Ron Mueck : take care

Un après-midi ensoleillé, une longue file d'attente devant la fondation Cartier pour l'art contemporain, voilà comment s'est amorcée ma visite de l'exposition Ron Mueck : dans la lenteur rendue obligatoire par l'attente, lenteur qui est le mot d'ordre de cette exposition.

Ron Mueck, Couple under an Umbrella, 2013. Matériaux divers. 300 x 400 x 350 cm. Courtesy Hauser & Wirth / Anthony d'Offay, Londres. Photo: CR.

Ron Mueck et un artiste australien né en 1958 résidant actuellement à Londres. Il est né de parents fabricants de jouets en bois et de poupées de chiffons. Il commence sa carrière e réalisant des marionnettes pour l'audiovisuel et, progressivement, il va réaliser des mannequins qu'il souhaite le plus réaliste possible. Il ne passera à l'art et à la sculpture qu'à la fin des années 1990 suite à la réalisation d'un Pinocchio qui sera présenté au collectionneur anglais Charles Saatchi et d'une première exposition. Le succès ira alors croissant...

« Détails » est sans doute le mot qui caractérise le plus le travail de Ron Mueck. Qu'elles soient petites ou monumentales ses sculptures sont d'une minutie extraordinaire. En entrant dans l'espace de la Fondation Cartier pour l'art contemporain, dans l'espace de gauche, se trouve une sculpture assez imposante : Couple under an Umbrella (2013). Elle représente un couple de personnes âgées, en maillot de bain sous une ombrelle. La femme regarde l'homme, ce dernier a le regard tourné vers ce qui semble être le large, ils sont sur une serviette de plage. Ce jour-là, une journaliste de France Inter venait demander aux visiteurs leurs ressentis mais surtout leurs interprétations des œuvres au public, pour chacun ces dernières pouvaient être différentes. Selon son état d'esprit, son interprétation d'une œuvre va être différente, elle va ou non nous toucher et ce quelle qu’ait été la volonté de l'artiste. Si vous avez déjà été voir cette exposition, qu'en avez-vous pensé ? Dans mon cas, j'ai vu dans ce couple une certaine désespérance de la vie, l'homme tient sa femme par le bras, le geste semble machinal. Elle, au contraire, a son regard tourné vers lui. Cependant aucun des deux ne sourie, ils ne semblent pas tristes mais c'est comme s’ils auraient pu être ailleurs, dans l'attente que la vie passe. Mais ceci n'est qu'une interprétation, un ressenti et chacun vivra sa confrontation avec cette sculpture différemment.

Ron Mueck, Woman with Sticks, 2009. Matériaux divers. 170 x 183 x 120 cm. Courtesy Hauser & Wirth, Londres. Photo: CR.

L'exposition se déroule sur les deux étages de la fondation, le rez-de-chaussée et le sous-sol. Outre le Couple under an Umbrella, au rez-de-chaussée se trouvent Woman with Sticks (2009) qui est utilisée comme visuel de l'exposition ou encore Still Life (2009) et Woman with Shopping. Ces sculptures sont étonnantes : Ron Mueck change d'échelle et de sujets établissant un contraste entre elles. La femme avec les branches est petite, elle semble porter un poids trop lourd pour elle, elle prend alors une position inconfortable, penchée vers l'arrière afin de s'équilibrer. Le poulet déplumé suspendu la tête en bas par les pattes de Still Life est insolite dans l’œuvre de Ron Mueck qui s'attache, habituellement, à représenter la figure humaine et ne s'intéresse pas à l'animal. Le poulet est plus grand que nature, pourquoi ? Il est nourri aux OGM ? Et la mère portant à la fois ses courses et son bébé, pourquoi semble-t-elle si droite, si dure, si fatiguée et si triste ? Lassée, elle ne s’équilibre pas comme celle de Woman with Sticks, elle semble attendre mais attendre quoi ? Que ça avance, que ça change, que ça passe ? Il est étrange de se confronter à ses personnages, qu’ils soient plus petits ou plus grands que nous, leur aspect hyperréaliste (ils ont des poils !) nous renvoie à nous-mêmes, à notre existence ou aux gens que l’on rencontre dans notre quotidien. Il en va de même au sous-sol avec le couple d’adolescents de Young Couple (2013), ils ont l’air paumé mais ne le l’avons-nous pas tous été à un moment donné ou à un autre de notre vie ?

Ron Mueck, Youth, 2009. Matériaux divers. 68 x 28 x 16 cm. Collection privée. Photo: CR.

Et il y a encore d'autres œuvres, d'inspirations bibliques pour certaines d'entre elles telles Youth (2009) et Drift (2009). Dans la première, on peut voir un jeune homme, noir, qui, comme le christ a une entaille au niveau du flanc droit : il contemple cette plaie avec une certaine douceur alors que la blessure cause sans doute une grande souffrance ou du moins a été provoquée par une certaine violence. À l'opposé on peut voir une sorte de Christ en croix : un homme en maillot de bain est allongé sur un matelas gonflable, positionné sur un fond bleu, on le croirait à la piscine. Mais en fait cette sculpture est à la verticale sur un mur. Dans une société capitaliste telle que la nôtre, peut-être que l'homme à sacrifier est celui qui se dore le nombril au soleil au milieu de sa piscine... Avant, il s'agissait un prédicateur itinérant qui partageait la parole divine, maintenant elle pourrait se résumer par la richesse, la gloire et le paraître... Les icônes ont vraiment changé, non ?

Ron Mueck, Still Life, 2009. Matériaux divers. 215 x 89 x 50 cm. Courtesy Hauser & Wirth, Londres. Photo: CR.

Comme l'a dit Ophélie, les œuvres de Ron Mueck ont plusieurs niveaux de lecture. On a le choix, on peut prendre le temps de se confronter aux différentes œuvres, les interpréter, les vivre en quelque sorte. La fondation Cartier pour l'art contemporain présente l'une ou l'autre sculpture en plus et un film dans lequel on peut voir Ron Mueck entrain de créer certaines des œuvres que l'on a découvert précédemment dans l'exposition, à voir pour se plonger dans l'univers de l'artiste...

Cécile.

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Exposition Ron Mueck jusqu'au 27 octobre 2013.

Fondation Cartier pour l'art contemporain

261, Bd Raspail, 75014 Paris

Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 21h

Nocturne le mardi jusqu’à 22h.

Fermeture le lundi.