Magazine Animaux

La diversion du Chupacabra

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Par Bernard Pesle-Couserend

Bernard Pesle-Couserend, éleveur retraité et grand reporter pour la Buvette des Alpages est parvenu à metre la main sur un futur discours d'un excédé très haut responsable au Conseil général d'un département-Pyrénées. Après l'exaspération, la solution?

Le pastoralisme favorise la Biodiversité: un nouvel exemple

Mes chers collaborateurs,

Bernard Pesle-Couserend
The famous Bernard Pesle-Couserend, that the whole world is jealous of. Vous le savez, nous avons de gros problèmes dans notre beau-pays-que-le-monde-nous-envie avec l’application des règlementations relatives à l’environnement. Les causes sont connues : l’essentiel des lois environnementales viennent de l’Europe, qui fait rien que nous pourrir la vie. Car si ça ne tenait qu’à nous, et vous les avez bien, mes chers collaborateurs, l’ensemble du code de l’environnement tiendrait sur deux feuilles format A4. J’ai donc décidé d’utiliser sur le sujet du jour la deuxième mamelle, avec le clientélisme, de notre belle république : la diversion.
Vous le savez bien, mes chers collaborateurs, l’Europe nous oblige à ne pas exterminer le loup. Comme vous, cela me désole, mais je n’y puis rien. Néanmoins, comme on dit, à quelque chose malheur est bon.

L’arrivée du loup a permis de faire diversion sur la problématique des chiens errants, divagants ou juste fugueurs. Attention ! Cette question n’est pas anodine : demandez aux éleveurs là où il n’y a pas de loups ou aux facteurs qui se font attaquer les mollets, voire plus…
Mais on ne peut pas mener frontalement une guerre aux chiens : s’attaquer aux chiens, c’est se mettre à dos leurs propriétaires. C’est à dire les retraités des villes et des champs, les chasseurs et bon nombre de ruraux si largement sur-représentés par notre bon système électoral.
Le loup nous étant imposé par l’Europe, nous l’avons utilisé comme diversion : du jour au lendemain, plus une tête de bétail n’a été attaquée par des chiens dans un secteur, dès que la présence de loups y a été avérée. Le chien n’étant pas un problème, inutile donc de se fâcher avec leurs maîtres (qui sont aussi les nôtres, du coup).
Bien sûr, cela a un coût, mes chers collaborateurs, vous le savez. Mais bon, une élection vaut bien quelques subventions déguisées, non ? Car là on fait coup double niveau diversion : on masque aussi notre incurie à réformer l’agriculture. Vous vous  voyez, vous, annoncer à des éleveurs-électeurs qu’ils sont incompatibles avec les notions de rentabilité et d'utilité, et qu’il va donc falloir réduire leur voilure? Non. Moi non plus. On va le faire, mes chers collaborateurs, mais ça passe mieux de laisser accuser le loup de tous les maux. Toute cette réflexion intègre un plan global qui consiste à caresser le vieux dans le sens du poil. Et le vieux est nombreux et polymorphe.
Seulement depuis quelques temps, on parle quand même un peu trop du loup, alors que nos marges de manœuvre sont limitées. La solution deviendrait-elle un problème ? Non, car j’ai la nouvelle solution, mes chers collaborateurs : une nouvelle diversion...
C’est dans ce but que j’ai décidé de procéder au lâcher d’une nouvelle espèce pour enrichir notre biodiversité nationale : le Chupacabra.

Chupacabra tintinus horribilis
Chupacabra tintinus horribilis Le Chupacabra, prononcez "Tchoupacabra", en espagnol  « suceur de chèvres » est une espèce trop méconnue qui se rencontre en Amérique centrale, mais aussi en Europe de l’Est. Nous allons donc procéder, au titre suprême de la restauration de la biodiversité, à l’introduction dans nos montagnes de deux souches de Chupacabra, ce qui permettra de limiter les risques de consanguinité. Elle est déjà assez forte pour les humains qui y vivent, ne rajoutons pas celle des animaux.
La présence du Chupacabra devrait permettre d’atténuer la médiatisation du loup, sans pour autant remettre en avant les problèmes de chiens divagants et, plus important, d’agriculture en perdition. Ce qui nous dispensera toujours de nous en occuper sérieusement. En se targuant de favoriser la biodiversité. Et derrière, on pourra toujours décider de nouvelles subventions déguisées pour les agriculteurs impactés. Bref, un plan génial, de ma conception, mes chers collaborateurs.
Restait un point à résoudre : s’assurer que le Chupacabra s’en prennent effectivement à des têtes de bétail. C’est, et de loin, le meilleur moyen de faire sa publicité, mais ce n’est pas acquis d’avance. La politique ne peut pas tout. J’ai donc décidé, pour solutionner ce problème, de faire appel à la science. En effet, depuis 20 ans, la science est formelle : un prédateur s’attaque d’autant plus à du bétail que l’indemnisation de l’attaque est élevée. Regardez le loup : plus un pays accorde d’indemnités, et plus le nombre d’attaques s’accroît. C’est scientifique.
Ça marche aussi très bien dans l’autre sens : les chiens n’attaquent pas les troupeaux car leur attaque ne sera pas indemnisée. Il y a toutefois des exceptions : les chiens divagants qui savent que leur propriétaire sera identifié procèdent parfois à des attaques. Mais elles sont plus rares car moins indemnisées, et les chiens le savent bien. C’est scientifique.
Instruit de cette vérité, j’ai donc décidé de mettre en place une mesure compensatoire incitative pour le Chupacabra : chaque brebis pouvant être déclarée « responsabilité du Chupacabra non exclue » sera indemnisée 400 € à son propriétaire. Cet astucieux mécanisme scientifique devrait permettre de faire retomber la pression médiatique autour du loup.
J’anticipe d’ores et déjà, mes chers collaborateurs, sur votre légitime objection: Que fera t-on lorsque la pression médiatique autour du Chupacabra deviendra trop forte? Rassurez-vous, tout est prévu : lorsque le montant sera venu, euh, le moment, notre gouvernement prendra un arrêté portant à 800 € l’indemnisation de toute brebis ayant été prédatée par un martien.
Chupacabra familiaris
Chupacabra familiaris Les observations de soucoupes volantes devraient alors se multiplier dans nos vallées, de la même manière que se sont développés les témoignages de prétendues attaques de vautour fauve. Il sera donc possible de faire d’une pierre deux coups grâce au tourisme tendance Roswell que cela va générer. Ne-suis-je pas visionnaire, quand même…
Ultime objection : Quelle sera donc la marge de progression après ça ? Aucune importance, mes chers collaborateurs : nous n’avons aucun projet permettant de pérenniser l’élevage ovin en zone de montagne à long terme. Ni nous, ni l'opposition. Hormis l'abreuver de copieuses subventions clientélistes, tant qu'on a encore les moyens d'y consacrer de l'argent public.
Notre programme tient donc en un seul point : le pourrissement. Il faut tenir jusqu’à ce que le pouvoir de nuisance du monde pastoral soit devenu marginal. Mais sans le brusquer, élections locales obligent. Soit 10 à 15 ans.
J’ai bon espoir, mes chers collaborateurs, pour que Chupacabra suffise au regard des délais requis. C'est scientifique...
Illustrations: Deux espèces de Chupacabra: le Chupacabra tintinus horribilis et le Chupacabra familiaris qu'il semble possible d'aprivoiser. Si vous connaissez d'autres espèces de Tchoupacabra, je suis preneur de vos illustrations...

Pour en savoir plus sur le Chupacabra


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