Quatrième
tome pour la longue saga Knightfall, qui voit un nouveau Batman
rendre la justice dans les rues de Gotham, dans la grande tradition
des comics bourrins des années 90. Il faut dire que le Dark Knight
n'est plus le même. Épuisé, débordé de partout, il a finalement
été brisé (au sens propre et figuré, sa colonne vertébrale n'a
pas résisté) par Bane, un catcheur survitaminé. C'est un certain
Jean Paul Valley qui a pris sa succession, mais non sans mal, car il
s'agit d'un individu déséquilibré et au passé mouvementé. Valley
est également Azrael, une sorte d'Ange vengeur au service d'une
secte religieuse, l'ordre de Saint Dumas. La charge se transmet de
père en fils, et il a été programmé pour accepter et honorer ce
titre, ce qu'il n'est pas parvenu à faire jusqu'alors. Le nouveau
Batman s'est peu à peu crée un nouveau costume sur mesure, plus
représentatif de ses nouvelles méthodes peu orthodoxes, plus
violentes que celles de l'original. Ce Batman là frappe fort et sans
pitié, et porte une armure terrifiante. Dans ce nouveau tome, nous
allons assister progressivement au basculement définitif de Jean
Paul Valley vers la folie. Si vous aimez les personnages torturés
guidés par des visions intérieures, et qui finissent par en
conclure que la sanction terminale est justifiée pour avoir la paix,
vous avez de fortes chances de vous sentir en bonne compagnie avec ce
Batman 2.0. Au point que même Robin devra se rendre à l'évidence,
il va falloir mettre un terme à l'escalade, et vite! Comme toujours
avec Knightfall, il y a de tout dans cette saga. Au niveau du style,
des dessins, des séries. Shadow of the Bat, de Brett Blevins et Alan
Grant, par exemple, fait dans l'expressionnisme torturé et le
découpage chaotique. Doug Moench est chargé de raconter l'essentiel
dans le titre phare Batman, avec des artistes comme Jim Balent ou
Mike Manley, alors que Detective Comics est le refuge de Graham Nolan
et de Chuck Dixon, un des scénaristes de marque “républicaine”
de chez Marvel. Inutile de préciser que Knightfall irrite parfois
les yeux et ne laisse pas que de grands souvenirs de lecture, tant
les années 90 ont eu tendance à se complaire dans l'ultra violence
brouillonne, sans l'humour salvateur d'un Garth Ennis, par exemple,
qui dominera la décennie suivante. Ici on se prend très au sérieux,
et Gotham se retrouve avec un protecteur qui n'a plus grand chose à
envier aux cinglés qui sillonnent et flagellent la ville. Une
effrayante parenthèse dans la carrière du héros chauve-souris.