Mozart et la pluie est un court recueil de poèmes en prose, que l’on peut trouver dans le livre La présence pure publiée chez Poésie/Gallimard.
J’ai choisi quatre de ces poèmes.
" Quelqu’un qui a vu quelque chose " : c’est ainsi que l’on pourrait désigner aussi bien les saints que les génies. Le plus délicat est ensuite de s’accorder sur ce qui a été "vu". Thérèse d’Avila donne à son éblouissement un nom qui a la vertu de faire crier les sots et les doctes : " Dieu ". Quant à Mozart, s’il est difficile de dire ce que précisément il a vu, il s’agit assurément d’une chose qui engendre puissance, gaieté et compassion.
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Pour perdre une chose, encore faut-il auparavant l’avoir possédée. Nous n’avons jamais rien eu à nous dans cette vie, jamais rien eu à perdre, rien d’autre à faire que chanter, chanter avec la gorge, le ventre, le crâne, le cœur, l’esprit, avec toute la poussière de nos âmes amoureuses.
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Depuis la toute légère enfance je suis en pourparlers avec moi-même, je mène de moi à moi un entretien que le monde s’évertue à interrompre. Pour continuer à me parler, j’ai commencé d’écrire. Ce qui se dit en moi n’est pas dans mes livres. Les livres sont un contre-bruit au bruit du monde. Ce qui se dit en moi est confié au silence, n’est rien que du silence. Les livres frôlent ce silence. Ils ne le touchent pas, ils le frôlent. Les livres sont presque aussi intéressants que le silence. Ecrire est presque aussi passionnant que ne rien faire et attendre les premières gouttes de pluie dans les concertos pour piano de Mozart.
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Ce que nous appelons "moi" est un costume d’arlequin composé d’histoires rapportées, d’étoffes empruntées. C’est un vêtement pauvre, mal cousu. Parfois il se déchire et va dans la folie – et quand il tient, c’est toujours par miracle. Nous ne sommes soudain faits d’une seule pièce que par la chance d’une voix qui nous appelle en nous aimant. Nommer d’amour fait venir l’unique au monde.