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Stockpress

Publié le 06 juin 2007 par Bernard Carlier

Article de L’Expansion (juin 2007) : Cadres : une démocratisation des stocks en trompe-l’œil

Environ 141 000 managers se partagent un gain potentiel de 18 milliards d’euros. Un pactole très inégalement réparti.  Le Lion de la fable de La Fontaine prend pour lui la première part « en qualité de Sire ». Cette logique s’applique incontestablement en matière de distribution de stock-options. Les 29 patrons du CAC 40 bénéficiaires de stocks en 2006 ont en effet été 91 fois mieux servis que la moyenne de leurs subalternes. Avec une mention spéciale pour Bernard Arnault, 131 fois mieux doté. Le rapport est même de 1 à 211 pour le président du conseil d’administration de L’Oréal, Lindsay Owen-Jones. Mais qu’en est-il pour le reste du gâteau ? La question fait aujourd’hui saliver à tous les étages des grandes entreprises. Rien d’étonnant, au vu des sommes en jeu : grâce à l’ascension de la Bourse, les heureux bénéficiaires de stock-options peuvent espérer empocher 18 milliards d’euros de plus-value. Cependant, seule une minorité des salariés du CAC 40 peut accéder à cette cassette, qui ne prend des allures de trésor que pour quelques privilégiés concentrant l’essentiel des plus-values. Démonstration en chiffres : le club des « stockés » est toujours aussi restreint, avec 141 000 membres pour l’ensemble du CAC 40, soit 4 % des effectifs globaux. En moyenne, chacun d’entre eux peut espérer gagner 126 000 euros. Les groupes industriels se montrent sans conteste les plus élitistes. PSA Peugeot Citroën, Saint-Gobain ou Vallourec réservent leurs plans d’attribution à moins de 1 % des salariés. Les 200 happy few de Vallourec dépassent en moyenne le million d’euros chacun de plus-value potentielle. Egalement peu partageux dans sa politique de distribution (avec seulement 1,7 % de bénéficiaires), le groupe de BTP Vinci ne fait que 2 000 heureux, assis chacun sur 830 000 euros en mai, sans prendre en compte les 297 millions des plus-values déjà encaissées en 2006. Avec une plus-value moyenne d’environ 200 000 euros chacun, les cadres des banques BNP Paribas et Société générale peuvent eux aussi commencer à rêver à mieux que des châteaux en Espagne.  Ces moyennes cachent cependant d’importantes disparités. En effet, le palmarès de l’année 2006 montre que les 10 principaux dirigeants de chacun des groupes du CAC 40 se sont octroyé en moyenne un cinquième de l’enveloppe… A LVMH, 17 hauts managers en captent 67 %. A Danone, la garde rapprochée du président Riboud, composée de seulement 14 personnes, concentre le tiers des options, le reste se répartissant entre 900 personnes. Au fond, le casse-tête est toujours le même : à qui faut-il distribuer des stock-options, et combien ? Une répartition à la soviétique détournerait l’instrument de sa mission première, qui est de récompenser les meilleurs éléments et de les garder le plus longtemps possible dans l’entreprise. Certains groupes élargissent tout de même le cercle des bénéficiaires. Presque 40 % des salariés en reçoivent à Alcatel, 18 % à Essilor, et 12 % à la Banque Dexia. Certains sont allés plus loin dans le passé, avec une « distribution générale » à Vivendi, Air liquide ou LVMH. Mais les nouveaux bénéficiaires ne sont souvent invités à goûter aux charmes des options que du bout des lèvres, n’en ayant reçu que quelques-unes. Les 25 options attribuées aux 44 000 salariés de LVMH ne confèrent pour l’heure à chacun d’eux qu’une plus-value de 245 euros.  Autre inconvénient : la distribution à un large public oblige à limiter l’enveloppe attribuée à chacun, sous peine de voir les actionnaires refuser ces généreuses allocations. Des masses trop importantes créeraient de nouvelles actions, avec pour effet mécanique une baisse des cours. Dans ses scrupuleuses guidelines, le puissant fonds de pension américain TIAA-CREF fixe ainsi à 2 % du capital le montant maximal de l’enveloppe annuelle de stock. Résultat : sauf à donner des miettes à chacun, le CAC 40 opère des sélections draconiennes. Question stock-options, Schneider Electric fait dans la modération mais s’autorise quelques gratifications à titre exceptionnel, un peu comme une décoration : « Un ouvrier avait fait une excellente suggestion pour améliorer la productivité sur son poste de travail. Il en a donc reçu », raconte Jean-François Pilliard, directeur général des ressources humaines. Des stocks pour Stakhanov…  

Au-delà de ces initiatives originales, les DRH tiennent peut-être la solution pour diffuser plus largement des gratifications financières : les actions gratuites. Par définition, elles ne coûtent rien au bénéficiaire. Il en reçoit assez peu, mais son gain est certain. « Le dispositif fait des émules et produit une sorte de gradation selon le poste : des stock-options pour les dirigeants, des actions gratuites pour les hauts potentiels », explique Sylvain Perrier, spécialiste des rémunérations au cabinet Towers Perrin. Une bonne piste. Mais, à Alcatel-Lucent, la directrice générale, Pat Russo, a cumulé en 2006 les deux formes de gratification. Elle aussi doit avoir lu La Fontaine : « La seconde [part], par droit, me doit échoir encor », dit le Lion de la fable.

En savoir plus, http://www.lexpansion.fr/


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