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Muscadins

Par Richard Le Menn

ParisienMuscadin2-300lm Photographies : Gravure de la fin du XIXe siècle ou du tout début du XIXe représentant un « parisien » habillé à la mode du Directoire en muscadin.

Cet article suit celui intitulé Le muscadin. Il présente une nouvelle gravure et surtout, une comédie en trois actes de Julien Jean Offray de La Mettrie (1709 – 1751), libertin, épicurien et matérialiste, publiée en 1747, intitulée La Faculté vengée et visible ici. Un des personnages est un muscadin et appelé ainsi, preuve que ce petit-maître est présent bien avant la Révolution. Voici la description qu'en fait un autre protagoniste : « Vous avez l'air vous-même d'un Seigneur, on dirait que vous auriez fait la fortune d'un Intendant. Le beau linge ! Les superbes dentelles ! Le beau blond ! Je n'ai point vu de plus belles perruques ! Le beau Diamant ! Et le magnifique Bec-à-Corbin ! » Le 'Bec-à-Corbin' ou 'bec-de-corbin' est le pommeau d'une canne ayant la forme d'un bec. Celui-ci répond : « MUSCADIN. Je suis tout en or jusqu'à mes boucles, & mon plat à barbe. Je porte en Hiver des Chemises de Cotton fin. Le Cotton est ami de la transpiration, de Sanctorius. »

  Voici la définition (visible ici) que donne le Magazin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts …, tome premier, Paris, Magazin encyclopédique, 1795 :

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« On demande l’étymologie du nom MUSCADINS donné aux petits-maîtres, aux gens du bon ton, aux mille-fleurs, à ceux qui se distinguent par une parure recherchée, etc. ; et si l'épithète Muscadins donnée aux hommes de cette espèce, est toute récente, si elle appartient à notre temps ?
1.° Muscadin, dans le sens propre, signifie une pastille de musc et d’ambre, que l’on mange par sensualité, ou pour adoucir l'haleine; une boîte de Muscadins, signifie donc une boîte de pastilles musquées. Ce mot vient évidemment de Musc, Parfum très-fort, mais peu agréable, s’il n’est tempéré par un mélange d’autres parfums. Pélisson dans l'histoire de l'académie française, parle de la question née dans le dernier siècle, à l'hôtel de Rambouillet, sur la prononciation de ce mot. Fallait-il dire Muscadins ou bien Muscardins ? Balzac voulait que l'on dit et écrivît Muscardin par un r ; et il se fondait sur ce que le mot était emprunté des Italiens, qui nomment ces pastilles Moscardini. Voiture, au contraire, tenait pour Muscadin sans r, prétendant que Muscardin était trop dur à l’oreille. [...]
2.° Les petits-maîtres faisant usage des muscadins ou pastilles musquées, on les a nommés eux-mêmes Muscadins, de même que ceux qui, pour répandre une odeur agréable, selon eux, dans les lieux par où ils passent, parfument leur linge, leurs habits, et n’auraient pas mis, il y a quelque temps encore, une chemise, si elle n’avait passé quelques heures dans le sultan (I [meuble de toilette qui est « un double coussin rempli de plantes odoriférantes desséchées, couvert de taffetas, bordé de rubans, etc. »]). Ce goût pour les odeurs et les parfums est très-ancien, soit dans notre Europe, soit dans l'Inde. On connaît le mot du poète latin, Pastillos Ruffillus olet ; [...]
Mais depuis quand a-t-on nommé les hommes-femmes, les hommes musqués des Muscadins ? Je suis fort tenté de croire que la dénomination est toute récente, et qu’elle n’a pas plus de deux ans de date à Paris, d’où elle a passé dans
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les départements. Au moins, je ne me rappelle avoir vu dans aucuns de nos auteurs du dernier siècle, ni de celui-ci, l'épithète Muscadin appliquée en ce sens. C’est à mon avis un mot nouveau et très-nouveau, dont ces derniers temps ont enrichi notre langue. Au surplus, si quelqu'un plus versé que moi dans la lecture de nos livres, y avait vu les petits-maîtres et les gens parfumés, désignés par l'épithète Muscadins, il m’obligerait de me faire part de sa découverte. St. L***. »

Il est un peu tard pour faire lire à cet auteur le texte de Julien Jean Offray de La Mettrie datant de 1747. Je pense que l'on pourrait trouvé même des exemples datant du XVIIe siècle.

Pourtant beaucoup pensent que le muscadin naît avec la Révolution, comme John Centi Prevost qui dans Le dandysme en France, 1817-1839, ouvrage publié pour la première fois en 1952, cite un passage de Décade philosophique du 17 août 1794 d'Amaury Duval décrivant un muscadin marchant en sautillant, à petits pas, par ton, mais aussi parce « qu'il ne pourrait hâter sa marche, sans risquer de partager en deux » sa culotte étant très serrée. Il continue de le dépeindre avec de la « poudre qui blanchit ses cheveux », une « petite queue roulant sur un frack [frac] d'une forme bizarre »,  une « cravate au nœud soufflé », un « gilet qui ne descend guère plus bas que l'estomac », des « souliers qui ne lui cachent que les doigts du pied, et dans lesquels, pourtant, il paraît être à la torture ».

Dans Histoire secrète de la Révolution française … par François Pagès (tome troisième, Paris, 1798) il est écrit qu'à la Révolution : « tout homme ou toute femme qui était mis avec une certaine propreté, était appelé muscadin, muscadine. »

© Article et photographies LM


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