Je vous annonçais il y a quelques jours une série de billets sur des spécialités normandes. Voici le premier, avec la visite de l'entreprise Graindorge, implantée à Livarot, dans le Calvados.On rattache ce genre de parcours dans la catégorie du "tourisme industriel". J'aimerais plutôt parler de "tourisme patrimonial" et c'est une chance que nous avons de pouvoir approcher ainsi au plus près la fabrication, en l'occurrence ici de fromages.
Certaines photos sont un peu sous-exposées du fait des prises de vue à travers les vitres. Il ne faut pas que cela vous déroute. Je vous encourage à faire la visite si vous êtes dans la région.
C'est absolument passionnant. Vous ne serez pas empêtrés dans une blouse, avec des surchaussures et une charlotte sur la tête pour garantir l'hygiène des lieux. Ces parois de verre vous permettent de discuter entre vous sans gêner le personnel qui travaille en direct sous vos yeux.
Chaque étape est expliquée avec pédagogie et élégance. On ne s'ennuie pas un instant et on apprend beaucoup. Rien n'est caché. Difficile d'être plus transparent avec ses consommateurs ! Chapeau !
C'est un ancien camion aux armes de Graindorge qui signale que nous allons entrer dans un lieu historique, fondé par Eugène Graindorge, le grand-père de l'actuel PDG, Thierry Graindorge. L'ensemble est en fait tout neuf, suite à un incendie qui a ravagé l'unité de production en 2004, mais sans lequel les progrès n'auraient pas été mis en place si vite ni avec autant d'ampleur.
Nous commençons par un hall d'exposition accueillant des artistes régionaux. On y trouve aussi une très abondante documentation sur tout ce qu'on peut voir ou faire en Normandie.
Au fond de cette salle commence le circuit qui peut accueillir aussi bien les touristes individuels que les groupes ou les professionnels, avec un nombre de visiteurs annuels d'environ 50 000. Il est conçu pour permettre de suivre l'intégralité de la chaine de fabrication, en l'occurrence du Livarot et du Pont-l'Evêque qui sont les deux fromages fabriqués ici. Le camembert est encore moulé à la louche, mais à Saint-Loup-de-Fribois, près de Crèvecoeur-en-Auge, et le Neuchâtel plus loin, dans la zone d'appellation de ce fromage.
La salle suivante rend hommage aux éleveurs sélectionnés par Graindorge en mettant en valeur le travail de deux couples très différents, Jacqueline et Michel qui travaillent sur le bio, Régis et Marie-Christine avec une salle de traite équipée d'un robot. Tous avec la même démarche de développement de la race normande, nourrie au maximum en pâture ou avec du foin.
C'est une excellente idée de donner ainsi la parole aux producteurs qui sont 130 tous terroirs confondus. Par exemple, et du fait de la petitesse de la zone d'appellation du Neuchâtel ils ne sont qu'une dizaine à fournir le lait à Graindorge pour la fabrication de ce fromage.
Les tanks sont visibles à l'extérieur, rappelant que tout commence avec le lait et les centaines de mètres d'aqueduc sont aussi impressionnants que dans une raffinerie.


Car comme on le voit la chaine est unique. Et il faut un sens aigu de l'observation pour comprendre les changements de type de lait ou de fabrication de fromages. On s'en rend compte par le fait qu'un bac est subitement vide et on s'amuse de voir le robot descendre et monter "pour rien". C'est ce qui s'appelle alors brasser de l'air.
















Nous empruntons ensuite une passerelle qui longe le hâloir car il ne faudrait pas croire qu'on emballe le fromage sans ce passage par une période d'affinage. Livarot (à gauche) et Pont l'Evêque (à doite) vieillissent paisiblement.




Il y a au total une assez forte main d'oeuvre, d'à peu près 250 personnes.

A l'origine ces bandelettes, au nombre de 5, comme les galons qui ornent les épaules des colonels de l'armée française ont valu au fromage son surnom de "colonel". C'était le fromage de la région le plus consommé au XIX°, au point d'être baptisé "viande des pauvres".
Ce sont des bandes de papier de couleur verte sur les Livarot pasteurisés. Faciles à reconnaitre donc.










