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Morceaux choisis - Michael Donhauser

Par Claude_amstutz

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Parfois je retournais au tableau et je voyais ce que j'avais oublié, l'ombre de la barrière, les ombres des piquets de la clôture, et l'étendue qu'on pouvait davantage deviner que voir, où conduisait l'alignement des arbres, qu'elle n'était pas une plaine avec des allées qui s'étendaient vers l'horizon. La lumière s'y étalait en de grands lointains, ces lointains étaient là sous forme de lumière qui se déversait, à travers les branches, le treillis, la barrière.

J'avais l'impression, tel que je voyais le tableau, qu'il m'avait manqué depuis longtemps comme un endroit qui vous faisait rester: et ce qui vous faisait rester était semblable à l'ouverture d'une main qui ne retenait plus, qui montrait seulement, et cela purifiait de se défaire ainsi, de toutes choses, tandis que la vue était une respiration, de l'air frais, du soleil chaud. Ainsi donc il était de nouveau là, le seuil, et la légère retenue également, du souffle, à la vue de la pie.

La pie, elle, habitait le tableau, elle s'y était posée, sur le barreau le plus haut de la barrière en guise de branche, un peu comme en passant ou comme un être vivant, être vivant abandonné autant que le baquet, et la neige, elle était sur le sol en abondance, semblable à l'herbe, qui verdirait là en abondance, semblable aux feuilles qui donneraient aux arbres leur plénitude lumineuse, à une autre saison, car il n'y avait là pas Rien, il y avait la neige peinte et l'étendue peinte et la peinture de la pie sous forme d'oiseau sombre avec une tache claire sur la poitrine, avec des plumes de la queue semblables à des traits de pinceau.

Et le ciel n'était pas bleu, pas du bleu d'une claire journée: il était brumeux, brumeux et comme si la clarté ainsi réfractée dans la brume était plus grande, plus vive la lumière, comme un demi-jour, encore matinale presque, presque crépusculaire déjà. Tout reposait, tout était, était résonance, était ramure et murs badigeonnés, tout habillait le silence sur l'épaule nue duquel était posée la pie: y avait-il la mort, était-elle le son auquel le tableau répondait, en écho?

Mais la mort, elle vint, comme les fleurs tournoyaient, des poiriers, comme l'air embaumait un parfum doux et que les branches se couvraient de feuillage: de sorte que l'été ensuite et l'automne pratiquement inaperçus s'écoulèrent et que ce fut un éveil, comme la neige était là, comme l'hiver était là où il y avait encore eu le printemps et que la neige parlait, de la mort. Vous marcherez au soleil et moi, je serai sous la terre, avait dit quelqu'un, mais à présent le silence régnait comme si toutes les paroles de l'adieu étaient traduites en ce silence lumineux.

Où étaient-ils donc passés, comme on disait, les jours, toutefois je ne posais pas la question, je regardai encore une fois l'oiseau qui, tel un guetteur, était juché sur la barrière, qui s'envolerait à nouveau, qui s'était envolé d'une branche, avait traversé un bout de clarté, puis s'était posé, en battant un peu des ailes, là-bas, sur le barreau supérieur, là où le chemin ne faisait qu'un avec le chemin, celui qui avait été parcouru, celui qui s'étendait devant vous: et on ne voyait personne, ni homme passant par là, ni femme venant par le chemin.

Par le chemin: où il n'y avait pas de chemin, où la neige recouvrait le chemin qui peut-être conduisait à la barrière, puis à la maison, à l'une des deux, puis de la maison jusqu'à l'étendue le long des arbres, peut-être, car son tracé pouvait à peine être remémoré, mais présent, transformé en cette présence sous forme d'éclat, de lumière, se déversant, transformé en cette qualité d'image sous forme de pie, d'emblème, placé dans le silence, pour l'agrandir.

Michael Donhauser, La pie -  d'après La pie de Claude Monet / extrait (Harpo &, 2012)

traduit de l'allemand par  Laurent Cassagnau

image: Claude Monet, La pie (histoiredesartsrombas.blogspot.com)


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