Morandini, la petite mort télévisuelle

Les réseaux sociaux ont exulté. Les médias en ont parlé. Le couperet est tombé. Au bout de deux semaines, la nouvelle émission de Jean-Marc Morandini est déprogrammée de NRJ 12. Faute d’audiences. Le présentateur est livré à la fosse aux lions. Le « phœnix » de la télévision française garde le programme Crimes, mais surtout son excellente émission sur Europe 1, le grand direct des médias.

Un public qui ne suit pas

La force de Morandini n’est pas son teint hâlé, ni ses dents blanches, mais bien sa capacité à présenter des émissions racoleuses. Avec NRJ 12, le journaliste/présentateur était dans son élément. C’est dans les années 90 que JMM (pour les intimes) a basculé. Issu d’une formation classique, il présente le fameux programme « Tout est possible » sur TF1. Racoleur et vulgaire à souhait, il réalisé de très bonnes audiences malgré les vives critiques de Libération ou encore des Guignols de l’Info. Après une absence jubilatoire de nos petits écrans durant quelques années, sa vraie résurrection intervient en 2006 avec l’émission éponyme diffusée sur la TNT (Direct 8), « Morandini ». Il trouve son public grâce à des chroniqueurs (avec Cécile de Ménibus comme une sorte de seconde présentatrice), du « clash » ou encore des invités people. On ne change pas une équipe qui gagne.

Morandini et Cécile de Ménibus – sa principale chroniqueuse – à l’époque de Direct 8

Sur la chaine TV du groupe NRJ, il se sent à sa place. À base de Tellement Vrai ou encore d’ile de la Vérité, NRJ 12 met à l’honneur la « télé poubelle ». Le tout est articulé autour d’émissions de téléréalité. La cible ? Les adolescents. En 2012, il arrive avec « Vous êtes en direct » pour assurer une bonne visibilité dans l’access prime time. Le concept est simple. Sept journalistes (issus de la presse écrite ou radio) interrogent des personnalités qui font l’actualité. Les audiences sont encourageantes. Mais avec la concurrence (surtout, Touche pas à mon Poste), la baisse est croissante. Il perd près de 6 points de parts de marché sur les ménagères !

La catastrophe est proche. Pour y remédier, Morandini change le concept. L’émission se déroule en public avec seulement 5 journalistes sur le plateau. Avant de commencer la saison, il n’avait pas hésité à mettre en exergue son intention de laisser la téléréalité de côté. Pourtant, le journaliste chevronné retombe dans ses travers. Chaque soir, un chroniqueur (mauvais) intervient sur le plateau pour parler de l’actualité de la télévision, mais surtout des people. Au fil de la saison, les invités sont des candidats de téléréalité, issus des programmes de NRJ 12. Le filon fonctionne bien. Sur Twitter, les jeunes (le public visé par la chaine) suivent cette évolution et participent avec joie. Les chroniqueurs de l’émission sont « arrosés » de tweets dithyrambiques, distillés par la petite armée d’adolescents.

Comme chaque émission média de nos jours, Morandini avait sa bande dans  » Vous êtes en direct « 

#Morandini, télé, people, buzz, sa nouvelle émission, n’aura pas fait long feu. D’après les chiffres sortis cette semaine, l’audience était au plus bas au fil des émissions. Avec un démarrage à environ 274 000 spectateurs soit 1,5 % de part d’audience, la chute a été constante pour arriver à seulement 109 000 personnes devant leur écran le mercredi 4 septembre ! Un résultat indigne de NRJ 12 qui se veut une chaine ambitieuse, boostée par les bons résultats du Mag par exemple. C’est un vrai coup de massue pour Morandini et sa co-présentatrice, Julie Raynaud. Le vrai problème réside dans le concept de son nouveau programme. Comme il l’avait annoncé, Jean-Marc Morandini a mis de côté le côté people pour faire place à de l’actu médias – de bas étage. L’adolescent — qui regardait son émission l’année dernière – est perdu. Il se désintéresse totalement des nouveaux sujets traités. Le public de NRJ 12 veut de la téléréalité et du voyeurisme avant tout. De plus, le téléspectateur adulte n’a pas l’idée de zapper sur la chaîne pour juger de la qualité du programme. Finalement, sa nouvelle ligne éditoriale – plus sérieuse – a coulé son émission à une vitesse record.

Un contenu décevant

Morandini avait fait des efforts cette année. Le gourou du buzz n’a pas hésité à (sur)vendre son émission comme une sorte de journal des médias. Pas besoin d’aller plus loin, le titre du programme résumait à lui seul le contenu. Pour se maintenir en bonne position dans le petit milieu des access prime time, le présentateur français le plus accro aux UV (égalité avec Vincent Cerutti) avait décidé de changer sa présentation. Il accueille Julie Raynaud pour l’accompagner. Un rôle de présentateur et non de chroniqueuse/intervieweuse comme Cécile de Ménibus sur Direct 8. Plutôt douée dans son métier, elle est habituée à jongler avec les différents types d’émissions allant du Cinéma (TPS star), le divertissement (Comédie) ou bien du sport (C Foot / L’Equipe 21).

La talentueuse Julie Raynaud

Mais cela ne suffit pas. Morandini retombe rapidement dans ses excès. Le postérieur entre deux chaises, le journaliste de NRJ 12 doit jongler entre des invités sérieux et une actualité people plutôt proche du néant. Des sujets tels que ’agression de Claire Chazal ou la perte de poids de Kim Kardashian. #Morandini, télé, people, buzz est un mix « écœurant » entre un programme qui se veut sérieux et une sorte de magazine people télévisuel. Finalement, l’émission se rapproche de Paris c’est fou – sur NRJ Paris -  sans la touche glamour et la découverte des derniers endroits branchés (fréquentés par la presse, CQFD) de la capitale. Son duo avec Julie Raynaud fonctionne plutôt bien. Il aurait fallu quelques semaines de plus pour (aperce)voir une vraie complicité.

Il ne faut pas oublier les mauvaises prestations d’Adrien Rohard. Avec un humour flirtant entre le potache et l’insulte personnelle, le chroniqueur « acerbe » est du niveau de NRJ 12. Bas. La seule bonne surprise de l’émission est bel et bien le retour de Dussart. Ancien chroniqueur chez Hanouna quand l’émission Touche Pas à mon Poste était diffusée sur FR4, il n’avait pas suivi l’équipe pour tenter de s’imposer en solo. Après un énorme bide, Eric Dussart – présent également à la radio (RTL) – offrait une pastille simple, mais bien foutue sur les images du jour, diffusées dans notre petite tube cathodique. Une mode dans les talk-shows français. L’émission de Morandini avait un certain potentiel. Mais à vouloir jongler entre différentes idées totalement opposées, le journaliste d’Europe 1 s’est emmêlé les pinceaux. Le résultat n’est pas à la hauteur des espérances et frôle le néant. Dès lors, le programme se résume à un sommaire plus élargie de tous les sujets people/médias disponibles sur Twitter dans la matinée. Bien trop vide.

Adrien Rohard, le LOL permanent

La fin de l’ère Morandini ?

Durant des années, le pape de la téléréalité a régné sur son royaume en toute tranquillité. Avec une émission très sérieuse sur Europe 1, il se permettait de tomber dans la facilité, mais surtout dans l’exagération à chaque nouveau programme télévisuel. Néanmoins, sur D8 et maintenant NRJ 12, Jean-Marc Morandini a toujours eu propre émission étiquetée fait divers (ici Crimes). Il serait bien orgueilleux de ne pas lui reconnaître un certain talent pour remuer la « merde » et aiguiller avec précision sa barque. Au fil des années, le journaliste a réussi à se construire une vraie fan base qui le suit. Tel un phœnix, Jean-Marc Morandini reviendra sur nos écrans dans quelques années voire même mois. Avec toutes les nouvelles chaines de la TNT, il se trouvera bien une petite place. Intelligent et futé, nous allons continuer à entendre parler du fameux « journaliste » média. Les points soleil peuvent être rassurés.