O terre, vil monceau de boueOù germent d'épineuses fleurs,Rendons grâce à Dieu, qui secoueSur ton sein ses fraîches couleurs! Sans ces urnes où goutte à goutteLe ciel rend la force à nos pas,Tout serait désert, et la routeAu ciel ne s'achèverait pas. Nous dirions: A quoi bon poursuivreCe sentier qui mène au cercueil?Puisqu'on se lasse en vain à vivre,Mieux vaut s'arrêter sur le seuil. Mais pour nous cacher les distances,Sur le chemin de nos douleursTu sèmes le sol d'espérances,Comme on borde un linceul de fleurs! Et toi, mon cœur, cœur triste et tendre,Où chantaient de si fraîches voix;Toi qui n'es plus qu'un bloc de cendreCouvert de charbons noirs et froids, Ah!laisse refleurir encoreCes lueurs d'arrière-saison!Le soir d'été qui s'évaporeLaisse une pourpre à l'horizon. Oui, meurs en brûlant, ô mon âme,Sur ton bûcher d'illusions,Comme l'astre éteignant sa flammeS'ensevelit dans ses rayons!
Alphonse de Lamartine, Les fleurs, dans: Poésies diverses, précédé de: Méditations poétiques et Nouvelles méditations poétiques (coll. Poésie/Gallimard, 2000)
image: Schynige Platte, Oberland Bernois / Suisse (2007)