Ce courriel d'Hubert Haddad (hier soir, mardi 17 septembre 2013) :
" Le poète Elie Delamare-Deboutteville est mort aujourd'hui, peut-être était-il un de nos grands contemporains inconnus, dans une entière solitude, peut-être pourriez-vous lui faire un signe, je vous joins quelques poèmes de lui, il en a écrit dans une vie de combat contre la mort et la folie près de vingt-huit mille
Une rencontre autour de son œuvre (programmée avant sa mort) est prévue le lundi 30 septembre :
Lundi 30 septembre 2013 à partir de 19 h
Découvrir Élie Delamare-Deboutteville
Élie Delamare-Deboutteville est un inconnu majeur de la poésie française contemporaine, un poète actuel, d'une extraordinaire inventivité. Né à Paris en octobre 1947, il est décédé le 17 septembre 2013 à Brunoy. Ceux qui ont eu la chance de le croiser n'ignorent pas la raison de cette méconnaissance : Élie Delamare-Deboutteville est la poésie incarnée - quand parole, corps et âme s'embrasent en une seule flamme. Toute sa vie - depuis ses premiers pas dans les ultimes turbulences du surréalisme (autour de l'Archibras et du Soleil Noir) jusqu'en ces jours malaisés de l'automne 2013 où nous le savons luttant contre la maladie - n'aura été qu'un immense poème d'une merveilleuse, burlesque, inquiétante singularité. L'œuvre qui en témoigne, sans doute l'une des plus vastes jamais écrites et dont on ne connaît pour l'heure qu'une infime part (éditée entre autres aux éditions Le Point d'être et Bernard Dumerchez), se déploie depuis la fin des années soixante en milliers de pages manuscrites et dessinées. Par cette rencontre que nous souhaitons allègre, ponctuée de lectures et de la projection d'un court-métrage, nous évoquerons, révélerons, mettrons à jour un poète vivant d'aujourd'hui, lui manifestant ainsi notre admiratif attachement tout en oeuvrant ensemble à sa pérennité.
Atelier Joëlle Posseme 17 rue Trousseau 75011, Paris - metro Ledru Rollin
Bibliographie
La Nouvelle Poésie française, (Anthologie) de Bernard Delvaille, Seghers, 1974
Face à peu de temps, éditions le Point d'être, 1983, avec une préface de Hubert Haddad.
Poèmes pour un dieu égaré sur terre, éditions le Point d'être, 1986, avec une préface de Frédérick Tristan.
Poèmes pour un dieu égaré sur terre, 1989, préface de Frédérick Tristan
Poèmes pour la conquête d'un vertige, éditions Bernard Dumerchez, 2004, illustrations de Gérard Zingg
Poèmes pour un sabre enfantin, éditions de Champtin, coll. Kraft, avec les encres de Patricia Noblet, présentations de Hubert Haddad et de Rémy Pastor, 2005
Raison basse (Anthologie), éditions Caméras Animales, 2007.
Textes dans les revues l'Archibras, Le Point d'être, C', Dérives, L'Ivre de Pierre, Supérieur Inconnu, etc.
Extraits proposés par Hubert Haddad
Chanson funèbre
L'amour et l'orage s'en allèrent
main dans la main
enterrer le temps
qui passe et revient
nous ne sommes en vie que par la grâce
des morts
Scène d'intérieur
et les déluges ne cessaient d'enchanter
les hommes autant que les dieux
les foules des temps
passant repassant
devant ce miroir
où Dieu caresse
et console un Serpent
à plumes
écoute
ô écoute
le possible
le chant jaillissant
de l'amour possible
que même l'impossible
garde mémoire
de ce chant que tu entends
en toi par toi
intemporel
on regarde le monde
dans le miroir de la mort
les arcs-en-ciel de l'intemporel
ouvrent leurs yeux
ô amour je te parle
et je te contemple
bien après notre mort
je me souviens de ton sourire étonné
quand on te dit le chiffre du silence
tu quittes la nuit de la mort
mais dis toi de temps en temps que
la nuit est blanche
Ô bonheur de croiser une étoile au plus près
Ô panique devinant la mort d'un soleil
les rêves ne sont pas forcément
roses, noirs ou azur
l'infini passe un pied derrière
la tête
*
Et l'être eut deux visages en même temps
La porte s'ouvrait toute seule
La part invisible de chaque chose
La mort n'est pas le noir total
Un regard d'amour se pose sur chaque os
On ne peut pas oublier le corps
L'absence pleure par mes yeux
Un cadavre léger comme une fleur
Un cadavre lourd comme une étoile
Ô amour sans deviner le temps
Ô amour sans oublier l'absence
L'infini étant une croix
L'infini contemple l'infini
Et le cerveau disparaît derrière moi
[...]
3
l'occident
contemple
le taureau
du possible
gardant
l'impossible
combattant
l'orient présente
la danse de l'écume
au rivage du doute
4
on s'étonne
de l'infini
autant que
de l'amour
tout
se
suppose
un cube
est au cœur
de la tourmente
dans la campagne
les vaches ont des sourires
prophétiques
et calmes
quel sera le temps
de pluie dorée et
de plomb argenté
quel sera l'intemporel
pense-t-on mieux
dans un cercueil
ou dans une boîte de conserve
la croix de guerre
ferait-elle bien
au cou du Christ
lointaine
lointaine
mystérieuse
histoire
le silence
ouvre ses oreilles
et entend
le rien
les mondes et les temps`
se souviennent
aussi vite qu'oublier
écoutez la couleur
chantant l'impossible
dialogue changeant
Portrait par Jean Criton