On verra chez Boulard de très beaux tonneaux mais ce sont surtout ses alambics qui lui valent sa réputation auprès des touristes, amateurs de patrimoine dit "industriel".
La distillerie est en effet très belle et même les Charentais en restent bouche bée.
La maison met en avant le nom de quelques-unes des variétés anciennes qui sont récoltées pour eux, en encadrant une aquarelle évocatrice de la variété dans un tableau ornant les murs des protégeant les alambics. La Moulin à vent, que l'on trouve dans le pays d'Auge, mais aussi le pays d'Ouche et en Limousin, est l'une d'elles. Sa floraison a lieu mi-mai, pour une récolte mi-novembre.
Si son rendement demeure moyen, cette variété se conserve très bien. Son jus est doux-amer, très sucré, assez coloré, témoignant d'une aptitude à la fabrication des cidres doux.
On pourrait aussi citer d'autres noms, parfois très poétiques, comme la Belle Fille de la Manche, le Muscadet de Dieppe, Fréquin rouge, Bisquet, Petit amer, Douce moen, Raimbault, Gros Bois de Bayeux, Binet rouge, Saint-Martin, Bedan, Noël des Champs ... et la liste est loin d'être close.
Il y aurait 900 sortes de pommes à cidre en Normandie. Et aucune n'est mangeable au couteau sans grimacer. Les lots de cidre obtenus avec les récoltes doivent être goutés pour être sélectionnés. S'ils ont le nom de cidre, ils n'ont pas le goût de ce dont on a l'habitude et ne pourraient pas être consommés tel quel.
120 espèces sont mélangées chez Boulard.
L'histoire de la maison, installée initialement à Yvetôt, est très ancienne. Elle remonte à 1825, alors spécialisée dans le négoce de vins et de spiritueux. C'est Pierre Auguste Boulard qui eut l'idée de se spécialiser en créant sa propre distillerie de calvados. Ensuite, pour respecter la contrainte géographique de l'AOP, elle fut déplacée ici, à Coquainvilliers dans les années 1970.
L'atmosphère est très douce, presque sucrée. Il faut dire qu'à cette époque de l'année, la distillerie ressemble plus à un musée qu'à une entreprise en activité, donnant envie de la revoir en hiver, quand l'alcool y bouillonne, 24 heures sur 24, 6 jours sur 7. La chaleur ambiante est de 25 à 30° de novembre à mai.
Il faudrait pouvoir revenir quelques décennies en arrière, quand le sol était encore en terre battue et les cloisons en bois. Maintenant tout est hygiénique et l'on emploie le gaz. En prime, en ce moment tout brille. Pas un grain de poussière. Ce sont les hommes qui ont fait le grand ménage, en descendant dans les chauffe cidres pour y passer le karscher. Ce doit être drôle de voir leur tête dépasser des citernes.Comme je l'ai précédemment indiqué dans le billet consacré à Père Magloire tout commence par le moût qui fermente 6 semaines pour obtenir le "cidre à distiller". Il est stocké à partir de la septième semaine dans une immense cuve en inox qui se trouve à l'extérieur.
La distillation commence ensuite. Chaque chaudière contient 2000 litres. Le cidre y est mis à chauffer entre 80 et 100°. Le processus d'évaporation fait retomber les particules les plus lourdes. Les cidrasses serviront d'engrais dans les champs. Rien n'est perdu. Les pépins et les peaux des fruits sont employés en cosmétique.Si on utilisait des alambics à colonne on sortirait la petite eau directement à 70°. Mais dans ce type d'alambic à serpentin (que l'on voit particulièrement bien devant le château du Breuil où il est à l'air libre) la première distillation sort à 35°. On enlève ce qu'on nomme la tête et la queue et on procède à un mélange. Le coeur de chauffe est ensuite obtenu à 70°.
Chez Boulard un dispositif de chauffe-cidre permet de gagner 2 heures et d'économiser de l'énergie puisqu'il n'y a pas de déperdition de chaleur.
Pour avoir une idée des proportions il faut 20 kilos de pommes pour obtenir 14 litres de cidres qui donneront 1 litre de calvados .... avant l'évaporation du vieillissement, 2% dans l'air, qui est surnommée la part des anges.
La condensation s'effectue dans ce qu'on appelle le réfrigérateur. C'est de l'eau qui fait baisser la température, expliquant que traditionnellement les distilleries se soient installées près des cours d'eau. Nous n'avions alors pas de conscience écologique. Désormais le refroidissement s'effectue en circuit fermé.Des objets anciens ont été installés au fond de la salle, comme ce vieil alambic beaucoup plus court que ce qui se fait aujourd'hui.Quelques tonneaux sont montrés au public. Les arômes de pommes cuites sont très présents. Il faut savoir qu'un tonneau ne doit jamais demeurer vide, car il perdrait son imperméabilité.
Les futs de chêne sont choisis dans différentes forêts françaises selon le résultat que l'on cherche à obtenir. Le tannins se libèrent plus vite quand le grain du bois est plus gros. c'est le cas des forêts de l'Allier et des Vosges. En Limousin le grain est plus fin. On peut apercevoir l'âge des cuvées sur des petits papiers.Boulard n'échappe pas à la règle. Une dégustation clôt la visite. Ce n'est pas très visible sur ces photos mais les bouteilles de cette marque sont reconnaissable à une marque dans le verre, près du goulot.
Beaucoup d'élégance dans le flaconnage qui attire une clientèle d'amateurs, français, mais surtout étrangers, curieux, appréciant whisky et alcools forts.La Cuvée Auguste rend hommage au célèbre aïeul. C'est un calvados aux arômes équilibrés mais gourmands, de pomme, vanille, miel, caramel et amandes grillées.
Epices et noisettes sont reconnaissables dans le X.O.
Nous avons aussi dégusté le Boulard Extra, lui aussi dans une belle carafe, un calvados de 7 ans d'âge, où on perçoit discrètement la violette, la vanille et l'amande douce, juste avant que ne s'exprime la rondeur et le moelleux de pommes confites.Enfin, radicalement différente, la crème Boulard, est apparue il y a quelques années, évoquant la crème de whisky, avec un parfum qui fait merveille sur une Tatin encore tiède, comme sur un fondant au chocolat, ou de simples fraises coupées en morceaux.Pour contacter la Maison Boulard tel: 02.31.62.60.54Courriel: [email protected] : http://www.calvados-boulard.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
Autres articles consacrés à la Normandie : visite de la fromagerie Graindorge pour le Pont l'Evêque et le LivarotLes chais de Père MagloireLe festival des AOC-AOP de CambremerCidre et bord de merLa Teurgoule de CambremerDes chambres d'hôtes en Normandie
Merci à Eliott pour ses photos complémentaires.