Magazine Journal intime

Où il est question de boue et de rester debout!

Par Vivresansargent

21/09/13

Fichtre ! Saperlipopette ! Bon sang de bonsoir ! Bah dames ! Mes aïeux ! Quelle journée !

Ce matin, j’ai quitté le petit chalet simple mais chaud de Marie-Anne ! Après Anne-Marie à Namur, Marie-Anne à Hastière, il fallait le faire !

Ma rencontre avec mon hôte de la nuit dernière a été également un bon moment.

Je suis installé sur la terrasse d’un tout petit bistrot en train de jouir de ma pause syndicale du matin. Un café dans la main droite et mon pied nu et endolori dans la main gauche doit être un spectacle assez folklorique car elle éclate de rire en sortant du troquet. Du coup on discute un brin et de fil en aiguille, elle m’offre gentiment un autre café. Femme d’un certain âge, comme il est de coutume de le dire quand une femme a passée la cinquantaine, elle n’a pas perdu sa spontanéité d’enfant pour autant. La discussion est rapidement soutenue et on constate vite que l’on partage la même vision de notre monde. Mais toute chose a une fin. Je m’apprête à  la quitter pour une course que je dois faire avant de partir à l’assaut de ma première montagne quand elle me propose d’enfourcher sa bécane et d’aller pour moi au supermarché du bout du village pour acheter cette boîte de sardine dont j’ai besoin, m’évitant ainsi, trente bonnes minutes de marche. J’accepte sa proposition, avec plaisir, dans un grand sourire. Une dizaine de minutes plus tard, ma boîte de sardine à la main, on se salue chaleureusement et je prends la route.

Une heure ou deux après, en haut de la montagne, j’aperçois une mobylette qui pétarade au loin, c’est Marie-Anne qui rentre chez elle ! Elle s’arrête à mes côtés et de nouveau on discute un bout. Très spontanément et très simplement elle me dit qu’elle habite tout près et qu’elle se ferait une joie de m’offrir le gîte et le couvert ! Décidément, cette femme est très généreuse et décidément, ma bonne étoile brille de mille feux ! Ayant décidé de profiter de ce voyage pour m’ouvrir encore plus au monde et aux gens qui le peuplent, j’accepte cette autre proposition. Et j’ai bien fait. Nous avons passé une soirée très sympa à refaire le monde. Nous avons beaucoup partagé et beaucoup échangé. C’était très intéressant pour elle comme pour moi. Nos parcours et nos tempéraments sont certes très différents mais ils nous ont mené au même endroit et c’est bien ça l’important. Si j’avais laissées mes attitudes premières et grossières prendre le contrôle de cette journée, je me serais certainement détourné de cette personne, pour me protéger et rester au chaud dans ma bulle d’égoïsme et d’auto-satisfaction. J’ai choisi l’amour, la simplicité et l’écoute de mon prochain car je découvre que c’est de là que vient la véritable chaleur. Je suis heureux de cette escale spirituelle. La nuit a été plus chaude que si j’avais dormi dehors. Et même si la simplicité du chalet et sa taille modeste a contraint mon hôte à m’offrir son sol pour me reposer le temps d’une nuit, faute de lit pour les invités, le repos a été complet et bon.

Ce matin, au moment de se saluer, surprise, elle me tends un couteau ! Incroyable ! Évidement elle ne me veut pas de mal. Si vous avez lu l’article précédent, vous vous souviendrez que je vous révélais le fait que je n’avais pas de couteau ni de torchon et que pour un pèlerin, c’était plutôt moyen. Dans cet article je finissais en me disant que la vie étant si bien faîte, on allait sûrement m’offrir ce couteau ! Grâce à Marie-Anne, c’est chose faite ! En effet, avant de se coucher, elle a navigué sur mon blog et découvert mon besoin. Elle, en femme généreuse, elle a comblé ce besoin. Dingue ! J’ai refusé le torchon car mes manches font bien l’affaire et que ça fera toujours ça de moins à transporter. Je n’ai pas vidé la moitié de mon sac hier, pour le remplir de nouveau aujourd’hui ! Quelle rencontre ! Vraiment sympa. Merci Marie-Anne. Ne change rien.

Je quitte donc ce village le sourire aux lèvres, satisfait de cette halte chaleureuse et heureux d’avoir les pieds dans des chaussures presque chaudes d’avoir passées la nuit sous le radiateur. Quand on est un pèlerin, on se contente de peu.

Avant de vous raconter pourquoi la journée mérite la phrase d’introduction que vous avez lu en première ligne de cet article, je dois vous dire qu’une bonne heure après avoir quitté ma dernière étape, la vie m’a fait un autre cadeau. Je n’ose pas vous le raconter. Et si vous me preniez pour un mythomane ! Ça me ferait perdre toute ma crédibilité pour le reste du récit de mon voyage, les boules ! Les jours précédents, je me suis fait la remarque qu’un petit pull-over ou une veste polaire ne serait pas de trop pour compléter mon équipement. Et bien que vois-je sur le bord de la route ? Deux sacs poubelles qui débordent de vêtements ! Je m’approche et fouille un peu, pour voir. Je constate, vu leurs tailles et leur style général, que ce sont des fringues de jeune femme. Il y a de tout ! Dans ce tout, je trouve une veste polaire ! Incroyable ! Je le jure, elle sent la lessive ! J’ai supposé, on a que ça a faire sur la route, qu’un homme a dû préparer ces sacs après une rupture douloureuse et que cette jeune femme n’est jamais venue les récupérer. De rage, le gars a tout balancé dans la nature. Sur le bord de cette route, un autre de mes besoins est donc comblé par la vie. C’est vrai la couleur de la veste polaire tire un peu sur le rose mais je m’en moque pas mal, elle semble chaude et j’aime bien le rose, ça fait ressortir mes yeux. Merci la vie !

C’est ensuite que la journée a pris une toute autre tournure. Je me suis acheté un guide dans lequel est signalé le GR 654 qui mène jusqu’à Vezelay, une aubaine. Aujourd’hui, j’ai bien compris pourquoi GR ! Pour Grande Randonnée !

Après le petit village de Soulme, je suis les indications du guide qui me dit que pour la prochaine étape, je dois m’attendre à 55 minutes de marche, pour 3,5 kilomètres. C’est parti. Après une heure trente de marche, toujours pas de village. Le sentier est détrempé et m’oblige à ralentir le pas, ça doit être pour ça. Je commence à m’inquiéter au bout de deux heures de marche. Je me dis qu’au moment de l’impression du livre, ils ont dû oublier le 1H devant le 55, ça c’est déjà vu ! Je continue donc. Là, de détrempé, le sentier passe à boueux. Puis, de boueux, il passe dans la catégorie « boueux presque impraticable ». J’ai protégé mes chaussures jusque là mais je finis par me résigner et me concentre uniquement sur le fait de rester debout, une gageure. Je trouve un bâton qui m’aide bien car à chaque fois que je pose le pied au sol, la chute est en option et je me souviens avoir choisi le sentier sans option dans le catalogue ! Évidement, mes chaussures de ville ne sont pas du tout adaptées à cet environnement, c’est le moins que l’on puisse dire. Leurs semelles étant aussi lisses que de la peau de bébé, je marche sur des œufs et je fatigue.

Mes yeux sortent de leurs orbites quand je découvre que je dois franchir un mur ! Croyez moi, une pente à au moins 45% ! C’est tellement pentu qu’ils ont fixé une corde pour aider les marcheurs à devenir escaladeurs. Je me lance dans l’ascension. Au bout de deux mètres, je dois lancer mon bâton et prendre la corde à deux mains si je veux pouvoir atteindre le sommet. Une fois là-haut, les cuisses en feu et la langue sur la poitrine, mes yeux font des huit quand je me rends compte que je dois, cinquante mètre plus loin, redescendre ce que je viens de monter ! La pente est la même, la corde est du même type, les cailloux du même genre et l’eau de la même source. La descente s’avère effrayante ! Je descends en arrière, un peu comme en rappel. J’hallucine ! Je crois rêver ! Je repense à tout ces pèlerins que j’ai croisé en Espagne, il y a quelques mois. C’est simple, 90% d’entre eux ne seraient pas passé. Je ne dis pas ça pour frimer. J’en ai vraiment bavé. C’était vraiment dangereux ! Surtout quand trente minutes plus tard, rebelote, même punition, exactement le même type d’obstacle, escalader une pente abrupte et la redescendre aussitôt ! C’est quoi ce sentier ! Un piège pour éliminer discrètement les baroudeurs! Il y a des dizaines d’arbres énormes couchés sur le sentier. Un coup il faut passer au dessus, un autre, il faut enlever le sac et passer en dessous ou bien faire un détour dans les fougères et les ronces. Dur. Ça fait trois heures que je suis dans cette forêt et je sais depuis un moment que je me suis perdu. J’en ai la confirmation quand je passe devant une carte, près d’une sorte de barrage. Je me suis trompé au moment de prendre le GR à Soulme ! Comme j’ai fait une halte imprévue au chalet de Marie-Anne, j’ai quitté le sentier et je suis arrivé à Soulme par une petite route goudronnée. Si j’avais suivi le GR hier, je me serais rendu compte que je le prenais à l’envers ! Dur. Je garde le sourire et je me dis que ces quelques difficiles kilomètres parcourus même pas pour des prunes, m’ont sollicitées mais pas tué. J’allais oublié de vous le dire, ce matin, j’ai laissé ma gourde chez mon hôte ! Je pensais trouver rapidement une boutique. Je n’avais donc rien à boire pendant cette traversée. C’est moi la gourde !

J’ai commis une boulette qui va laisser quelques traces, surtout demain ou après demain, au niveau des cuisses. Je vais faire une pause avec les GR ! Je vais attendre d’avoir d’autres chaussures avant de tenter de m’y aventurer de nouveau. Si c’est comme ça jusqu’à Vezelay, je vais suivre les départementales, c’est moi qui vous le dis. Que je ne sois pas tombé aujourd’hui tient du miracle ! Merci. Je suis parti pour apprendre à être plus vivant encore, pas pour mourir de mort mortellement mortelle !

Plus tard, pour me consoler, la dame de l’office de tourisme de Givet (en France), m’annonce qu’il y a ici, une auberge gratuite pour les pèlerins. Chouette.

Après quelques minutes de discussion avec un couple de pèlerin venu de Hollande, ils m’annoncent qu’ils ont également vu défiler leurs vies devant leurs yeux, sur ce drôle de sentier. Et, ils me disent que quatre personnes se sont blessés dernièrement sur ce GR ! Pour la dernière fois de la journée, j’hallucine !


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