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[Critique] MA VIE AVEC LIBERACE

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] MA VIE AVEC LIBERACE

Titre original : Behind The Candelabra

Note:

★
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☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Steven Soderbergh
Distribution : Michael Douglas, Matt Damon, Dan Aykroyd, Scott Bakula, Rob Lowe, Paul Reiser, Debbie Reynolds, Garrett M. Brown, Cheyenne Jackson, Bruce Ramsay, Jane Morris, David Koechner, Randy Lowell…
Genre : Biopic/Drame/Adaptation
Date de sortie : 18 septembre 2013

Le Pitch :
Comment le destin de Scott Thorson, un jeune éphèbe des classes moyennes, changea du jour au lendemain, suite à sa rencontre avec Liberace. Liberace qui enchanta des millions de spectateurs grâce à son talent de pianiste hors du commun et à sa faculté à repousser sur scène et dans la vie, toutes les limites de l’extravagance. Liberace et Scott qui, malgré les clivages, vont entretenir une relation secrète pendant cinq ans…

La Critique :
Qui est Liberace ? Non parce qu’en France, il n’est pas évident de trouver ne serait-ce qu’un disque de l’artiste, du moins, aussi facilement qu’un cd du King Elvis ou de Johnny Cash, deux autres légendes de la musique américaine. Car Liberace est en effet une légende. Aux États-Unis il précéda Elvis et les stars du rock and roll, auxquels il ouvrit la voie en ce qui concerne les excès et l’extravagance. Pianiste virtuose de son état, Liberace est devenu l’une des premières stars de la musique à engranger des millions. Grâce à son toucher donc, qui lui ouvrit les portes des plus fameuses salles de concert qu’il s’empressa de remplir à ras bords des soirs durant, mais grâce aussi à son émission de télé, qui fit les beaux jours de ses nombreuses admiratrices dans les années 50.
Liberace n’a jamais vraiment réussi à s’exporter convenablement. Étonnant donc que le film de Steven Soderbergh, centré sur Liberace, ne soit pas sorti dans les salles américaines. Là-bas, le film, produit par HBO fut diffusé sur cette même chaine. En France, après avoir fait sensation au Festival de Cannes, le long-métrage a droit à une belle sortie dans les cinémas et à la promotion qui va avec.
Pourquoi ? C’est simple : Ma Vie avec Liberace ne se contente pas d’aborder le personnage sous un angle classique, de sa naissance à sa mort comme nombre de biopics. Il s’intéresse à un épisode bien spécial de la vie du pianiste. Celui qu’il partagea avec Scott Thorson, un aspirant vétérinaire, tombé sous son charme, et avec lequel il passa cinq ans de sa vie, sans par la suite, jamais vraiment réussir à l’oublier.
Pas évident donc pour les distributeurs américains d’assumer un tel film. Une œuvre traitant d’un artiste immensément célèbre, porté par deux acteurs superstars et réalisée par un cinéaste populaire, mais qui parle d’homosexualité. Liberace n’a jamais admis de son vivant son homosexualité. Sa relation avec Scott Thorson étant restée secrète jusqu’au bout. Dans ses mémoires, Liberace affirmait même rechercher la femme idéale, car au fond, il savait très bien que même ses admiratrices les plus ferventes (la plupart du temps âgées) n’auraient pas accepté cet état de fait. Bref ? Trop gay pour L’Oncle Sam, Ma Vie avec Liberace arrive chez nous par la grande porte.

À l’heure où cet article est publié, Soderbergh campe sur ses positions : Ma Vie avec Liberace sera son dernier film. Non pas qu’il compte quitter le milieu du cinéma, mais en tout cas, pour le moment, il ne veut plus réaliser. Pour tirer sa révérence, il a choisi l’un des artistes américains les plus fantasques et au passage, l’un des plus secrets. Et comme Soderbergh est un bon, même si certains de ses films dénotaient d’un pilotage automatique un peu flagrant, il a ici mis les bouchées doubles de manière à nous en mettre plein la vue.
Intelligemment, Soderbergh se range derrière Liberace, qui était déjà suffisamment haut en couleurs, sans que l’on ait besoin d’en rajouter des louches. L’avantage de s’intéresser à des personnalités comme Liberace, est que si on manœuvre correctement, avec discrétion, la moitié du boulot est déjà faite. Soderbergh l’a bien compris et opte pour une réalisation toute en nuances. Avec une économie de mouvements et d’effets, le cinéaste brosse la romance secrète d’une légende avec l’un de ses fans et du même coup dessine le portrait de deux hommes finalement assez similaires, pris tous deux dans les méandres d’une époque pleine de contradictions. Loué soit Soderbergh d’avoir refusé d’en faire des caisses. Liberace en fait suffisamment. Ses tenues, ses maisons, ses shows et ses voitures sont suffisamment parlants. Soderbergh trouve l’équilibre. Pertinente, sa mise en scène fait semblant de s’effacer derrière le mythe pour mieux en dessiner les contours et ainsi laisser le champs libre aux deux acteurs vedettes.

Car au-delà de son sujet et de la personnalité hors-normes de son héros, Ma Vie avec Liberace est un authentique film d’acteurs. Le film de deux comédiens en pleine possession de leurs moyens, tous les deux absolument incroyables dans leurs cases respectives.
Michael Douglas tout d’abord. Macho emblématique des années 80/90 et star mondiale au charisme rayonnant dans des longs-métrages gravés dans la pierre, Douglas revient de loin. Ma Vie avec Liberace est le premier film que le comédien tourna après sa rémission. Pour revenir au turbin, il ne s’est pas facilité sa tâche et fait un truc qu’il n’avait pas fait depuis des lustres, à savoir se mettre en danger. À quand remonte le dernier film où on pouvait voir Michael Douglas s’investir autant ? À 2007 et King of California peut-être, mais plus certainement à 2000, où l’acteur tournait pour la première fois avec Soderbergh pour Traffic. En soi, un sacré paquet d’années, durant lesquelles Douglas n’a pas vraiment fait d’étincelles. Ici, dans le rôle de Liberace, il est parfait. Il repousse toutes les limites et emmène son jeu dans des contrées inexplorées, riches en pièges divers et variés. Dès les premières scènes, son talent explose. Douglas n’en fait jamais trop. Il dose parfaitement son jeu, de ses mimiques à l’intonation de sa voix. Pas besoin de connaitre le vrai Liberace pour se convaincre de l’extraordinaire boulot accompli ici. L’homme à femmes, si torride et brutal dans Basic Instinct, devient un homme à hommes, sensible mais parfois tyrannique, excentrique, controversé, virtuose et névrosé. Liberace est un personnage à la complexité intense. Douglas a pigé le truc, et à l’écran sa dévotion totale et son intensité désarmante font des merveilles. Dommage que le statut de téléfilm du long-métrage aux États-Unis lui interdise d’emblée une nomination à l’Oscar, car il aurait été inconcevable qu’il ne soit pas récompensé.

Imaginez donc un peu la situation de Matt Damon. Lui qui est chargé d’incarner en quelque sorte le narrateur tacite de cette love story pleine de strass, de paillettes, et dansant frénétiquement sur les partitions rythmées des morceaux de Liberace. Comment arriver à se sortir de l’ombre du géant Liberace/Douglas sans pour autant jouer la démesure ? Comment exister indépendamment et faire de son personnage de petit-ami, un être suffisamment consistant ? Facile quand on joue sur les bases d’un scénario malin qui sait faire la part des choses, même si bien évidemment, le talent de Matt Damon y est pour beaucoup. Car lui aussi se met salement en danger. Son rôle est complexe, rappelant, par son parcours, celui de Mark Wahlberg dans Boogie Nights. Finalement, c’est Scott Thorson, son personnage, le véritable pivot de l’intrigue. Lui qui attire, grâce à sa beauté, les faveurs de Liberace et lui qui, le jour venu, doit s’en détacher dans la douleur.
Sorte de créature formatée pour coller dans un univers qui n’est pas le sien (qui a dit Frankenstein ?), le personnage de Matt Damon évolue en suivant les courbes du récit. Il s’accorde peu à peu avec la tonalité générale, jusqu’à exploser littéralement hors des limites du cadre. Impressionnant, Matt Damon échappe lui aussi à tout les superlatifs. Steven Soderbergh lui laisse également le champs libre pour faire exister son rôle. Avec Douglas, Damon porte le film de bout en bout, sans retenue et vraiment, c’est formidable.

Touchant, jamais trop excentrique, visuellement très riche et redoutablement dosé, Ma Vie avec Liberace est un tour de force. Certainement un poil trop bavard et un peu trop long, le film n’en reste pas moins spectaculaire. Il rentre dans l’intimité, longtemps gardée secrète, d’une icône de la musique, sans salir son image véritable et son talent d’artiste. Avec respect. Un respect pour le public et pour le sujet traité.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : ARP Sélection


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