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Yves Montenay, Échos du monde musulman N° 200

Par Alaindependant

25 septembre 2013

Les milles rumeurs d’Internet

Internet bruisse en France de rumeurs un peu délirantes, anti-sarkozystes naguère, anti-Hollande aujourd'hui, anti-Obama depuis son premier mandat. Et ce que voit un citoyen français n’est rien par rapport à ce qui circule au Moyen-Orient, surtout depuis l'affaire syrienne.

En tant que rédacteur de cette lettre je suis destinataire d’une fraction déjà notable de ce que peut recevoir un citoyen arabe. À cela s'ajoute ce que l'on m’envoie « es-qualité », notamment la propagande israélienne et les innombrables études géopolitiques des groupes d'intérêts américains. Je ne sais pas à laquelle de ces deux casquettes je dois la propagande russe et iranienne, mais elle envahit aussi ma boîte aux lettres, tout en me rajeunissant par leur parfum de guerre froide. On y retrouve le même Thierry Meyssan qui s'était illustré dans le passé par son réseau Voltaire, puis par son imputation de l'attentat du 11 septembre au « complexe militaro-industriel » américainet qui est très présent depuis dans les médias russes, latino-américains et moyen-orientaux. Donc des rédacteurs de « révélations » de tendances et d’origine extrêmement variés.

Il est difficile de savoir ce qu'il y a de vrai dans tout cela. Je suis sceptique sur tout ce qui est « complot ». Certes beaucoup cherchent à en monter, mais en général ils avortent. Ils ratent parce que le comploteur a une idée fixe : favoriser X, « démolir » Y, ou dénoncer tel et tel intérêt économique (pétrole, gaz, pipeline…) ou géostratégique. Or les personnes à idée fixe ont tendance à ne pas voir « le reste », et notamment pas les passions identitaires, religieuses, idéologiques ou autres, alors que leur complot va buter sur ce « reste ». Ou réciproquement, tel complot identitaire va buter sur un problème économique. Heureusement la plupart de ces idées ne franchissent pas le cap d'un supérieur un peu plus serein. Mais il peut y avoir des exceptions.

Bref il faut raisonner froidement. Souvenez-vous des libelles contre Marie-Antoinette qui ont « chauffé » l’opinion française avant et pendant notre révolution et dont « le fond de vérité » était mince ou nul ! Pourtant beaucoup de Français de bon niveau gobent une bonne partie de ces modernes libelles et les diffusent avec des commentaires approbateurs.

Et pendant ce temps-là que se passe-t-il en Tunisie ?

Apparemment rien. Pas de morts supplémentaires, c'est déjà ça. Mais d'un autre côté c'est inquiétant, car cela veut dire que perdure la situation d'un gouvernement islamiste élu pour un an, mais qui est déjà là depuis 2 ans sans fixer la date ni le mode d'emploi des élections et qui semble « bétonner » son pouvoir notamment en plaçant ses sympathisants dans les postes d'autorité.

En fait les mouvements d'opposition et la société civile ont tenté de convaincre le parti islamiste au pouvoir de se retirer en faveur d'un gouvernement de technocrates qui organiseraient des élections indiscutables. Mais des avancées en cours de discussion n'ont jamais été acceptées par Ennahda. Et il n'y a personne « au-dessus » (comme l'armée en Égypte ou le roi au Maroc).

Et bien sûr tout cela n'arrange pas la situation économique.

Et au Maroc ?

La situation est bien sûr beaucoup moins grave. Un des soucis du jour est la fermeture d'écoles coraniques salafistes par un ministre du gouvernement, fermeture dénoncée par un autre ministre. Je n'ai pas eu connaissance d'un arbitrage par le premier ministre, voire au-dessus. Vous souvenez que le gouvernement est islamiste, vaguement tendance Frères Musulmans, lesquels sont, comme dans les autres pays, divisés entre adversaires et sympathisants des salafistes. Ces derniers sont à la fois proches sur les questions religieuses et concurrents sur le plan politique, et seraient d'ailleurs financés par l'Arabie, les Frères l’étant par le Qatar.

Un autre problème remue davantage les foules. Le Maroc a enfin décidé d'indexer certains prix publics des produits pétroliers sur l’international. C'est le genre de décision qui, quel que soit le pays, met le feu à l'opinion publique, au moins au début (en France sommes maintenant habitués).

Il fallait le faire : vous souvenez que le Maroc est totalement coincé entre le prix auquel il achète le pétrole extérieur et les prix plus bas auquel il est vendu à l'intérieur, la différence étend à la charge de l'État via une caisse de compensation. Une forte hausse des prix est nécessaire, non seulement pour l'équilibre des finances publiques mais surtout pour réduire la consommation, qui, elle, est payable en dollars. Depuis plusieurs années le pays ne survivait qu'en quémandant des dollars auprès des pays amis, du Nord ou producteurs de pétrole, ce qui poussait certains de ces derniers à se conduire de façon humiliante pour le Maroc.

Mais ces problèmes n'étant pas directement ressentis par le citoyen de base, ce dernier ne voit que la ponction sur son pouvoir d'achat. Je remarque que le Palais a choisi d'en faire porter le poids à un gouvernement islamiste.

En attendant ce dernier se débat pour trouver de nouveaux alliés après la défection de l'Istiqlal. Toutes les alternatives font apparaître des oppositions idéologiques et surtout de personnes, ce qui irrite le citoyen lambda, spectateur de cette bataille pour les postes intéressants.

L'Algérie en pleine tambouille présidentielle

Je vous épargne la pluie d'articles algériens traduisant l'inquiétude de la population alors que le président Bouteflika semble trop fatigué pour se représenter, voir même pour gouverner. On s'orienterait vers une prolongation de son mandat pour permettre à son clan de mieux mitonner la succession. En attendant les nominations et les démissions pleuvent, apparemment au bénéfice dudit clan.

Par ailleurs le pessimisme économique s'aggrave : le pays est de plus en plus pris en tenaille entre des importations qui augmentent rapidement et des exportations de produits pétroliers qui diminuent, notamment parce qu'une partie croissante est consommée sur place. Dans les deux cas (importations et consommation de carburant), c'est la contrepartie de la distribution massive d'argent destiné à éviter un « printemps algérien ».

L'Arabie lève un orteil

Les observateurs attendent depuis des décennies que le régime séoudien fasse un pas en avant dans le domaine des « questions de société » (statut de la femme et autre progrès des libertés). À défaut de « pas », on a vu frémir un orteil avec la candidature aux Oscars du film "Wadjda" (alors que les cinémas sont interdits dans le royaume) et une première loi sur la maltraitance, tant envers les femmes qu’envers des employés. L'application de cette dernière loi sera compliquée par le fait que la femme doit solliciter l'autorisation et l'accompagnement de son mari pour porter plainte, quand bien même ce dernier serait l'agresseur.


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