C'est à Vous maintenant que je m'adresse, Dieu du ciel et de la terre, origine et soutien des idées et des choses, maître du temps et de l'éternité. J'ai toujours pensé que je Vous devais tout et d'abord ce passage dans ce monde dont j'ai cru avec force que Vous l'avez créé et qu'il ne durait que par Vous.
Il n'est pas exclu, je suis si faible et si bête, que je me sois trompé et que Vous n'existiez pas. Parce que mon rêve aura été beau et qu'il m'aura empêché de sombrer dans l'absurde et dans le désespoir, parce que, légende ou réalité, Vous m'aurez fait vivre un peu au-dessus de ma bassesse inutile, je n'en bénirai pas moins Votre grand et saint nom.
Mais si Vous existez, d'une façon ou d'une autre, dans votre éternité... ah! si Vous existez, alors, quand je paraîtrai devant Vous et votre gloire cachée, l'esprit encore tout plein de Marie et m'inclinant à Vos pieds, je Vous dirai seulement: Merci. Et Vous, si Vous existez, et si Vous le voulez bien, dans Votre amour sans bornes pour tout ce qui a été, Vous vous pencherez vers moi qui ne serai plus qu'un souvenir et Vous me direz avec bonté et peut-être un sourire: Je te pardonne.
Jean d'Ormesson, Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit (Laffont, 2013)
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