malgré tout bien trop hermétique pour toucher un large public et il a apparemment laissé de marbre les festivaliers de la Mostra.
(lire notre critique)

Class enemy

A la Semaine de la Critique, nous avons découvert Class Enemy, premier film du slovène Rok Bicek . Une réflexion sur l’éducation, le respect, l’intolérance et les mécanismes fascistes.
Le film tourne autour d’un professeur d’allemand qui arrive dans un lycée slovène, pour remplacer une enseignante sur le point de prendre son congé de maternité. Très vite, le professeur se distingue par ses méthodes, plus rigides et sa relation bien plus froide et bien plus directe avec ses élèves. Il se montre particulièrement brutal avec une élève fragile, Sabina. Le lendemain, elle se suicide. Ses camarades blâment immédiatement ce professeur antipathique, se rebellent contre son autorité, boycottant son cours ou le traitant de nazi en public. Le professeur tente de rester calme, d’apaiser les adolescents, mais chacune de ses actions ne fait que le rendre encore plus méprisable à leurs yeux. Pire, il n’est pas soutenu par ses collègues et sa hiérarchie, qui goûtent peu son cynisme et son arrogance…
La tension va crescendo et on s’attend au pire. Mais finalement, le cinéaste change de cap dans son dernier quart d’heure, avec une réunion entre le prof et les parents d’élèves qui tourne à la comédie grinçante. Ainsi, il dénonce les pressions que le groupe fait peser sur les individus, empêchant tout libre-arbitre, sur un ton entre ironie cruelle et fable moralisatrice. La manoeuvre est à double tranchant. D’un côté, elle évite au film de sombrer dans le drame sordide. De l’autre, elle rend le film beaucoup plus quelconque. Sur les mêmes thèmes, on préfère La Vague et Monsieur Lazhar
(Notre note : ●●●○)

A domani pour la suite de nos chroniques vénitiennes,

Ciao a tutti

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