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Gaz de schiste : le Conseil constitutionnel rejette la QPC contre la loi du 13 juillet 2011

Publié le 11 octobre 2013 par Arnaudgossement

conseil_constituitionnel.jpgLe Conseil constitutionnel a rejeté ce jour la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC qui lui avait été adressée par la société Schuepbach. Le débat sur les articles 1 et 3 de la loi est clôt : celui sur l'article 2 commence ?


Pour une présentation des enjeux de cette décision du Conseil constitutionnel, je vous propose la lecture de cette note

L'article 1er (interdiction de la fracturation hydraulique) et l'article 3 (abrogation des permis  exclusifs de recherche) de la loi du 13 juillet 2011 ne sont donc pas contraires à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a rejeté l'intégralité des arguments opposés par l'auteur de la QPC.

De manière générale, la décision du Conseil constitutionnel ne clôt pas le débat démocratique sur l'avenir de notre sous-sol. La loi du 13 juillet 2011 n'a trait qu'à la seule question du recours à la fracturation hydraulique et ne règle, ni la question plus large du recours aux hydrocarbures non conventionnels, ni la question plus large encore de l'activité minière en France.

En premier lieu, si les articles 1er et 3 de la loi n'ont pu être déclarés contraires à la Constitution les partisans de l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels vont désormais réclamer l'application de l'article 2. Cet article prévoit la mise en place d'une expérimentation contrôlée de la fracturation hydraulique. Cette expérimentation n'a jamais été organisée.

Rappelons que l'article 2 de la loi du 13 juillet 2011 précise :

"Il est créé une Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux.
Elle a notamment pour objet d'évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives.
Elle émet un avis public sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations, réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public, prévues à l'article 4.
Cette commission réunit un député et un sénateur, désignés par les présidents de leurs assemblées respectives, des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations, des salariés et des employeurs des entreprises concernées. Sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement sont précisées par décret en Conseil d'Etat."

A la suite de cette loi, le Gouvernement a adopté un  Décret n° 2012-385 du 21 mars 2012 relatif à la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. Ce décret n'a pas été suivi de la mise en place de la Commission. Nul doute que le lobbying sur cet article 2 va reprendre.

En deuxième lieu, la loi du 13 juillet 2011 a été votée en urgence pour répondre à une question précise, celle de la fracturation hydraulique. Il est désormais temps d'avoir un débat de fond et apaisé, d'une part sur le cadre juridique de l'activité minière - le code minier -, d'autre part sur notre modèle énergétique, lequel devrait être défini dans la prochaine loi de transition énergétique.

En troisième lieu, il faut noter une avancée majeure pour le principe de précaution. C'est en effet la première fois que le Conseil constitutionnel se prononçait dans le cadre d'une QPC sur la violation éventuelle de ce principe. Or, il juge ici l'argument de l'auteur de la QPC "inopérant".

En dernier lieu, il faudra décrypter les raisons pour lesquelles cette décision du Conseil constitutionnel la été ainsi dramatisée : même en cas de déclaration d'inconstitutionnalité de la loi, le gaz de schiste ne serait pas mis à couler à flots en France.

Les motifs de la décision du Conseil constitutionnel. Analyse.

Pas de violation du principe d'égalité devant la loi

Le Conseil constitutionnel a tout d'abord écarté le moyen tiré d'une différence de traitement entre l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels et celle de la ressource géothermique :

8. Considérant qu'en l'état des techniques, les procédés de forage suivi de fracturation hydraulique de la roche appliqués pour la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures diffèrent de ceux appliqués pour stimuler la circulation de l'eau dans les réservoirs géothermiques tant par le nombre de forages nécessaires que par la nature des roches soumises à la fracturation hydraulique, ainsi que par les caractéristiques et les conditions d'utilisation des produits ajoutés à l'eau sous pression pour la fracturation ; que, par suite, en limitant le champ de l'interdiction aux seuls forages suivis de fracturation hydraulique de la roche pour l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, le législateur a traité différemment des procédés distincts de recherche et d'exploitation de ressources minières ;
9. Considérant qu'en interdisant tout recours à la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national, le législateur a entendu prévenir les risques que ce procédé de recherche et d'exploitation des hydrocarbures est susceptible de faire courir à l'environnement ; qu'il ressort également des travaux préparatoires que le législateur a considéré que la fracturation hydraulique de la roche à laquelle il est recouru pour stimuler la circulation de l'eau dans les réservoirs géothermiques ne présente pas les mêmes risques pour l'environnement et qu'il a entendu ne pas faire obstacle au développement de l'exploitation de la ressource géothermique ; qu'ainsi la différence de traitement entre les deux procédés de fracturation hydraulique de la roche qui résulte de l'article 1er est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

Pas de violation de la liberté d'entreprendre

Le Conseil constitutionnel a également rejeté le moyen tiré de la violation de la liberté d'entreprendre

"12. Considérant que l'interdiction de recourir à des forages suivis de la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national est générale et absolue ; qu'elle a pour effet de faire obstacle non seulement au développement de la recherche d'hydrocarbures « non conventionnels » mais également à la poursuite de l'exploitation d'hydrocarbures « conventionnels » au moyen de ce procédé ; qu'en interdisant le recours à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche pour l'ensemble des recherches et exploitations d'hydrocarbures, lesquelles sont soumises à un régime d'autorisation administrative, le législateur a poursuivi un but d'intérêt général de protection de l'environnement ; que la restriction ainsi apportée tant à la recherche qu'à l'exploitation des hydrocarbures, qui résulte de l'article 1er de la loi du 13 juillet 2011, ne revêt pas, en l'état des connaissances et des techniques, un caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi ;"

Pas de violation de la déclaratio des droits de l'Homme de 1789

"16. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe I de l'article 3 impose de nouvelles obligations déclaratives aux titulaires de permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi du 13 juillet 2011 ; qu'en outre, l'article 1er de cette même loi interdit à compter de l'entrée en vigueur de la loi tout recours à la fracturation hydraulique de la roche pour l'exploration des hydrocarbures liquides ou gazeux ; qu'en prévoyant que les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures sont abrogés lorsque leurs titulaires n'ont pas satisfait aux nouvelles obligations déclaratives ou ont mentionné recourir ou envisagé de recourir à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, le paragraphe II de l'article 3 tire les conséquences des nouvelles règles introduites par le législateur pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux ; que, ce faisant, le paragraphe II de l'article 3 ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise ;
17. Considérant, en second lieu, que les autorisations de recherche minière accordées dans des périmètres définis et pour une durée limitée par l'autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d'un droit de propriété ; que, par suite, les dispositions contestées n'entraînent ni une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ni une atteinte contraire à l'article 2 de la Déclaration de 1789 "

Pas de violation du principe de précaution : moyen inopérant

Sans doute le point le plus important : le moyen tiré de la violation du principe de précaution est inopérant :

"20. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » ; qu'est en tout état de cause inopérant le grief tiré de ce que l'interdiction pérenne du recours à tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux méconnaîtrait le principe de précaution ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 13 juillet 2011, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution, doivent être déclarées conformes à la Constitution,"

Arnaud Gossement

Selarl Gossement avocats


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