La technocratie est cette forme de somnambulisme d'une
technique pour la technique, ne se posant jamais la question
des fins. Elle se fonde sur ce postulat : tout ce qui est techniquement
possible est souhaitable et nécessaire. Cette « raison »
engendre les pires déraisons. Y compris l'arme nucléaire et la
« guerre des étoiles ». C'est une religion des moyens.
Le machiavélisme, c'est l'animalité d'une politique définie
par une technique de l'accès au pouvoir, et non comme une
réflexion sur les fins de la communauté humaine et, ensuite ,
la mise en oeuvre des moyens pour atteindre ces fins.
Ces « dérives » de la raison infirme, positiviste, conduisent
le monde à la mort, non par manque de moyens mais par
absence de fins.
Tel est le problème majeur qui se pose aujourd'hui : celui
des priorités, des fins, des valeurs, du sens. D'une réflexion ne
portant pas seulement sur la possibilité et les méthodes des
sciences et des techniques, mais d'abord sur leurs fins : quels
objectifs doit s'assigner la recherche scientifique pour servir à
l'épanouissement de l'homme, et non à sa destruction ? Le problème
premier est de lier la science expérimentale, qui est
découverte des moyens, à la sagesse, qui est recherche des fins :
remonter de fins subalternes à des fins plus hautes, en direction
de la fin dernière. Alors la critique de la connaissance prendra
son véritable sens en ne reliant pas seulement la science à
la sagesse, mais aussi la sagesse à la foi ; car ni la science dans
sa recherche des causes, ni la sagesse dans sa recherche des fins,
ne peuvent atteindre ni la cause première, ni la fin dernière.
La foi commence où finit la raison. Pas avant. Pas avant que
la raison plénière, celle qui recherche à la fois les causes et les
fins, ait mis en oeuvre tous ses pouvoirs.
Ce mouvement, dans sa plus totale liberté, amène la raison
à prendre conscience à la fois de ses limites et de ses postulats.
La foi n'est plus alors ce qui contredit ou contraint la raison,
mais au contraire ce qui l'empêche de s'enfermer sur elle-même
dans cette « suffisance » qui est le contraire de la transcendance.
La foi est une raison sans frontière.
Roger Garaudy
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