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Tiny Ruins. La plus Anglaise des Néo-Zélandaises

Publié le 17 septembre 2013 par Canalkiwi81 @TitusFR

"Tiny Ruins". Derrière ce nom quelque peu énigmatique se cache une folkeuse au talent immense. Hollie Fullbrooke, qui est née en Angleterre, a suivi ses parents aux antipodes à l'âge de 10 ans. Un déracinement pas forcément bien vécu, sur lequel elle revient pour Canal Kiwi, en plus de raconter son cheminement marqué, en 2011, par la sortie de l'album "Some were meant for sea", qui fait déjà figure de classique dans le monde du folk. Il apparaît en effet dans le Top 5 des meilleurs albums au fameux classement de The Strand pour l'année 2011.  

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(Photo : Georgie Craw)

Hollie Fullbrooke, vous êtes née à Bristol, en Grande-Bretagne. A quand remonte donc votre installation en Nouvelle-Zélande ?  

J'avais seulement dix ans quand mon père s'est vu offrir un boulot là-bas. Nous ne connaissions personne dans ce pays. Tout est allé très vite. Mon père y a d'abord séjourné pendant trois semaines et mes parents ont dû décider, en un week-end, s'ils souhaitaient s'y installer ou pas. Je me souviens encore très bien de la manière dont ils m'ont présenté les choses : "Nous allons vivre une grande aventure"…

Que faisaient vos parents au juste ?

Papa était ingénieur en mécanique. Maman a eu plusieurs métiers. Au moment où nous avons quitté l'Angleterre, elle était homéopathe et travaillait dans une clinique pédiatrique.

Votre environnement familial a-t-il contribué à faire de vous une artiste ?

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(Photo : Georgie Craw)

L'ambiance à la maison a toujours été assez chaotique. Moi et mes deux frères étions très chahuteurs… Notre demeure à Bristol, une  maison mitoyenne de style victorien, était toute petite et pas en très bon état. C'était toujours très bruyant, on y criait beaucoup… Nous poussions ma mère au désespoir ! Lorsqu'il rentrait du boulot, mon père passait ses nerfs en remettant chacun à sa place. Je garde de très bons souvenirs de cette maison… En tant qu'enfants, nous étions libres d'aller et venir. Nous explorions le voisinage sur nos patins à roulettes. Nous avons passé pas mal de temps dans les jardins des uns et des autres, construisant des cabanes et faisant le trafic de grenouilles…

Adelphi Apartments

  

Et la musique était déjà bien présente ?

Ma mère chantait beaucoup lorsque nous étions tout petits… Elle avait fait partie d'un groupe folk à Londres dans les années 1970 : elle jouait de la flûte, de la guitare et de l'Autoharp. Je la revois en train de faire le repassage dans notre séjour tout en écoutant le "White Album" des Beatles. J'étais personnellement fascinée par son Autoharp, que je parvenais à débusquer au milieu du fatras du grenier pour jouer avec les boutons et les cordes. De temps à autre, j'ai pu aussi l'entendre jouer de la guitare : elle avait un style bien à elle au fingerpicking, c'était très joli et j'étais à chaque fois immédiatement captivée. Lorsque mes parents ont fait l'acquisition d'un lecteur CD, j'ai récupéré leur vieux tourne-disque qui est vite devenu mon trésor le plus précieux. Ils avaient une collection de disques bien fournie; je réécoutais sans cesse les mêmes albums…

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(Photo : Georgie Craw)


Quel fut votre premier instrument ?

Notre maison a été cambriolée à plusieurs reprises et la flûte de ma mère a été dérobée. Avec l'argent de l'assurance, elle s'est acheté un violoncelle et c'est donc l'instrument dont j'ai appris à jouer à partir de l'âge de 7 ans et jusqu'à mes 18 ans. J'ai eu la chance d'avoir des professeurs extraordinaires, et la musique est vite devenue une partie intrinsèque de ma personnalité… Quand nous avons déménagé en Nouvelle-Zélande, j'ai été séparée du violoncelle et de mon fameux tourne-disque pendant près de trois mois. Je me souviens très bien de mon excitation extrême quand les boîtes sont finalement arrivées… Je me suis aussi mise à la guitare environ un an après mon installation en Nouvelle-Zélande. C'est mon grand-père, qui nous rendait visite, qui m'y a initiée. Il a proposé de m'apprendre à jouer "Amazing Grace", et j'ai tout de suite accroché. Il connaissait plein de vieilles ballades country, dans la lignée de Johnny Cash…

Quelles sont les images de la Nouvelle-Zélande qui vous viennent à l'esprit lorsque vous repensez à vos premières années là-bas ?

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(Photo : Fred C. Dobbs)

La première année a été difficile. J'étais très en colère car ce déracinement me donnait l'impression qu'on m'avait volé l'essentiel de ce qui composait ma vie jusque là. Bristol et mes amis me manquaient énormément. J'étais un peu une paria à l'école. Ce fut une période difficile pour toute la famille. Peu à peu, j'ai ressenti le besoin de sortir de ma coquille. Je voulais m'intégrer à tout prix. J'ai rejoint les scouts de mer. J'ai beaucoup nagé, fait du camping et randonné dans la brousse. Nous vivions à proximité d'une petite enclave indigène située au coeur de la brousse et nous passions des heures à arpenter celle-ci de part en part. C'est ainsi que j'ai commencé à apprécier le plein air et, surtout, à réaliser à quel point nous étions chanceux d'être là où nous étions. A l'école, j'ai appris à reconnaître les plants et arbres endémiques, et c'est de cette façon que j'ai peu à peu développé un respect pour mon nouveau chez-moi et les somptueux paysages que ce pays nous offre.

Pigeon knows

C'est par le théâtre que vous avez été amenée à écrire vos premières chansons…  

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(Photo : Tim Thumb)

Oui, j'ai fait du théâtre à Wellington, mais j'ai toujours eu le sentiment d'être une très mauvaise actrice, si bien que je n'ai jamais vraiment participé à aucune production. En revanche, l'un de mes profs de théâtre, un type extraordinaire, Matt Wagner, m'a annoncé un jour qu'il allait monter "La Nuit des Rois" ("Twelfth Night") de Shakespeare, et j'ai réussi à le convaincre de me donner ma chance. J'avais la certitude qu'il fallait que je le fasse. Cela m'apparaissait comme capital. Il m'a laissé jouer et cela m'a vraiment mis sur les rails côté musique. J'ai en effet écrit la chanson "Bird in the Thyme" pour ce spectacle, un titre qui a figuré, plus tard, sur mon premier album. J'ai continué ensuite à collaborer avec certains des amis que je m'étais fait lors de la "Nuit des Rois" sur d'autres pièces pour lesquelles je participais à l'écriture de la musique...

Bird in the thyme

Quand avez-vous réellement commencé à composer vos propres chansons folk et comment vous y prenez-vous ? 

J'ai commencé assez tôt, avant l'adolescence. C'est venu assez naturellement et de façon régulière. Je pensais que ça ne durerait qu'un temps, mais la source ne s'est jamais tarie, en fait. Au fond de moi, je crois que le fait de composer m'apparaissait une évidence, mais je n'étais pas vraiment satisfaite de ce que j'écrivais au début. Le plus souvent, les compos prenaient forme sur l'instrument qui se trouvait à ma portée, le plus souvent une guitare, jusqu'à ce que j'emménage dans un appartement de Wellington où se trouvait un vieux piano. J'aime beaucoup bricoler là-dessus et parfois une chanson naît ainsi. Il n'y a pas chez moi de recette absolue; la méthode change d'une chanson sur l'autre.

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(Photo : Georgie Craw)

Tiny Ruins, c'est le nom que vous vous êtes donné. Pourquoi avoir choisi un nom de groupe alors que vous êtes la plupart du temps seule sur scène ?

Comme beaucoup d'artistes, je n'étais pas à l'aise avec l'idée de mettre mon nom en avant lorsque je diffusais mes chansons en ligne. Un nom de groupe était plus ambigu et m'offrait anonymat et flexibilité. Le nom m'est venu un matin, alors que je lisais un livre qui parlait de "ruines fumantes". Au même moment, une chanson de Tiny Bradshaw passait à la radio; c'était la chanson préférée de mon arrière-grand-mère, "She'll be coming round the mountain" ("Elle descend de la montagne", ndt). C'était une interprétation vraiment chouette que j'ai beaucoup écoutée à l'époque. C'est ce qui m'a décidée à associer "Tiny" à "Ruins", "ruines minuscules".

Quelles sont les choses qui vous inspirent le plus dans la vie ?

Je n'en suis pas certaine. Il arrive que quelques mots, une histoire ou une rencontre déclenchent quelque chose… Le défi est sans doute de faire le lien entre des idées parfois hétéroclites, des choses qui m'ont surprise. Certaines idées se retrouvent à l'arrière-plan pendant quelques temps et ressurgissent parfois au terme d'une lente gestation. C'est alors qu'on se retrouve à construire toute une chanson autour de cette idée. Pour moi, l'inspiration est l'art de rester ouverte à certaines idées qui peuvent apparaître surprenantes au premier abord. Il arrive que ces idées fassent leur chemin… 

Samuel Prutton fut la première personne à enregistrer vos chansons…

Je participais à l'époque à des soirées de poésie et musique non loin de mon domicile. Sam fut l'ingénieur du son de l'une de ces soirées et il m'a proposé d'enregistrer mes chansons. Deux mois plus tard, comme je venais de laisser tomber mon job de fin de semaine dans un café, je me suis retrouvée avec un peu de temps libre. Je l'ai appelé et nous avons passé un après-midi entier à enregistrer. Il me semblait important de les rendre tangibles. C'était une façon aussi de ne pas les perdre. Et puis, ça me permettait de démarcher les salles de concert. La gentillesse de Sam a transformé ma vie.

You've got the kind of nerve I like

Vous avez assuré la première partie d'Alasdair Roberts à Sydney en 2010. Comment cela est-il arrivé ?

Lorsque j'ai commencé à diffuser mes chansons sur le Web, un certain Matthew Crawley les a transmises à Aaron Curnow, chez Spunk Records. Je n'en savais rien, mais Aaron m'a appelé peu après pour me demander si j'étais prête à prendre l'avion dès le lendemain pour aller jouer à Sydney…

C'est peu après ce concert que vous avez signé un contrat chez Spunk Records en Australie…

Tout à fait. Au départ, je n'étais pas certaine que mon show lui avait plu, car il ne m'avait pas dit grand-chose à l'issue. Mais alors  qu'il me raccompagnait à l'aéroport, il m'a remis une enveloppe brune qui contenait les noms des artistes avec lesquels il travaille. Des artistes dont je suis fan pour la plupart. C'est alors qu'il m'a demandé si je souhaitais bosser avec eux.

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(Photo : Ben Anderson) 


Où et dans quelles conditions avez-vous enregistré votre premier mini-album, "Little notes", qui est sorti en décembre 2010 ?

C'était peu de temps après le concert de Sydney. Je venais d'obtenir mon diplôme universitaire et avais le projet d'aller rendre visite à ma famille en Angleterre. Cela faisait un bout de temps que je n'y étais pas allée. Mon ami Lieven Scheerlinck, plus connu sous son nom d'artiste, A Singer of Songs, m'a proposé de faire un show en commun à Barcelone. Cela s'est transformé en mini-tournée du Nord de l'Espagne. On s'est vraiment bien amusés, et c'est à l'issue de ces concerts que nous avons enregistré le mini-album dans une pièce de son appartement.

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(Photo : Ben Anderson)

Comment avez-vous été accueillis lors de cette mini-tournée ?

Dans la plupart des cas, le public était vraiment à fond dans notre musique. C'était même parfois assez délirant ! Les publics européens se montrent généralement très réceptifs. Ils nous reçoivent toujours avec gentillesse et respect.

Old as the hills

Votre premier véritable album, "Some were meant for sea", a connu un fort retentissement. Sorti en décembre 2011 au Royaume-Uni, il s'est hissé dans le TOP 5 des meilleurs albums de l'année au classement de The Strand, une référence…

Je n'en revenais pas; ça m'a redonné un peu confiance dans l'industrie de la musique dont le fonctionnement m'apparaissait jusqu'alors plutôt opaque. C'était très encourageant !

La plupart de vos chansons sont mélancoliques et méditatives… Est-ce que cela reflète la personne que vous êtes dans la vie ?

Je n'en suis pas sûre. J'imagine que cela me ressemble, plus que tout autre chose. C'est sans doute un reflet assez fidèle de ma personnalité, même si je ne crois pas être triste dans la vie. J'aime rire avec mes amis. La vie devrait être entière dans tous ses aspects et dans les sentiments que nous éprouvons. Mes chansons peuvent paraître sérieuses, c'est sûr. Mais je crois résolument dans une forme d'équilibre entre le sérieux et la légèreté. J'espère que le public peut aussi y trouver un peu d'humour…

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(Photo : Georgie Craw)

Un peu plus tôt cette année, vous avez donné plusieurs concerts en France. Vous aimez ce pays ?

Je l'adore ! Un endroit qui a toujours occupé une place spéciale dans mon coeur. La cuisine, les gens, la langue, l'Histoire, le romantisme, la force, la nostalgie, l'esprit révolutionnaire, … Je romance sans doute un peu, non ? Mais c'est ma perception de la France.

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(Photo DR)


Cela vous arrive-t-il de vous produire avec des musiciens lorsque vous êtes en tournée ?

Parfois, oui. Cela dépend du type de tournée et de la viabilité du projet. 

Vous avez publié cette année un nouveau mini-album, "Haunts". Est-ce vrai qu'il s'agit de chansons plus anciennes que vous avez réarrangées ?


Tout à fait. Il s'agit d'anciennes chansons que nous avons enregistrées en décembre 2012 dans la maison natale de mon bassiste, Cass Basil, à Waipu, à environ deux heures au Nord d'Auckland. C'est une maison pleine de caractère, située au fin fond de la campagne. Elle possède une architecture extraordinaire, avec un plafond en bois très haut que l'on voit en couverture de l'album. Pour cet enregistrement, nous avons utilisé un magnétophone à huit pistes.

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(Photo DR)

J'imagine que vous vous intéressez un peu à ce qui se fait sur la scène musicale néo-zélandaise… Quels sont à vos yeux les groupes ou artistes les plus prometteurs ces temps-ci ?

J'essaye de me tenir informée. Parmi les choses que j'écoute, il y a notamment Unknown Mortal Orchestra, qui a récemment publié un nouvel album, Opossum également. Popstrangers, Paquin, Street Chant and Rackets, Dear Times Waste, Princess Chelsea, Watercolours, Lisa Crawley. Un group qui s'appelle Space Ventura m'a beaucoup impressionnée ces derniers temps. The Bats, Robert M Scott, The Vietnam War, Delaney Davidson & Marlon Williams, Bannerman, Phoenix Foundation, The History of Snakes… voilà quelques noms d'artistes qui font des choses vraiment sympa. Je suis certaine d'en oublier beaucoup. Lorsqu'on creuse un peu, on tombe sur de vraies pépites. Il y a toujours de nouvelles créations à émerger.   

Un nouvel album en projet pour bientôt ?

Oui, nous y travaillons en ce moment. Il sera très différent du précédent !  

Propos recueillis par Canal Kiwi (Septembre 2013).

LA DISCOGRAPHIE DE TINY RUINS

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Haunts - EP (2013)







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Some were meant for sea (2011)







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Little notes - EP (2010)





POUR EN SAVOIR PLUS

Le site officiel de Tiny Ruins    

Tiny Ruins sur MySpace  

Sa page Facebook      

Pour commander ses disques : sa page Bandcamp


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