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Les Damnés- La lignée des Petrova- Chapitre 14

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Couché sur le dos à même le sol, les membres engourdis par le froid, Ivan ouvrit péniblement les yeux. Instinctivement, il porta une main à son front et sentit sous ses doigts gelés le liquide poisseux qui s’était écoulé le long de sa tempe. La plaie s’était déjà refermée grâce au sang de Klaus qui n’avait pas encore quitté son organisme depuis la veille, mais une douleur lancinante lui traversait  malgré tout  le crâne et le fit grimacer.  Sans lever la tête, le jeune homme tenta de percer la demi-obscurité qui l’entourait pour déterminer dans l’endroit où il se trouvait. C’était une cabane apparemment abandonnée. Les murs, faits de planches en mauvais état, laissaient pénétrer par les interstices la lumière mourante du crépuscule. Une vieille table entourée de troncs d’arbres qui faisaient office de tabourets, trônait au milieu de cette unique pièce. Ivan était allongé devant une cheminée de pierre à parois noires qui abritait des tisons noircis et froids. Le vent glacial qui s’engouffrait par le conduit le fit frissonner. Il roula sur lui-même et se redressa péniblement  pour observer le reste de la cabane.

Planté devant l’unique fenêtre de la pièce, Viktor lui tournait le dos et contemplait au travers des vitres opacifiées la forêt plongée peu à peu dans le noir qui entourait la cabane.  En voyant la haute stature du vampire, Ivan se figea d’effroi. Il ne le connaissait pas mais les présentations étaient inutiles. Lorsque quelques heures après son départ en douce, l’originel avait subitement fait irruption au milieu de la route, il avait su immédiatement qui il était. Il n’avait pas eu le temps de se blâmer pour son imprudence : un violent coup sur le crâne, qu’il ne vit pas venir, lui fit perdre aussitôt connaissance.

Ivan inspecta à nouveau la pièce pour trouver une échappatoire, même s’il ne se faisait que peu d’illusions sur l’efficacité d’une quelconque fuite. Mais après tout, il se dit que si le vampire ne l’avait pas encore tué, c’était qu’il lui devait certainement lui être utile à quelque chose. Quand son regard se posa sur l’unique porte, la voix grave de Viktor anéantit en quelques secondes le peu d’espoir qu’il avait encore.

 - N’y pense même pas, tu seras mort avant d’en avoir franchi le seuil, menaça-t-il calmement sans même se retourner.

- Si vous vouliez me tuer, ce serait déjà fait, lâcha de manière inconsidérée le jeune homme en se remettant péniblement sur ses jambes.

 Viktor, surpris par l’assurance du garçon, haussa les sourcils et se détacha de la fenêtre pour le jauger de la tête aux pieds. La ressemblance avec Klaus était frappante et manifestement elle n’était pas uniquement physique. Cette constatation agaça Viktor qui eut l’espace d’un instant l’impression d’être replongé vingt ans en arrière lorsque celui qu’il considérait alors encore comme son fils lui tenait effrontément tête.

Ivan se força à ne pas reculer lorsque le vampire s’approcha dangereusement.

- Ne te fais pas d’illusions, ce n’est qu’un bref sursis.

Ivan soutint le regard froid qui s’était planté dans le sien sans ciller. L’aplomb du jeune homme arracha un sourire narquois au vampire.

- Si j’avais encore des doutes sur l’identité de ton géniteur, maintenant je n’en ai plus. Tel père, tel fils : tous les deux aussi arrogants et impétueux. Ta mère aussi l’était mais, elle au moins, avait quelques arguments frappants qui lui donnaient plus de poids. Enfin jusqu’à ce que je la tue…

La mâchoire d’Ivan se crispa. Il serra les poings à s’en faire blanchir les jointures. Il en lança un de manière irréfléchie au visage de Viktor. Le vampire, qui s’attendait à cette réaction plus que  prévisible et parfaitement préméditée, para le coup et agrippa la gorge du jeune homme et le fit basculer violemment sur la table branlante qui grinça sous l’impact.

- Toi en revanche, tu n’es qu’un petit chiot insignifiant et indiscipliné que je vais me faire un plaisir de corriger, souffla Viktor à quelques centimètres du visage d’Ivan qui agrippait désespérément la poigne du vampire qui le privait d’air.

Ivan  ne dut son salut qu’à l’irruption inopinée de Vlad qui pénétra dans la cabane à ce moment précis.  Le vampire ignora le regard furibond que lui lança son père pour porter son attention sur Ivan qui se débattait vainement.

- Qu’est-ce que tu fais là ? Tu es censé rester sur la route, fulmina l’originel en relâchant sa victime qui s’effondra à genoux sur le sol en toussant pour retrouver son souffle.

- Il faut que je vous parle.

Le ton sec et direct employé par son fils agaça profondément Viktor qui le suivit de mauvaise grâce à l’extérieur de la cabane.

 Dehors, la nuit était quasiment tombée et la forêt semblait plongée dans une profonde léthargie. On n’entendait que les pas des vampires crisser dans la neige immaculée alors qu’ils s’éloignaient  de la cabane pour qu’Ivan ne puisse pas  entendre leur entretien.

- Où sont Noah et ton frère ? demanda froidement Viktor.

- Neklan surveille la route et Noah est resté en retrait. Ce n’est pas le moment qu’il se fasse surprendre, répondit Vlad en fuyant le regard insistant que lui lançait son père.

L’attitude embarrassée de son fils intriguait Viktor. Il hésitait manifestement à aborder le sujet qui le préoccupait.

- Je n’ai pas toute la nuit et je n’ai aucune confiance en ce morveux, s’impatienta Viktor un faisant un geste vers la cabane. Donc si tu as quelque chose à me dire, fais-le maintenant.

 Vlad suivit le geste paternel des yeux. Il contempla la cabane quelques secondes avant de se lancer. Il savait que la question qu’il allait poser aller irriter son père, mais il fallait qu’il dissipe les doutes qui l’avaient assailli au moment où son regard s’était posé sur Ivan.

- Est-ce  que ce garçon est le fils de Klaus ?

 Viktor se crispa.

-  Et alors ?  Ce n’est pas important, répondit-il négligemment pour minimiser l’importance de l’information.

- Et alors, j’aurais aimé être au courant. Pourquoi me l’avoir caché ? lança Vlad un peu trop violemment au goût de Viktor qui s’approcha de son fils pour le dévisager.

- Pour que tu m’évites le spectacle de ce sentimentalisme écœurant. Stanislas a déjà commis cette erreur, ne t’avise pas d’en faire autant. N’oublie pas ce que cette famille a détruit la nôtre… et la tienne aussi.

Vlad se détourna pour cacher son trouble. Son père connaissait parfaitement les faiblesses de chacun de ses fils et savait parfaitement les exploiter pour obtenir d’eux ce qu’il désirait. Ce constat énervait passablement le vampire qui avait la désagréable impression d’être manipuler depuis qu’il s’était laissé convaincre par Noah de sortir Viktor de son sommeil. En réalité,  c’était plus qu’une impression et la confirmation de l’identité du jeune homme venait de le conforter dans cette idée.

- Une fois Klaus et les Petrova morts, notre famille n’aura plus rien à craindre, Vlad, insista Viktor d’une voix plus calme.

Un silence pesant s’installa entre les deux hommes.

- Il est à peine plus jeune que mon fils, lâcha soudain Vlad. Il n’est pas une menace.

- Le gamin ne risque rien, mentit Viktor pour tenter de vaincre les derniers doutes de son fils. Il nous servira juste à « convaincre » sa tante de nous mener au grimoire. Si elle sait sa famille en danger, elle n’hésitera plus à s’en servir.

Il ne pouvait voir l’expression de son visage. Vlad lui tournait toujours le dos, les yeux rivés vers la cabane. Il le vit simplement hocher la tête en guise d’assentiment. Mais loin de rassurer Viktor, cet accord silencieux et peu convaincant inquiéta l’originel. Le patriarche avait déjà vu deux de ses fils se détourner de lui. Il était hors de question de laisser Vlad prendre le même chemin qu’Elijah et Stanislas, quitte à prendre des mesures plus radicales. Mais pour l’heure son aide était primordiale pour mener à bien leur plan.

- Bien, retourne près de la route, Klaus ne devrait pas tarder maintenant, lui ordonna-t-il.

- Comment pouvez-vous être sûr que c’est Klaus qui va venir et non pas Elijah ?

Un rictus déforma la bouche de Viktor. Ce serait Klaus. Il n’avait aucun doute là-dessus. Viktor connaissait effectivement chacune des faiblesses de ses fils.


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