Théâtre de Paris15, rue Blanche75009 ParisTel : 01 48 74 25 37Métro : Trinité / Blanche / Saint-Lazare
Une pièce d’Eric AssousMise en scène par Richard BerryDécor de Philippe BerryLumières de Christophe OffensteinCostumes de Pascale LouangeAvec Daniel Auteuil (Paul), Richard Berry (Max), Didier Flamand (Simon)
L’histoire : Votre meilleur ami, dont le mariage bat de l’aile depuis des années, débarque chez vous effondré et vous annonce que, dans un moment de folie, il a tué sa femme. Que faites-vous ?- a/ Vous le dénoncez à la police- b/ Vous ne voulez rien savoir et lui demandez de se débrouiller tout seul- c/ Vous pardonnez et l’aidez à échapper à la justiceC’est le dilemme qui se pose à Max et à Paul. Cette situation va conduire nos deux amis à débattre, s’opposer, et dresser un inventaire de leur propre existence : leur vie familiale et professionnelle, leurs réussites, leurs échecs, leur rapport aux femmes, l’amitié qui les unit. Une confrontation tragi-comique aux multiples conséquences qui les amènera à prendre une décision grave…
Mon avis : Un théâtre de Paris archicomble, empli d’un public tout frémissant à l’idée de voir réunis pour la première fois sur scène deux de nos plus grands comédiens, Daniel Auteuil et Richard Berry. L’association est, il est vrai, on ne peut plus attractive.
Le décor est à la hauteur de l’événement. Nous sommes dans le salon cossu et très haut de plafond de Max (Richard Berry), radiesthésiste de son état. Trois des murs sont dévolus à de gigantesques discothèques remplies de disques vinyles. On apprendra plus tard qu’elles ne contiennent que les œuvres de « chanteurs morts » et des 33 tours classiques… Max et Paul (Daniel Auteuil) commencent à s’impatienter du retard de leur ami Simon avec lequel il est prévu leur partie de cartes habituelle. Tout de suite, les deux caractères se dessinent. Max et Paul ont des tempéraments diamétralement opposés. Autant le premier se montre nerveux et impatient, autant le second est cool et accommodant. Très vite la conversation va tourner autour des femmes, de leurs femmes. Une des forces de cette pièce, c’est qu’il n’y a aucune femme sur scène mais qu’elles sont omniprésentes. On y retrouve en effet un des thèmes récurrents de la dramaturgie d’Eric Assous : la relation hommes-femmes.
La pièce – divisée en trois actes - démarre un peu en mode diésel. C’est normal, il faut qu’on apprenne comment fonctionnent Max et Paul… Elle commence à prendre un peu de rythme à l’arrivée de Simon (Didier Flamand). Les répliques se mettent à fuser, le jeu prend de la vigueur, les mimiques sont de plus expressives. Et, c’est au début du deuxième acte, lorsque Paul explose littéralement et pique une grosse colère, que la pièce franchit un palier pour atteindre sa vitesse de pointe. Ce monologue formidablement interprété par un Daniel Auteuil truculent agit comme un électrochoc. Le public ne s’y trompe pas qui applaudit à tout rompre la performance. La pièce bascule. Les masques tombent. Un signal subliminal est donné : la Vérité entre en scène… On a à peine le temps de récupérer notre souffle que c’est à Richard Berry de se mettre en évidence. La salle est pliée de rire… Enfin, suite à un rebondissement totalement inattendu, la pièce tourne un moment à la farce. La salle jubile, ronronne et applaudit de plus belle. Nous sommes d’autant plus chauffés à blanc que, depuis le début, on se demande comment tout ça va se terminer…
Nos femmes va être un énorme carton. C’est une très bonne comédie qui traite de multiples sujets. Il y a en premier cette incompréhension chronique que l’homme nourrit vis-à-vis de la femme. Max et Paul à l’instar de la majorité de leurs congénères, s’avouent désemparés face à la gent féminine. Il faut les voir en venir petit à petit à confesser leur impuissance. L’attitude de matamore devient posture, s’effiloche et met les cœurs à nu. C’est très habilement analysé… En plus, cet aveu de fragilité produit un effet papillon en introduisant un chapitre sur l’éducation des enfants et sur leur gestion lorsqu’ils deviennent adultes… Paul expose tout haut des difficultés que quasiment chacun des parents présentes dans la salle vivent, on vécu ou vont vivre…
Vous l’aurez compris, Richard Berry et Daniel Auteuil sont absolument irrésistibles. Richard Berry est plus dans la sobriété et dans les petits tocs révélateurs (il est entre autre maniaque de propreté) alors que Daniel Auteuil, en bon Méridional qu’il est, est beaucoup plus dans la démonstration et la faconde. Le tandem fonctionne à la perfection. Avec de tels virtuoses, le mot « comédie » prend tout son sens, toute sa valeur.
Il ne faut pas non plus négliger la prestation de Didier Flamand/Simon, le responsable du dilemme, celui qui, tout à fait involontairement, va révéler Max et Paul à eux-mêmes. Son rôle est assez complexe car, en plus de son acte terrible, il détient quelques secrets…
Gilbert "Critikator" Jouin