Les œuvres de certains artistes sont facilement identifiables à distance. Nul n’est besoin de s’en approcher pour en lire la signature, au bas de la toile ou sur un cartouche. Ayman Baalbaki, dont il est régulièrement question dans ces colonnes, fait partie de ces plasticiens dont l’esthétique proche du néo-expressionnisme, mais, personnelle, intense, unique, vaut identification au premier regard. Aucun doute n’habite le spectateur qui peut ainsi se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire l’œuvre elle-même.
L’exposition organisée à la Luce Gallery de Turin (Italie) jusqu’au 31 octobre, qui réunit quelques réalisations récentes, permet de confirmer cette impression. Son titre, Hanoi/Hong Kong, sonne comme une énigme, dans la mesure où les toiles ici réunies reprennent des thématiques non pas d'Extrême Orient, mais directement inspirées du Liban, où Ayman Baalbaki vit et travaille : visage de combattant en partie dissimulé derrière un keffieh (de la série Mulatham), immeubles effondrés, témoins architecturaux de conflits ou d’attentats (ici, Ruin-Form ou Embassy) composés d’un affrontement de lignes verticales et horizontales.

Dans ce contexte, les barrières de béton imposent leur polysémie : elles protègent autant qu’elles séparent. Les toiles d’Ayman Baalbaki, plus allégoriques qu’il n’y paraît, témoignent d’une situation bien réelle, avec ce mélange de neutralité glaçante et de contrastes colorés (les tissus fleuris et kitsch sur lesquels il peint souvent, habituellement utilisés par les femmes chiites des régions rurales du Sud du Liban) qui semblent faire vibrer une note d’espoir et de vie au milieu de décors apocalyptiques.

Illustrations : Embassy, 2013, acrylique sur toile, laiton et néon, 225 x 140 cm - Concrete Lebanese Flag Barrier, 2013, acrylique sur panneau, 70 x 100 cm - Czech Hedgehog, 2013, acrylique sur panneau, 70 x 100 cm.
