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OPÉRA NATIONAL DE PARIS 2013-2014: ALCESTE de C.W.GLÜCK le 19 SEPTEMBRE 2013 (Dir.Mus.: Marc MINKOWSKI, Ms en scène: Olivier PY)

Publié le 22 septembre 2013 par Wanderer

Alceste n’est pas un des opéras les plus populaires de Gluck, comparable à un succès de répertoire comme son Orphée et Eurydice, qui lui aussi est une descente aux Enfers. C’est un long lamento, une succession de plaintes, celles d’Alceste qui va perdre son mari Admète, puis celles d’Admète qui va perdre sa femme, puis celles des deux, enfin celles du peuple qui va perdre ses modèles politiques et ses références morales. Long lamento ponctué d’un air célébrissime, Divinités du Styx, redoutable fête de sons graves pour la protagoniste. Pour que l’œuvre passe auprès du public, il faut en général une forte personnalité scénique qui ait suffisamment de charisme pour imposer le personnage : on a vu par exemple Germaine Lubin, Maria Callas et plus près de nous Shirley Verrett s‘y  confronter. Shirley Verrett, statue impériale au milieu d’une magnifique colonnade conçue par Pierluigi Pizzi dans ce même Palais Garnier (production de Florence), c’est un souvenir que les spectateurs parisiens (un peu) plus âgés ont gardé dans un coin de leur mémoire mélomaniaque. J’ai pour ma part aussi entendu  à la Scala la version italienne (1767) de Ranieri de’ Calzabigi à Milan sous la direction experte de Riccardo Muti, qui a un sens inné de la grandeur gluckienne (laissons l’adjectif gluckiste aux débatteurs du XVIIIème), avec Rosalind Plowright, la précédente édition en 1972, avait eu Leyla Gencer comme protagoniste.
La version française qui remonte à 1776 est de Le Bland du Roullet. L’Opéra de Paris a d’ailleurs repris Alceste assez fréquemment : c’est la deuxième production depuis l’ouverture de Bastille,  et la troisième depuis 1980. En confiant à Olivier Py la mise en scène, et aux complexes des Musiciens du Louvre-Grenoble dirigés par Marc Minkowski, Nicolas Joel montrait quelle importance il accordait à cette production qui devait à l’origine marquer en plus le retour de Roberto Alagna sur notre scène nationale.
On connaît l’histoire : Admète se meurt, et Alceste son épouse demande à Apollon de sauver son mari : le Dieu consent à le sauver si un mortel meurt à sa place. Alceste s’offre à la place de son époux. Celui-ci, sauvé, découvre bientôt qui s’est offert en sacrifice et en refuse la perspective, mais il est (presque) trop tard. Au seuil des Enfers,  Hercule, qui a fini ses 12 travaux, intervient, fait reculer les Dieux infernaux, sauve Alceste, tandis qu’Apollon invite la ville à fêter le retour de ses souverains.
La source principale est évidemment la tragédie d’Euripide qui fait presque d’Alceste l’héroïne unique (Admète est bien ambigu et fait bien peu pour sauver sa femme) dans une pièce qui ne manque pas de contrastes, avec par exemple un Hercule trivial, qui tranche avec le ton compassé de l’ensemble.
J’ai lu çà et là que Py avait conçu une cérémonie funèbre, sur une scène marquée par le noir (décor, costumes) sauf par la tache blanche de la robe d’Alceste (quand elle s’offre en sacrifice, c’est la couleur dont on revêt les victimes) ou du lit d’Admète, devenu ensuite lit d’Alceste, sorte de lit d’hôpital auprès duquel rôde un médecin (en fait l’oracle chanté par l’excellent François Lis). Mais cette cérémonie est sans cesse détournée par des détails dérangeants ou cocasses, à commencer par quatre ou cinq figurants qui dessinent à la craie des « ambiances », plus que des décors, sensées remplacer les toiles peintes, qui la plupart du temps représentaient des natures sauvages ou domptées et des longues perspectives de colonnades ou  des architectures antiques rêvées. Ces dessins, qui rappellent les architectures de Monsu Desiderio, qu’on dessine avec habileté et qu’on efface aussitôt pour montrer la fragilité des choses humaines, ont fasciné le public qui ne parlait que de cela à l’entracte. Ils représentaient le Palais Garnier, des perspectives à la Claude Le Lorrain, des arbres, des flots déchainés avec un navire à la Cutty Sark, une tête de mort, la lyre resplendissante d’Apollon, le rideau de scène de Garnier.
La craie n’est pas là par hasard évidemment, tout eût pu être travaillé à la vidéo, avec de l’informatique (comme l’électrocardiogramme d’Admète), projeté ou filmé, y compris en noir et blanc pour être dans le style…Mais la craie renvoie tout à la fois à un monde de l’enfance perdue, qu’on efface facilement, à un monde dominé par la manualité, la main humaine et non le machinisme (les décors sont poussés ostensiblement par des machinistes). À la craie aussi quelques aphorismes dont Py est friand (à la craie dans cette production , dans d’autres au néon), sans réponses, désespoir politique, le soleil ni la mort ne se peuvent rencontrer, ANANGKÈ (la nécessité, ce qui doit arriver), seule la musique sauve, Les nuits d’été. Ce côté "artisanal" de l'opération, parfaitement voulu et central dans l'ambiance créée par Py, renvoie bien sûr à l'essentialité du théâtre, avec aussi sa distance ironique (la scène de l'électrocardiogramme à la craie provoque évidemment quelques rires) et son regard sur les illusions, sur les illusions de la caverne platonicienne, qui apparaissent, disparaissent, et qui jouent même avec le mélange des signes de l'effacement et de la lumière, traces des balais et de l'eau laissées sur les surfaces éclairées par les projecteurs, d'autres formes naissent ainsi, d'ombres et de lumière, plus abstraites, plus "contemporaines".
Le propos d'Olivier Py pourrait bien partir de "seule la musique sauve": le palais d'Admète et d'Alceste est un dessin qui représente le palais Garnier, dominé, on le sait par Apollon entouré de la musique et la poésie (un groupe du sculpteur Aimé Millet). C'est donc cet Apollon protecteur du Palais Garnier, qui est aussi celui auquel s'adresse Alceste pour sauver son mari. D'ailleurs, l'image finale est la lyre qu'il porte, qu'on voit plusieurs fois dans le déroulement de la représentation, et c'est lui,  corps doré recouvert de paillettes, qui intervient dans les dernières secondes. La musique est donc l'élément porteur, ce qui ne saurait étonner puisque pendant la seconde partie (Acte III) l'orchestre est sur la scène, et les espaces de jeu se réduisent au proscenium et au fond de scène: habilement, Py y fait dessiner le rideau du palais Garnier par ses quatre techniciens dessinateurs (de l'équipe du décorateur Pierre-André Weitz), ce qui recrée un rapport traditionnel scène/orchestre sur la scène et donc un théâtre en abîme: le rideau dessiné du Palais Garnier ouvrant sur le retour d'Alceste des Enfers. On entre aux enfers par la fosse, et on en ressort par le fond: l'Enfer est partout, pas d'échappatoire: seul le plateau est la vie.

Car sans orchestre, la fosse devient l'entrée des enfers, d'où émerge le choeur, avec des masques de mort: à l'opéra, l'enfer c'est la fosse...vous percevez l'ironie du propos..? Et pour sortir de l'enfer, l'orchestre doit être sur scène...est-ce si gentil pour Minkowski tout ça...?
Je plaisante, bien entendu...Il reste que le dispositif du troisième acte, faisant de l'orchestre le protagoniste qui occupe l'essentiel du plateau, avec un choeur derrière, bien de face, comme dans une représentation en version (semi) concertante et un proscenium occupé par les chanteurs rappelle bien des concerts d'opéra. Py nous dirait-il en plus, que la mise en scène est inutile à l'opéra et que la musique nous dit tout, parce qu'elle nous sauve? Bref, triomphe de la musique dans sa sublime abstraction (image finale de la Lyre), et mort de l'opéra: d'ailleurs le Palais Garnier de craie est bien vite effacé, ainsi que le rideau de scène à l'arrière. Jolie pirouette pour illustrer un auteur fondateur de l'opéra moderne.
C'est donc pour moi d'abord un travail non pas sur l'histoire d'Admète et d'Alceste, illustrée assez platement une fois que la surprise des dessinateurs aux longs bâtons de craie est passée et devient système, et donc non plus pour parler d'une histoire funeste de mort et d'enfers, d'effroi et de mythologie, mais plutôt c'est plutôt un travail sur la mort baroque du genre opéra (ou peut-être de la variation baroque de l'opéra). Le public fait donc un triomphe à la mort de son genre préféré, le noir renvoyant plus à une abstraction qu'à un signe mortuaire.
Mais je continue de plaisanter...
La craie: parlons-en justement. Bien sûr ces dessins font référence aux toiles peintes des opéras baroques, avec leurs perspectives rêvées et leurs visions de l'infinitude, elles apparaissent, elles s'effacent,  mais alors que dans l'opéra, elles offrent seulement un cadre évocatoire, ici les dessins deviennent en quelque sorte protagonistes: tous les spectateurs s'interrogent en se disant "alors et maintenant, qu'est-ce qu'ils vont nous dessiner?" et se concentrent sur leur travail, n'ayant ni Lubin, ni Callas, ni Verrett à se mettre sous la dent.
Je trouve le travail de Py très brillant, très virevoltant, ouvrant des possibilités multiples d'interprétation, très déstabilisant même par sa profusion et dans sa très apparente simplicité: au théâtre, ne jamais se laisser prendre à l'apparence. Et si tout le monde était en noir pour illustrer le noir des concerts (choeurs et orchestre sont tous en noir: le noir est la couleur du concert en représentation) et non pour l'histoire d'Alceste. Bon, je concède, il y a le blanc du lit, le blanc d'Alceste, mais qui connaît l'antiquité sait que le blanc est la couleur du deuil, la couleur funéraire: le blanc, c'est la mort, pas le noir. Non, le noir ici n'est pas la mort, mais la couleur de la musique, la couleur que chaque soir, à Pleyel ou à Lucerne, à la Philharmonie de Berlin ou au Musikverein, nous acceptons comme un topos de la musique dite classique. Il n'y a que la musique qui sauve, nous dit Py: quand on vous le dit que ce noir là est un noir de vie...
D'ailleurs l'antiquité dans son système de références artistiques est bien présente: il y a dans ce travail une idée que je trouve vraiment géniale, c'est d'avoir fait chanter Divinités du Styx comme une invocation funéraire en plaçant la protagoniste assise de profil contre un fond aux dimensions de stèle, comme s'il s'agissait d'une stèle funéraire attique, avec un serviteur qui porte le miroir parce que celle qui va mourir se prépare et se fait belle pour le dernier voyage. Une sorte de stèle animée. J'ai immédiatement pensé à la très fameuse stèle d'Hègèsô, du Musée d'Athènes. Un vrai moment de mise en scène.
Py ne cesse aussi de jouer sur les distances avec l'histoire racontée. L'histoire en elle-même ne semble pas trop l'inspirer: certes, la lecture d'Euripide lui a inspiré un Hercule facétieux, une sorte de magicien à la Mandrake très bien personnifié par Frank Ferrari, un Hercule qu'on ne prend pas trop au sérieux, qui fait sortir bouquets et colombes de son chapeau; certes, l'image des enfants (une trouvaille de la version française) tantôt éplorés dans des gestes convenus comme pour faire la photo, tantôt absents, jouant à la balle, littéralement ailleurs et plus adolescents qu'enfants; certes aussi il sépare le choeur des "Coryphées" coiffés d'une couronne de laurier qui ont directement la fonction du choeur antique, commentant l'action, pendant que le choeur réel est le peuple, affolé au premier acte, lâche et fuyant (comme toujours: le peuple n'est pas fait de la trempe des héros) festoyant pour le retour d'Admète au second, lisant les journaux pour avoir des nouvelles (les journaux, encore un signe d'une sorte de passé; aujourd'hui les choeurs tweetent les news, voir Ivo Van Hove -Macbeth à Lyon, ou Andreas Kriegenburg - Götterdämmerung à Munich; dans le monde antique selon Py, on lit encore les journaux et on écrit à la craie. Tout fait signe au théâtre.
Et malgré toute cette profusion de possibles, malgré ce travail très brillant, il reste que toute cette distance fait disparaître l'émotion: Py est brillant, mais serait-il pour autant substantiel? Je n'arrive pas à voir dans ce travail un autre discours que celui du jeu sur les formes, sur le théâtre, sur la musique, qui ne va pas au-delà d'un jeu au total superficiel. Un exercice de style de haute voltige, mais qu'un exercice de style. Que reste-t-il au bout du compte? On peut se poser la question.
Je trouve en revanche que le travail sur les personnages  reste dans  ce maelström étonnamment frustre, que les mouvements, les rapports des êtres entre eux restent confinés dans des gestes convenus, sauf à de rares moments (Alceste se penchant sur le corps d'Admète dans son lit) et encore. Il y a certes une volonté de rester sur une sorte de grammaire du geste très abstraite, réduite au minimal nécessaire, sans doute aussi pour respecter le tragique, qui refuse tout pathos. Mais cela ne cadre pas suffisamment avec la construction de la silhouette très contemporaine de Sophie Koch ou même d'un Admète en bras de chemise. Des silhouettes d'aujourd'hui avec des gestes d'avant hier, qui conviendraient à une Adrienne Lecouvreur (la vraie, pas celle de Cilea) en stola ou à un Lekain en tunique ou en toge. Je sens là quelque chose qui n'a pas  (pour moi du moins) fonctionné et qui reste très froid et très distant. Adieu émotion.
Musicalement, l'ensemble de la distribution est très honorable, il n'y a vraiment aucune faute de goût, même si tous ne sont pas totalement convaincants.
Yann Beuron interprète un Admète au style impeccable, tant dans la diction, que l'expression, que la projection c'est au niveau du chant de très loin le plus convaincant, le plus présent vocalement aussi: il ne m'a pas en revanche convaincu comme personnage ou comme acteur, plutôt pâle, mais en cela il convient bien au rôle, pas très passionnant: on se demande bien pourquoi un tel amour d'Alceste, pour un Admète si peu héroïque et aussi fade.
Sophie Koch en revanche éprouve des difficultés dans ce rôle redoutable entre tous. C'est une prise de rôle, et sans doute va-t-elle peu à peu polir le propos; mais la fréquentation de rôles plus aigus (Wagner par exemple) pèse évidemment pour un rôle qui frappe par ses exigences dans les graves. Elle ne les a pas. On ne l'entend pas dès que la voix descend, et encore plus quand l'orchestre est sur scène. Quant aux aigus, ils sont un peu criés. Et donc  il y a du tiraillement dans la voix et dans la ligne de chant. L'artiste reste évidemment intéressante, soucieuse de proposer une vision cohérente, et la proposition reste honorable, mais je suis persuadé que si elle était plus à l'aise avec sa voix et avec le chant, le personnage sortirait beaucoup plus incarné: ici, il y a l'actrice, correcte, il y a le chant,  un peu plus discutable, et les deux n'arrivent pas vraiment à créer une osmose. Bref, je n'ai pas été vraiment touché.
Le grand prêtre d'Apollon (en soutane...) de Jean-François Lapointe confirme l'excellence de cet artiste dont la qualité du chant marque chaque apparition. On se passionne pour ce chant et cette technique, qui dominent largement le premier acte et qui ravissent l'oreille: Lapointe est une valeur très sûre, notamment pour ce répertoire.
Frank Ferrari, très à l'aise comme personnage dans Hercule offre une jolie prestation qui contraste bien heureusement par son côté vital. Un joli moment, très souriant, très roboratif, très sympathique.
Parmi les autres rôles, qui sont épisodiques, notons les quatre coryphées, confiés pour l'essentiel à d'anciens élèves de l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Paris, et qui montre que le travail mené a porté ses fruits, des voix très présentes, techniquement au point, bien projetées, très musicales (Florian Sempey, Marie Adeline Henry), mais j'ai un faible pour Stanislas de Barbeyrac, dont le style impeccable, le velouté du timbre, l'élégance, la projection laissent espérer une carrière brillante. Si on ajoute François Lis (l'oracle, une divinité infernale) qui a étudié au conservatoire de Paris, on peut être particulièrement satisfait du travail de préparation des jeunes chanteurs français d'aujourd'hui. Il est vrai qu'on les voit maintenant émerger un peu partout, et ils ont vraiment un niveau technique particulièrement remarquable. L'idée d'un chant français piteux, qui est un topos superficiel du monde lyrique, ne correspond vraiment plus du tout à la réalité, et on peut ici saluer l'Opéra de Paris qui met en valeur cette génération déjà bien présente sur les plateaux.
Mes doutes les plus marqués au niveau musical vont à la direction de Marc Minkowski, et à l'ensemble orchestre et choeur. On regrette quand même que pour une oeuvre pareille le choeur de l'Opéra de Paris n'ait pas été convoqué; certes, il prépare Aïda, mais tout de même...  Le choeur des Musiciens du Louvre est (juste) un ton en dessous de ce qui serait à attendre dans ce théâtre, en termes de volume, en termes de rondeur, en termes de présence. Et du point de vue des rapports entre l'orchestre et le choeur, il y a de trop nombreux décalages et, plusieurs fois,  comme des erreurs de tempo, comme si les deux n'allaient pas toujours ensemble, ni toujours de conserve.
Quant au choix de l'orchestre, j'avoue que j'ai des réserves sur l'emploi dans Gluck d'un orchestre baroque (notamment pour les cuivres, presque pénibles). Je sais qu'on pourrait en discuter à l'infini, mais j'entends toujours Gluck à la lumière du futur qu'il a impulsé, Spontini, Cherubini, voire Rossini et bien sûr Berlioz et Wagner. Et je préfère l'entendre avec des orchestres modernes, on y lit beaucoup plus les filiations, les nouveautés, les fulgurances. Ainsi, voir et entendre l'orchestre sur scène impose un style sonore qui ne me convient pas, question de goût, d'habitude (d'autres diraient sans doute manque de goût et de culture). J'avoue, comme d'ailleurs lorsque j'ai entendu Cherubini dirigé par Spinosi, ne pas comprendre ce que cela apporte de plus, ou de mieux, au-delà de la curiosité esthétique: là aussi un exercice de style inutile. Quand je pense qu'on commence à nous infliger du Rossini ainsi, comme si cela allait devenir la norme, cela me désole, car on tombe encore dans l'effet de mode et de marché, mais absolument pas dans l'effet musical utile. Je rappelle pour mémoire que le Couronnement de Poppée qui me marqua à jamais fut celui où chantaient ces baroqueux bien connus qui ont nom Jon Vickers, Christa Ludwig, Gwyneth Jones, Nicolaï Ghiaurov.
Mais qu'on ne se méprenne pas, je ne remets pas en cause l'interprétation des oeuvres baroques sur instruments anciens ni l'apport musicologique essentiel de ces recherches. Mais puisqu'on ne peut savoir exactement quel son entendaient nos ancêtres, ni comment ils le percevaient (pas plus qu'on ne peut savoir exactement comment ils disaient ou entendaient les vers, pas plus qu'on ne peut savoir exactement comment ils percevaient les couleurs) on ne peut pas imposer une uniformité de styles et de formes. Or je cherche ce que ce son sec et déséquilibré, quelquefois vacillant, apporte à Gluck. J'ai entendu plusieurs fois Riccardo Muti (qui est loin d'être mon chef de prédilection) dans ce répertoire avec un orchestre "ordinaire", j'ai été cent fois, mille fois plus impressionné, surpris et ému.
Dans la fosse, on n'entendait pas vraiment bien l'orchestre, notamment les cordes si essentielles étaient d'une discrétion notable. Ainsi les effets aux cordes des inserts de l'orchestre dans le grand choeur du premier acte, qui sont à la fois sublimes et très "modernes" et qui doivent avoir du relief, restaient d'une désespérante platitude, et à peine audibles. Sur scène au contraire, on l'entendait un peu trop et il couvrait souvent les voix. Où est le juste équilibre? Et la direction de Minkowski, certes comme toujours énergique et dynamique, n'avait pas pour moi l'épaisseur voulue. J'ai lu que certains y ont vu une insondable profondeur, avec un relevé de détails sublimes de la partition: je dois vite courir chez Audika, car j'ai bien peu entendu de détails, de raffinements, de profondeur dans ce travail: cette direction ne me dit rien, ne me parle pas, elle ne me tient pas un discours: elle avance, elle file puis elle passe et on l'oublie. Ainsi d'ailleurs suis-je terriblement frustré: face à un travail du metteur en scène sur la musique , c'est justement la musique qui pêche et qui ne répond pas suffisamment du moins à mon goût aux exigences de cette partition. Seule la musique sauve, eh bien, pas ici, pas vraiment.


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