Meurtre mysterieux à Manhattan

Woody fait du Woody avec son ex-femme...
Couple sans histoire, Carol et Larry Lipton font la connaissance de leurs voisins, les House, charmants retraités. Le lendemain, madame House meurt d'une crise cardiaque. Carol trouve le veuf bien peu affligé, et le soupçonne d'avoir tué sa femme. Elle mène l'enquête, aidée par Ted, un ami qui la courtise et flatte sa lubie.La comédie policière, genre qu’affectionne tellement Woody Allen, est, comme souvent, prétexte à mettre en scène sa propre personne avec ses phobies, ses bons mots, ses interrogations et sa vision du couple. Ici, il met le paquet en terme de références aux films noirs ; on reconnaît successivement « Assurance sur la mort » (Billy Wilder), « Fenêtres sur cour » (Hitchcock) et un final à la Orson Welles avec « La dame de Shangaî ». Pour ce film, il s’est inspiré d’un fait divers aux accents très classiques ; des individus ordinaires cherchant un peu de piquant dans une vie ennuyeuse se retrouvent confrontés à une histoire que les dépasse. Le spectateur aussi est désarçonné par les coïncidences, les surprises, les rebondissements :le mobile du présumé meurtre est plus compliqué qu’attendu, les cadavres s’entassent, les morts ne sont pas les bons,… Cette œuvre n’atteint pas la grâce de son chef d’œuvre du genre qu’est « Match Point » mais ce film est une densité incroyable. Avec Woody Allen, rien n’est jamais simplifié, et dans ses films les degrés de lecture sont multiples. La fiction rejoint souvent le réel du fait qu’il mette beaucoup de lui-même dans ses œuvres. Ici, il recrée le couple qu’il formait avec Diane Keaton dans « Manhattan » et surtout « Annie Hall ». Ils ont vécu 10 ans ensemble à l’époque de ces deux films et se retrouvent pour ce film et y prennent beaucoup de plaisir ; çà se voie. Les intellos bohèmes de « Annie Hall » laissent place 15 ans après à des bourgeois bien installés dans leurs habitudes. Ce film parle donc aussi à travers de très beaux dialogues de la peur de vieillir, de la nostalgie du passé, de l’usure du temps dans le couple, des sentiments,… En fait cette comédie policière est plus un film romantique qu’un thriller noir. Cette énigme doit apporter du piment dans le couple et elle n’est en fait destiné qu’à le sauver comme une dernière folie avant que l’âge les rattrape et les oblige à devenir sages. C’est un peu comme si « Annie Hall » rencontrait « L’assassin habite au 21 ».Bilan du film : un scénario d’une jolie finesse, une interprétation haut de gamme, des dialogues spirituels et croustillants, des situations cocasses et drôles… La scène de l’appel téléphonique bidonnée est digne d’une blague de lycéen, quelle fraîcheur. Et pour finir une citation du film qui est un vrai régal : « A chaque fois que j’entends du Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne ! ».A voir absolument… Du mielSorti en 1993