"[...] cet horrible incident devait être un rêve, un autre de ses rêves, car de plus en plus souvent elle s'enlisait dans une boue de rêves d'une inexprimable laideur ; sa vie la plus profonde, la plus intime était devenue un enchaînement de cauchemars humiliants dont elle sortait épuisée et brisée."
Jetée, tel un déchet, par une mère démente au milieu des marais alors qu'elle n'a que trois ans à peine, puis sauvée par un jeune-homme, et adoptée plus tard par un couple de Quakers aimants, Mudgirl, "l'enfant des marais" tente d'être ce qu'on attend d'elle, cette Meredith Neukirchen, irréprochable et brillante qu'elle deviendra effectivement adulte. Mais, alors que sa carrière semble au firmament, alors qu'elle est la première femme présidente d'une université de grand renom, tenant à faire preuve d'un dévouement total à l'égard de ses élèves et de son rôle, « M.R. » Neukirchen vacille. La jeune-femme solitaire est rattrapée par son horrible histoire, épuisée par ses fonctions, tourmentée par l'absence évidente à ses côtés de son amant secret, inquiète de la crise grandissante que traverse les États-Unis et qui la contraint à s'engager sur un terrain politique dangereux, et confrontée aux intrigues et la malveillance du milieu académique dans lequel elle vit.
Mudwoman est ma première lecture "découverte" de Joyce Carol Oates. Et c'est une réussite, incontestablement. Je peux dire que j'ai été malmenée, tourneboulée et débarquée sur la rive telle une naufragée par ce roman qui ne peut laisser indifférent. Pourtant, je n'ai pas tout aimé dans ce livre, ni les premières pages, ni la construction qui m'a semblé manquer parfois de fluidité, ni les quelques "de" (coquilles d'édition sans doute) qui manquent ici et là. Mais lire Mudwoman s'avère une telle aventure au coeur du psychisme qu'il serait dommage de passer à côté pour quelques broutilles. Comme je le disais dans un billet précédent, je suis restée pendant près de 500 pages suspendue au souffle de Mérédith, goûtant son ascension avec émerveillement et puis assistant à sa chute vertigineuse, désarmée.
Terrifiant et troublant, ce roman de Joyce Carol Oates est un grand roman, qu'on se le dise !
Et allez, il mérite amplement son petit coup de coeur enthousiaste.
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posté le 02 mai à 15:38
Titre du roman : MUDWOMAN Auteur : Joyce Carol Oates I- De la femme de boue à
2 Mai 2014 , Rédigé par pasc
Titre du roman : MUDWOMAN Auteur : Joyce Carol Oates I- De la femme de boue à la femme debout ! C'est un très beau roman que nous livre ici Joyce Carol Oates avec Mudwoman. Un roman bien écrit, bien construit qui nous raconte les moments clés de la vie d'une femme sauvée in extremis de la boue où sa mère avait voulu la noyer. Prise en charge par une famille d'accueil dont elle garde un souvenir cuisant, elle est adoptée par des quakers qui sauront lui offrir une bonne éducation et tentera de l'aimer, malgré le secret qui la ronge. C'est donc d'abord l'histoire d'une résilience car mudgirl sera tour à tour Jewell (le bijou) Kraek, Jedina, mudwoman, Meredith, Merry (joyeuse) puis MR, puis MR Neukirchen, présidente d'une des plus grandes universités des états-unis, gardant au fond d'elle-même les traces du traumatisme premier. Ses multiples noms et prénoms marquent les différentes étapes qu'elle devra franchir pour s'émanciper et acquérir une nouvelle peau, une vraie identité enfin stable. Afin d'endosser son nouveau personnage de femme travailleuse et douée, ayant des responsabilités intellectuelles, elle devra se libérer de son passé. Ce livre est donc, sans le sur-signifier, comme une longue psychanalyse que le lecteur effectue avec le personnage principal. Mudwoman est une femme responsable et humaniste qui, comme l'Amérique, se pose des questions cruciales et brûlantes sur la guerre d'Irak de 1993, l'Afghanistan, l'égalité des sexes ou le droit à l'avortement (être avec les"pro-life" ou avec les "pro-choice"). Les deux temporalités, celle de Mudgirl et celle de mudwoman se mélangent au sein du même chapitre. Deux repas se superposent : le repas de MR Newkirchen présidente, avec les repas dans sa première famille d'accueil, chez les Skedd. Joyce Carol Oates ajoute à ce récit très fort des touches de merveilleux : des rêves faits par le personnage qui ont le même statut d'écriture que le reste du roman, des scènes revécues sans que soit mentionné un quelconque flash-back, un meurtre de collègue dont on n'arrive pas à distinguer si c'est un délire de personnages ou non...de plus l'enfant aurait été sauvé des marais par un corbeau, le roi des corbeaux et ce dernier la protège tout au long du roman. Bref Joyce Carol Oates a ce don particulier du romanesque. Son livre est tissé de très belle façon. Il met en scène de nombreuses femmes hautes en couleurs.