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Touchant portrait d’une solitude contemporaine (Le voyeur)

Par Borokoff

A propos d’Une place sur la terre de Fabienne Godet ★★★☆☆

Ariane Labed, Benoît Poelvoorde - Une place sur la terre de Fabienne Godet - Borokoff / Blog de critique cinéma

Ariane Labed et Benoît Poelvoorde

En Belgique, Antoine (Benoît Poelvoorde), un photographe un brin désabusé et en manque d’inspiration, assiste un soir, en direct, à la tentative de suicide de sa jeune voisine d’en face (Ariane Labed), une étudiante en Histoire et pianiste à ses heures perdues dont il avait auparavant été troublé par la beauté et l’interprétation de Chopin. Ayant survécu à ses blessures, la jeune femme est emmenée et sauvée par le SAMU qu’Antoine a pu prévenir. Peu à peu, le photographe s’entiche de la jeune femme qu’il commence à photographier à son insu ….

Malgré certains clichés sur l’art et la création qu’il égrène, malgré cette manière d’étirer inutilement le récit, de le faire traîner en longueur, par des effets visuels un peu vains parfois (résultat instantané des photos que prend Antoine) ou qui ralentissent l’action, Une place sur la terre est un film touchant. Une fable douce-amère, teintée de mélancolie et malgré tout optimiste.

Ariane Labed, Benoît Poelvoorde - Une place sur la terre de Fabienne Godet - Borokoff / Blog de critique cinéma

Mais c’est surtout le beau portrait d’un photographe sur la pente descendante. L’aventure que connait Antoine au début du film est prétexte à un clin d’oeil en hommage au Blow-Up d’Antonioni (1966). Sobrement mis en scène, Une place sur la terre brille surtout par la performance de Benoît Poelvoorde qui étale là (mais a-t-il encore quelque chose à prouver ?) toute la panoplie dramatique de son jeu comme sa capacité à émouvoir.

Le film raconte la solitude d’un artiste quadragénaire qui semble avoir perdu tout désir et toute envie, toute velléité même de faire de la photographie. Déprimé, Antoine n’en a pas moins gardé un certain sens de l’humour (c’est Benoît Poelvoorde quand même) et de l’auto-dérision, lui qui garde de temps à autre le petit garçon de sa voisine (Max Baissette de Malglaive, très bien dirigé), seule distraction dans un quotidien devenu morose et trop pénible, trop lourd à traîner.

Benoît Poelvoorde - Une place sur la terre de Fabienne Godet - Borokoff / Blog de critique cinéma

Benoît Poelvoorde

Alors, forcément, quand on a une jeune femme aussi belle en face de sa fenêtre, on se met à rêver. Et en fine observatrice qu’elle est, Fabienne Godet dépeint assez bien la fascination, l’excitation grandissantes chez Antoine et qu’il éprouve pour la jeune femme en même temps qu’éclot sa renaissance artistique, regain d’inspiration inattendu, soudain pour un être qui était devenu apathique et un brin complaisant, ironique mais plus motivé par rien sinon le doux espoir qu’il lui « arrive enfin quelque chose » dans la vie.

Le scénario prévient pourtant d’emblée que cette romance est un leurre, un miroir aux alouettes dangereux. Cet amour n’est pas ancré dans la réalité mais fondé sur des artifices, donc voué à l’échec, condamné dans l’œuf. Une féerie aux allures d’orgue de Barbarie, aussi grinçante qu’illusoire.

Max Baissette de Malglaive et Benoît Poelvoorde - Une place sur la terre de Fabienne Godet - Borokoff / Blog de critique cinéma

Max Baissette de Malglaive et Benoît Poelvoorde

Il y a un double mouvement contradictoire de l’âme (euphorie/désespoir, joie/déception) que décrit assez bien la réalisatrice et qu’exprime parfaitement l’acteur belge. Si Antoine tombe peu à peu amoureux de sa muse, c’est uniquement à travers les images qu’il capture d’elle à ses dépends. Une manière de travailler basée sur un voyeurisme certes dénué d’intentions malsaines ou de malveillance mais qui participe à la mythologie amoureuse qu’Antoine se construit, se crée sur elle, lui qui aimerait tellement, inconsciemment du moins, que la beauté de ses photos puisse remplacer la laideur décevante de la réalité.

Mais son idolâtrie confinera à la fantasmagorie et n’en fera que plus cruellement ressortir l’atroce souffrance de cet Antoine un brin naïf mais transi, touchant et lucide enfin lorsqu’il retombera sur terre et réussira à s’avouer que la jeune femme (très expressive Ariane Labed derrière ses silences, son mystère et son introversion) n’a jamais été intéressée par lui.

Si la performance de Poelvoorde (sur les épaules duquel le film s’appuie en grande partie), permet de redresser certaines maladresses (compositions classiques au piano un brin pompeuses) ou certaines longueurs de la mise en scène, elle donne lieu surtout à certaines scènes poignantes (dans la forêt ou lors d’un dîner, sommet dramatique du film) qui n’en rendent que plus universel ce portrait d’une solitude tellement contemporaine qu’on n’en parle pas…

http://www.youtube.com/watch?v=semRqkaPzn0

Film français de Fabienne Godet avec Benoit Poelvoorde, Ariane Labed, Max Baissette de Malglaive… (01 h 40)

Scénario de Fabienne Godet, Claire Mercier et Franck Vassal : 

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Mise en scène : 

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Acteurs : 

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Compositions de François-Eudes Chanfrault : 

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