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Le présent, c'est maintenant

Publié le 07 octobre 2013 par Hongkongfoufou

Eleve Moinet 2 Par l'élève Moinet

Putaindemerdeputain. Je suis sûr qu’il y a un caractériel parmi vous. Quelqu’un qui ne supporte pas la frustration. Putaindemerdeputain, votre stylo vient de tomber sur votre bureau, sous l’œil inquiet de votre collègue. Vous vous approchez de l’écran orange de votre ordinateur sur lequel il a atterri pour constater les dégâts. Rien de froissé. Sauf votre amour propre. Se faire encore avoir lui porte un coup. D’ailleurs vous vous demandez comment vous vous êtes encore fait avoir. D’ailleurs vous vous demandez comment je fais pour vous avoir. Encore un coup. En ratant le mien, de coup. D’ailleurs vous vous demandez comment je réussis mon coup en ratant mon coup. Pour vous avoir encore un coup. C’est pas fait exprès je le jure ! Je le jure de ne pas être foutu. De trouver un sujet original. D’aligner deux idées cohérentes et pertinentes. De me renouveler - comme sait si bien le faire Indochine - moi, l’aventurier contre tout guerrier de la rhétorique – moi je vais chez le coiffeur. Pourtant, raconter des salades composées d’un sujet, d’un verbe et d’un complément a toujours été ma tambouille. Alors, voilà, donc. Pas de compliments pour mes compléments, au mieux. Juste déférence et indifférence, au moyen. Etranglement et tremblement, au pire. Après tout, je n’ai peut-être que ce que je mérite. Après tout, je n’ai peut-être pas que ce que je mérite. Circonstances atténuantes de circonstances, votre honneur, j’ai eu une enfance difficile.

Le lieu d’abord : Perpignan. Qui Perpignan gagne. Bon, ça, c’est fait.

L’époque ensuite. Années 80. Age oblige. Trop jeune pour celles d’avant. Trop blasé pour celles d’ensuite. C’était là et nulle part ailleurs que ça devait se passer. Tel le régional de l’étape du Tour qui se demande si celle-là n’est pas pour lui. Pas pour la gagner, mais pour y faire de la figuration. Libre. Comme Di Rosa, Combas et Boisrond n’allaient pas se priver de le faire. Le pinceau en plus.

Vous pensez, les années 50 venaient d’inventer le design et le rock'n’roll, les années 60, la pop et la mayonnaise en tube. En musique à Londres et à Liverpool. En peinture à New York. Pour les recalés de la Factory, le summer of love était en Californie. Haight Ashbury pour les uns, Beverly Hills pour les autres. Monterrey pour les uns et les autres. Les années 60 ne s’arrêteraient jamais. Même Benjamin Braddock au volant de son Alfa arrivera juste à temps. Mais déjà la fille de Mrs Robinson déchantait au fond de son bus pendant qu’on nous chantait une bien jolie chanson. Le 9 août 1969, Sharon Tate était assassinée par la Manson Family. Quatre mois plus tard, non loin de là, sur le circuit d’Altamont, les Hells Angels, vigiles d’un soir, faisaient définitivement passer le goût du rêve et de l’illusion à toute une génération. Désolé pour ce raccourci opportuniste mais dans un timing presque parfait, les sixties étaient mortes et enterrées. Sans flowers ni couronnes.

Pourtant les seventies seront wild. Ce n’est pas de moi. Utopiques. Ce n’est pas de moi. Ambitieuses. Ce n’est pas de moi. Exubérantes. Ce n’est pas de moi. Dangereuses. Rouler la poignée dans le coin à 16 ans et sans casque... Insouciantes. A quoi bon passer un diplôme quand le chômage n’existe pas. J’attendrai qu’un employeur me coure après. L’a intérêt de se lever tôt. Noires. Comme des poumons à deux paquets de clopes pas chères par jour. Led Zeppelin, Black Sabbath, T Rex, Lou Reed, Las Vegas Parano, Rocky Horror Picture Show. Mais la machine s’emballe. Comme une K7 mal rembobinée. L’aiguille est dans le rouge et dans le bras (j’ai lu Nick Kent). Mais la machine s’enraye, comme un vieux vinyl de Johnny Thunders. L’aiguille est dans le noir (du disque) et sur le bras (de l’électrophone qui va partir au grenier - j’ai lu Nick Hornby). Arrivé à ce stade du récit, je suis sûr qu’une question vous brûle les lèvres : et à Perpignan, quoi de neuf ? Quelques autochtones s’habillent en Plastic Bertrand pour amuser la galerie. Sans clash ni Clash ni panique at the disco. Pas sûr que ça plane pour eux. Pas sûr que ça plane pour moi. Ni pour grand monde. Le 2 février 1979 à New York, John Simon Ritchie, plus connu sous le nom de Sid Vicious, ne résiste pas à la soirée organisée pour sa sortie de prison. Un an plus tôt, les Sex Pistols l’ont précédé dans la rubrique nécrologique. Sans épitaphe ni couronnes. Copions/collons Wikipédia : Malcolm McLaren prétend pour sa part avoir lui-même remis les cendres à la mère de Sid Vicious. Cette dernière, éméchée, les aurait alors faites tomber sur le sol du bar dans lequel ils s'étaient retrouvés. Les cendres auraient donc fini emportées par une serpillière et un seau d'eau. Désolé pour ce raccourci opportuniste, voici comment finirent les seventies. Dans un évier mal lavé.

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Nous y voila enfin. Mais comment faire ? Pour ne rien rater au passage à (deux) niveaux et prendre le train en marche. Simple. Allumer la télé, se taper des pubs à la… allumer la radio, se taper des chansons à la… et puis sortir. Le jour. Le soir. Dans des boîtes à la … pour écouter des chansons à la… qu’on a écouté à la radio entre deux pubs à la…. Et puis ressortir pour acheter des disques qui passent pas dans des boites à la… et des fringues pour ressortir dans ces boites à la… qui passent des disques à la… Quelle connerie. Pourtant. Les années 80 devaient être modernes ou n’être pas. Il y a déjà une bonne dizaine d’années en France, Courrèges, Paco Rabanne et Pierre Henry ont inventé l’an 2000. Il est temps d’accrocher les wagons. Les jeunes gens modernes sont là pour ça et pour coller à l’air du temps qui passe trop vite. Joy Division à Manchester, Echo and the Bunnymen à Liverpool, Gilbert & George à Londres, David Bowie et Iggy Pop à Berlin, Elli et Jacno à Paris. Aux Halles en l’occurrence, même si les Bains Douches sont un peu plus loin. C’est le Montparnasse des années 20, le Saint-Germain des années 60. Et puis il y a Serge Clerc et Chaland dans Métal Hurlant et le NME, Yves Adrien dans Rock & Folk et Façade, Bernard Lenoir sur France Inter même si chaque soir à 21 heures 5, Feedback commence sur Van Halen. Selon la formule consacrée, tout est nouveau, novö, pardon, et intéressant sur fond de synthés et boîtes à rythmes. Plus qu’à noter les rendez-vous sur les pages d’un, d’une éphéméride pardon, j’aurais au moins appris ça, pour ne rien rater. Pour être au bon endroit à la bonne heure. L’époque n’est plus à l’impro ni au flou. Artistique soit-il. Pas avant 11 heures du mat’ – Quoi ? C’est déjà midi ? - quand même. Et puis les arracher après usage et les jeter une par une. 30 ans après, plus qu’à les retrouver. Avec un peu de chance. Au fond d’une poubelle mal vidée. Et les recoller avec des œillets en guise de chrysanthèmes. Et les retourner. Pour recompter. A rebours. Comme ces vieux films que l’on repasse à l’envers, où les fusées retombent sur leurs bases et les maladroits sur leurs pieds… Façade ? Ravalé en 83. 1982 : le 21 mai, ouverture de l’Hacienda à Manchester. Pas de chance, il n’y aura personne pendant dix ans (j’ai lu Peter Hook)…1981 : le 30 mai, Heaven Up here d’Echo and the Bunnymen. 1980 : Le 18 juillet, Crocodiles et Closer de Joy Division. Juin, mai, avril, mars, février, janvier : le 18 à 5 heures, Ian Curtis met – selon l’expression consacrée - fin à ses jours après avoir écouté The Idiot d’Iggy Pop, album moderne s’il en est, sorti en… 77. Désolé pour ce raccourci opportuniste, les années 80 sont mortes ce jour-là. 18 jours et 5 heures après avoir officiellement commencées. Sans fleurs ni couleurs. Sur Paris. Comme le concert de Joy Division aux Bains Douches le 18 décembre 79 et tout ce qui va avec et avant : Un regard moderne de Bazooka, Heroes et Low de David Bowie, Trans europ express de Kraftwerk, Fear of music de Talking Heads. Nouveau-nés prématurés de la postérité ou simples erreurs chronologiques. Au choix. Arrivé à ce stade du récit, je suis sûr qu’une autre question vous brûle les lèvres : et à Perpignan quoi de neuf ? Plein de choses, plein de choses, mais ma mémoire me joue des tours. J’oubliais les Halles. 1979, le 4 septembre, Jacques Chirac inaugure le Forum et tout le quartier rend l’âme et les armes (j’ai lu Alain Pacadis). Pas de quartier pour le quartier. Le Creeks de Stark de la rue Saint-Denis devient un sex-shop. Le Costes est-il déjà un… Naf Naf ? Je ne sais plus. C’est vrai que les Halles n’étaient qu’un grand chantier permanent. Du provisoire qui durait. Le reste, les années 80 seront Jean-Paul Gautier, Luc Besson et Beineix. Essayez de regarder Diva aujourd’hui, juste comme ça. Sans la chemise Lacoste trop boutonnée qui va avec pour ne pas vous étrangler. Et MTV, Prince, Mickael Jackson, Madonna, George Mickael, Eurythmics, Bruce Springsteen, Tears for Fears, Phil Collins et U2. Tous à la poursuite du diamant, vert en l’occurrence, qui remplira leurs poches. Sans vider les miennes. C’est bien connu, on est riche de ce qu’on a pas. Avant que l’ecstasy, Madchester et les Stone Roses viennent remiser tout ça au placard. High tech et mal fermé. Téléphone rêvais d’un autre monde. Moi aussi.

 

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La suite sera. Mais rétro. Toujours bien regarder dedans avant de s’engager. Est-ce à force d’avoir entendu No future ou brûlé les feux rouges pendant vingt ans ? Mystère et boulette de shit. Et si le film le plus emblématique des années 80 était Retour vers le futur ? N’est-ce pas Marty ? Années 20, années 30, années 50, années 60, années 70… Qu’elles s’appellent Art Déco ou seventies, toutes y passent. Chacune attendant sagement son tour pour une exhumation en règle et pour terriblement dater n’importe quel film et n’importe qu’elle image. Les années 80 font fort : trois pour le prix d’une. Comment faire du jeune avec du vieux ? Du moderne avec du revival ? Du nouveau avec du remake ? Le mystère reste entier mais le torticolis dur à soigner. Même Brazil, avec sa déco Art déco prend un coup de vieux dès sa sortie. Rendons grâce aux flashbacks ska et… mod(ernists) - Paul Weller for ever ! - Je ne veux pas d’ennuis. Et aux Beastie boys, aux Fleshtones, à Dan Akroyd, à Bill Murray, à Chris Sullivan, Hors concours.

Tout d’un coup je me rappelle la salle d’attente des urgences de l’hosto de Londres, un été 82. Quel bon souvenir ! Un vrai défilé de mode. Et cette fille qui ne m’a pas regardé le coin de la gueule un soir de juillet 83 au Psyché. Tout d’un coup je comprends mieux pourquoi. Pourquoi j’ai raté une marche et pas tout compris à la suite que je vous inflige pour meubler mes heures de boulot. J’en ai quand même trouvé un. Pour Noël je veux, je voudrais pardon, une machine à remonter le temps. Pour mettre les pièces du puzzle à leur place et voir enfin à quoi il ressemble. Tant pis pour moi, j’avais qu’à être meilleur en foot. Et dire que je ne sais toujours pas who killed bambi ? 

Et hop ! Votre crayon vient de retomber sur les dalles Gerflor® de votre bureau. J’espère qu’au passage il n’a pas rebondi sur votre beau pantalon. Du côté où l’on écrit des choses, comment disait-on ? Nouvelles et intéressantes.

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1987, Perpignan, les Freluquets : De nos jours

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De nos jours, Perpignan : Disorder

http://www.youtube.com/watch?v=aW7WM30BCQ8

http://www.youtube.com/watch?v=ZxKTClhKXAs&feature=youtu.be


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