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ESSE QUAM VIDERI. RÉPONSE À RENÉ BOLDUC («L'habit ne fait pas le moine», Le Devoir du 29 août 2013)

Publié le 31 août 2013 par Jlaberge
ESSE QUAM VIDERI. RÉPONSE À RENÉ BOLDUC («L'habit ne fait pas le moine», Le Devoir du 29 août 2013)Le club des Spartiates du Vieux Montréal a pour devise «Esse Quam Videri», («L'Être plutôt que le Paraître»). C'est une question d'identité. Comme un nom de famille. Une origine. Les joueurs des Spartiates ne laissent pas leur identité au vestiaire une fois sur le terrain face à leur adversaire. Moi non plus, je ne laisse pas à la maison ma croix ou de ma barbe pour me dépersonnaliser dans la foule ou à mon travail comme enseignant en philosophie au cégep. Comme quoi, au grand dam de la tradition rationaliste qu'évoque mon collègue René Bolduc, l'Apparence est aussi d'une certaine manière Être. Dans «l'espace public» abstrait, où nous devrions nous dépouiller de toutes nos singularités, nous devenons toutes et tous ternes et gris. Vive l'État drabe! Le monde sont drabes. (Pardonner ce régionalisme de mauvaise aloi; j'aurais dû écrire: «beige»). En fait, mon confrère, aurait dû évoquer la figure de celui que les penseurs progressistes considèrent comme le plus grand des philosophes de la politique au XXe siècle, j'ai nommé John Rawls (1921-2002). On ne peut songer plus pur exemple de philosophe pro-laïcisme que Rawls. Sa désormais fameuse «position originelle sous le voile d'ignorance» est en effet au fondement même du laïcisme. Car, que serions-nous d'après Rawls? Quel est notre «être» véritable selon le maître de Harvard? Des êtres qui se définissent par leur choix. Exit l'identité des gens au-delà de leur liberté de choix. Ce qu'ils sont, ce qu'ils aiment, leurs  projets de vie, leurs origines, leurs histoires, leurs traditions, leurs croyances, etc., ne sont rien à côté de leur capacité à choisir. C'est à ce prix qu'il est possible de vivre, selon Rawls, dans une société juste: en mutilant ce que nous aimons. Pourtant, son compatriote Harry G. Frankfurt (dans Les raisons de l'amour, Circé 2006), soutient précisément le contraire: nous ne sommes que ce que nous aimons. Voilà ce que nous serions: des êtres amoureux. C'est pourquoi, une tristesse infinie m'envahit lorsque je songe à cet espace-social-rawlsien-laïque que l'on qualifie de «juste» et que veut défendre bec et ongles le parti de Pauline Marois. O barbarie!

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