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Chronique: The Weeknd – Kiss Land

Publié le 10 septembre 2013 par Wtfru @romain_wtfru

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The Weeknd s’attendait-il vraiment à un tel succès ? Quand il débarque début 2011, le canadien a tout juste 21 ans et demeure un parfait inconnu. Pas pour longtemps puisque trois EP’s acclamés par les critiques plus tard, entre mars et décembre, (ainsi qu’une apparition remarquée sur l’album de Drake) et son nom est sur toutes les lèvres de la presse spécialisée. Mais aussi des fans de R&B qui se respectent et qui voit en lui le messie venu révolutionner le genre.
Abel Tesfaye -de son vrai nom- c’est celui qui ne fait pas de bruit en soirée mais qui sait qu’il va pécho pendant que tout les autres relous vont essuyer des râteaux. Et ça, les artistes du milieu vont très vite le comprendre et essayer de se rapprocher le plus rapidement possible de ce « nouveau son », qui commence même à avoir une étiquette nommé « PBR&B » ou « hipster R&B ». C’est à dire quelque chose loin de toute cette ringardise qui a périmé le R&B ces dix dernières années, un son plus brut, sombre, avec des nappes de synthés partout qui n’hésite pas à aller s’acoquiner et à sampler des artistes dit alternatifs (ce sera le cas de Beach House par exemple sur le premier EP).

Rarement un artiste aura réussi à chambouler les codes d’un genre aussi rapidement et à imposer son univers. Republic (label de Lil Wayne ou de Drake entre autres) s’empare du phénomène, ne voulant laisser passer une telle opportunité. Et alors que tout le monde attend un premier album studio pour 2012, la filiale d’Universal et The Weeknd surprennent leur monde en publiant Trilogy, regroupant les trois EP sous un seul et même nom. Un plan pécuniaire, histoire de lancer une bonne fois pour toute l’artiste sur le marché américain et notamment pour le grand public. Risqué parce que le bonhomme a quand même un son difficile à appréhender mais le pari sera réussi avec plus de 250.000 copies de vendus entre Etats-Unis et Canada. Quelque chose d’assez conséquent pour ce qui s’apparente seulement à une grosse mixtape de présentation ou un best-of pour les premiers fans. Le tout sans avoir sorti un seul vrai disque. Costaud.

Mais il ne pouvait pas couper à ce premier virage serré de sa carrière en cette année 2013, le fameux premier album. Celui qui doit confirmer tout le potentiel entrevu jusque là. Et Tesfaye ne s’est pas débiner en annonçant en mars la sortie de Kiss Land. Et d’en offrir un premier extrait, au titre éponyme, quelques semaines plus tard. Et là, très belle surprise: The Weeknd n’a rien changé à ses habitudes et reste fidèle à ses convictions. Un titre long (7 minutes!), séparé en deux actes, aussi sombre l’un que l’autre, avec une production autant terrifiante que géniale avec ce cri aigu féminin qui se mêle à cette basse lourde et cette mélodie envoutante. Il pousse encore plus loin son concept et nous ouvre les portes du monde qu’il a décidé de créer pour l’occasion. Sans aucun doute l’un des meilleurs titres de sa (jeune) carrière.

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The Weeknd – Kiss Land

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C’est à l’auditeur d’entrer dans cet univers torturé, épique, noir. Parce que The Weeknd n’a fait aucune concession et c’est un très bon point. Avec beaucoup d’intelligence, il a seulement préparé le terrain en proposant également Belong to the World avant la sortie de l’album. Un titre savamment réfléchi pour nous présenter la suite. Une suite qui s’avère tout aussi fascinante.

Ce Kiss Land est un tour de magie totalement pensé et réussi. A peine entre-t-on dans la matrice de l’introduction Professional pendant deux minutes que l’on perd déjà l’esprit. On se laisse emporter dans les limbes de l’album, sans la moindre protestation. Le propriétaire nous fait faire un premier tour des lieux d’une dizaine de minutes, posant une première pierre à l’édifice qui sert de base à une suite un peu plus relevé. Ces dix minutes d’introduction nous mettent le pied à l’étrier quand se présente face à nous Adaptation, premier passage lumineux. Nul doute qu’on tient là un titre qui a une bien belle gueule de single pour les ventes. On retrouve tout ce qui fait la force du canadien condensé ici de manière plus « bankable » dirons-nous, sans pour autant jouer la carte de la facilité. Non, on est encore dans du son parfaitement hybride avec cette guitare électrique qui fait son effet et The Weeknd qui habite son morceau. Lui, habituellement si impassible, sort de ses gonds pour s’offrir une sortie magistrale. Un régal.

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The Weeknd – Adaptation

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L’intensité du morceau à peine retombé, qu’il faut repartir à l’assaut du triptyque Love in the Sky/Belong to the World/Live for (avec Drake en featuring sur ce dernier). Les trois titres, pas forcément les meilleurs si on les dissèque un par un, sont pourtant indispensables, servant de socle à l’entrée et à la sortie de l’opus. Et c’est là un autre point fort. Il n’y a pas de morceaux casse-croûtes, pas de poubelles pour faire le nombre. Si certains sont moins clinquants (The Town, Pretty), ils constituent une pièce à part entière du puzzle et sont aussi importants à la construction finale. On ne s’y attarde peut être pas autant qu’un Adaptation ou un Kiss Land mais ils parviennent à nous maintenir à flot dans cet océan gigantesque.

Pas une seule fois on ne sort de l’esprit et de l’univers de Kiss Land, et on reste solidement attaché de la première à la dernière minute, même quand The Weeknd s’offre un petit écart vers des espaces plus mainstream sur Wanderlust, là pour aller ratisser des nouveaux adeptes à convertir.
Moment fort, moment de répit, le mélange est tactiquement bien distillé. Ce petit coquin d’Abel a aussi réfléchi son disque comme une B.O à nos plus beaux exploits sous la couette. Parce qu’au delà de l’aspect musical pur et dur, impossible de ne pas reconnaître que ce disque pue le sexe à des kilomètres. Entre mysticisme et cul cru, on tient là un aphrodisiaque auditif de tout premier ordre que l’on peut ranger à côté des plus beaux Marvin Gaye, Barry White ou plus récemment The Love Below d’Outkast. Il se dégage une tension sexuelle de ce disque à en faire bander un impuissant. Et ne pas réussir à passer un bon moment à deux (ou trois ou plus) là dessus est synonyme d’échec cuisant.

D’ailleurs, cet aspect de bloc compact qui sert de musique pornographique a aussi ses inconvénients. Ces fameux morceaux dit de « chainons indispensables » sont difficilement écoutables comme ça, en les sortant de leur contexte. Pire, se mettre un Pretty seul, comme ça, peut s’avérer emmerdant. Mis à part les deux sus-cités Adaptation et Kiss Land, auquel on peut ajouter l’outro remarquable Tears in the Rain, on se voit mal choisir un titre du disque à sélectionner dans notre Ipod. Un problème que l’on retrouvait déjà sur les EP, House of Balloons en tête avec les énormes House of Balloons/Glasse Table Girls et The Party & the After Party suivis d’autres tracks solides dans l’assemblage mais moins clinquantes.

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The Weeknd – Tears in the Rain

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Il faut donc aimer écouter un album en entier et non pas prendre les titres à la volée pour apprécier pleinement ce Kiss Land et ses allures enchanteresses. Rien que pour l’audace et le coup de pied au cul que The Weeknd met à la concurrence, il faut le féliciter. C’est donc sans le moindre souci qu’il passe l’obstacle du premier album et vient se poser dans la liste de ses artistes fascinants et créatifs que l’on supportera encore un bon moment sans s’en lasser. Mais en s’enlaçant.

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4 wtfru

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Tracklist:
1. Professional 6:09
2. The Town 5:07
3. Adaptation 4:44
4. Love in the Sky 4:28
5. Belong to the World 5:07
6. Live For (feat. Drake) 3:44
7. Wanderlust 5:07
8. Kiss Land 7:36
9. Pretty 6:15
10. Tears in the Rain 7:26

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