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[note de lecture] Stéphanie Ferrat, "Caillot", par Antoine Emaz

Par Florence Trocmé

FerratOn connaît la mesure de la poésie de Stéphanie Ferrat : elle pratique un art de la concision et de la densité. Chaque poème est aussi bien « caillot » que caillou cerné de silence. Formellement, on pourrait penser au haïku pour la brièveté, mais autant le poème japonais est clos sur son instant, même s’il le dilate aux dimensions d’une expérience du monde, autant le poème de Stéphanie Ferrat apparaît toujours comme une bribe, un fragment. Il ne se replie pas sur lui-même, il est comme extrait d’une masse non dite dont il indique le poids, mais pas la nature. La force tient à la contraction du poème sur ce qui peut se dire par rapport à tout ce qui reste tu. « à la terre rendue/la présence diluée//tête retrouvée/sauf le creusement » (p.20). 
Au fond, il y a dans cette poésie un refus égal de l’épanchement lyrique et de la fulgurance type Char. Poèmes comme éclats sans éclat, sans effets sonores appuyés non plus. On verrait plutôt une sorte de mobile composé de petits éléments de sens ébréché que le lecteur fait bouger au fil des pages. On saisit qu’il y a une séparation et une reconstruction lente : « le reste est ce qu’il peut » (p.37), « il a fallu//marcher perdre//pour que tout arrive » (p.42), « travailler// à tout survivre » (p.64) 
Mais il n’est pas possible à partir des poèmes, qui sont pourtant des jalons, de reconstituer un récit, une « histoire ». Il n’y a d’ailleurs pas de « je » dans ce livre, seulement de l’impersonnel, et parfois le « on ». Sauf dans un seul des tout derniers poèmes, peut-être la clé du livre : « j’avance//parole transparente//une enfance/plus bas/m’a laissée/opaque » (p.75). Le mouvement final est bien celui d’une libération fragile, comme en témoigne aussi le dernier poème : « toujours à ouvrir//la main//sera » (p.78) 
Signalons aussi la publication chez Propos2éditions d’un beau petit livre où les poèmes de Stéphanie Ferrat accompagnent des photos en noir et blanc de Magali Ballet. 
[Antoine Emaz] 
Stéphanie Ferrat, Caillot, Editions La lettre volée, 80 pages – 15€ 


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