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Paris Web 2013

Publié le 16 octobre 2013 par Tetue @tetue
Paris Web 2013

Bienvenue dans la famille de celles et ceux qui font le Web et bossent ensemble, avec leurs petits doigts, dans ce monde du « ça dépend », essayant de penser d'abord, non sans bienveillance !

Réunion de famille

Paris Web, c'est un peu comme une réunion de famille, sauf qu'on a hâte d'y être dit @fastclemmy. La grande famille du Web, dans toute sa diversité. C'est en effet une des rares conférences à réunir les différents profils œuvrant dans le Web : intégrateurs, designers, développeurs, chefs de projet et tant d'autres. Sans oublier la diversité humaine, car Paris Web est une conférence accessible aux personnes en situations de handicap, comme en témoigne Sophie. Pour moi, ce n'est pas un détail, ni un simple plus : c'est fondamental. Sans cette diversité, le Web serait incomplet et discriminant.

Plus de 650 personnes étaient accueillies cette année et encore davantage suivaient le direct à distance ! La puissance de cette conférence est le partage : entièrement filmée, simultanément traduite en anglais, en français, en langue des signes et vélotypiée, puis sous-titrée, elle est visible en direct et consultable après l'événement, sur le site dédié. C'est un très beau boulot, impressionnant, dans la lignée des valeurs fondamentales du Web, d'accessibilité et de partage des connaissances, énoncées comme mission du W3C : « Web for All » et « Web on Everything ».

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Traduction simultanée en LSF et vélotypie

La famille s'élargit sensiblement cette année. Paris Web s'institutionnalise, un peu plus consensuelle, avec des sponsors moins discrets et davantage d'anglicismes, que j'espère « no bullshit » — comme marqué sur le tee-shirt de l'édition. Heureusement vigilants, nous ne comprenons pas très bien l'anglicisme « digital », qui nous fait beaucoup rire d'une conf à l'autre : on travaille dans le digital… euh, dans le numérique… même pas ! dans le Web, euh, avec nos petits doigts ! sur l'écran tactile ! C'est ça ?

Bosser ensemble

Tout a commencé par un sketch — oui, un sketch :) — de Julien Dubedout, Florian Boudot et Christophe Andrieu, « La folle journée, ou les fourberies d'un projet, parodie de la vie d'un projet en agence web, chez « Wibizz ». De l'intégrateur qui peste contre la maquette graphique immontable, au client qui veut un formulaire « en forme de cigare » avec un « reset qui se déclenche au rollover », en passant par l'emploi de stagiaires, tout y passe ! J'en pleurais, entre hilarité et désespoir, car le plus atroce, c'est que ces caricatures sont si réalistes ! Au secours le Web ! Ne ratez pas cette catharsis, à voir dès maintenant (première vidéo, à partir de 08:00). Il y a vraiment un problème de communication et de compréhension du média et des métiers, avec le client pour commencer, mais aussi en interne, entre les intervenants, jeunes (trop) et enthousiastes.

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Seulement 40 % des projets web réussissent, précise plus tard Julien Oger dans sa conférence. Pour le reste : 20 % des projets échouent et 40 % réussissent avec explosion de budget. C'en est fini de la bidouille web : il faut s'équiper des bons outils et procéder avec un minimum de méthode. « J'ai décidé d'arrêter de sauver le monde » témoigne Nicolas Hoffmann en lightning talk, avec pertinence : tout passionné et consciencieux que l'on soit, il faut parfois savoir arrêter de faire le pompier pour sauver les projets malgré tout, afin d'en laisser se révéler les incohérences et se donner par là une chance d'améliorer le processus.

Au fil des conférences, se répète la nécessité de travailler ensemble, concepteur(s) et développeur(s), et dès le début : Un designer doit être présent du début à la fin du process, pas seulement au moment de la mise en forme tweete @VictorEspnt. Si l'intégrateur et le designer ne bossent pas ensemble, on va dans le mur, insistent Jérémie Patonier et Rudy Rigot, dans leur atelier « Projets responsive : mise en commun de retours d'expérience ». Impossible, dans le Web, de dissocier complètement le design de la technique. Tout le monde dit qu'il faut être là au début du projet. Tout le monde est d'accord. C'est où que ça merde ? demande alors @bertrandkeller.

Ça dépend…

Maillon essentiel de la qualité web, l'intégrateur est, encore plus qu'avant, la colonne vertébrale d'un projet web : il doit dealer avec tout le monde, autant avec les développeurs back qu'avec les graphistes. Si l'intégrateur répond « ça dépend » ce n'est pas pour casser les pieds ou garder une certaine emprise, précise Nicolas Hoffmann, mais parce qu'il n'y a plus de solution unique. Le métier a considérablement évolué dernièrement, se complexifiant, se diversifiant. De nombreux paramètres interviennent — responsive ? retina ? quel CMS ? et IE ? quelle équipe ? avec ou sans framework ? — qui conditionnent sensiblement les choix et peuvent changer les fondements d'une intégration, avec parfois l'impossibilité de répondre à des contraintes antagonistes. Bienvenue dans « L'intégration, ce monde du “ça dépend” » ! Il n'y a pas de vérité absolue en matière d'intégration web, disait déjà Marie Guillaumet, dans « L'intégration web, cette leçon d'humilité ».

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Atelier frameworks CSS

Court et efficace, Johan Ramon nous a donné des conseils et des exemples concrets d'intégration pour « “Accessibiliser” avec subtilité ». J'ai aussi apprécié les échanges lors de l'atelier de Raphaël Goetter et Nicolas Hoffmann « Et si on enrichissait nos frameworks CSS ? » J'aime beaucoup l'approche de ces deux-là, respectivement auteurs de KNACSS et RÖCSSTI, qui préconisent de micro-frameworks, à mi-chemin entre l'artisanat et l'industrialisation, bref à échelle humaine.

Content first

Avec la démultiplication des terminaux web, le contenu textuel est plus important que jamais. La typo n'était donc pas en reste, avec notamment cet atelier très pédagogique de Vincent Valentin : « Après la macro, la micro ! »

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Ordinateur de bureau, smartphone, liseuse, TV, etc. ont chacun une taille de base de texte (root font size) différente par défaut. Nicolas Hoizey nous invite donc à travailler en unité relative et non fixe, en em plutôt qu'en px : « Un petit pas pour l'em, un grand pas pour le web ». Bref, il faut penser fluide, designer élastique et coder zoomable. « Je suis DA web et je passe ma journée à faire des maquettes en pixels. Est-ce qu'on parle encore le même langage ? » demande une personne de la salle. Et oui, il y a une vraie incohérence dans notre chaîne de production !

Think first

Le « mobile first », c'est dépassé : on pense désormais « content first »… voire même « think first », lance-t-on en boutade. Je dirais plutôt « user first » ou plus précisément « human first ».

Cette 8e édition faisait belle place au design, avec des intervenants nouveaux et notoires, ergonome, UX designer mais aussi DA, comme Geoffrey Dorne, Raphaël Yharrassarry, Maxime Fortelle et Mariusz Ciesla. Je me rends compte que j'ai surtout suivi les sujets parlant de conception web. Alors que j'étais ces dernières années dev front, lorsque l'orateur sonde le public cette année, pour savoir à quelle proportion de développeurs et de designers il s'adresse, je réponds désormais à l'appel de ces derniers. J'ai changé. Tout change tout le temps, dans le Web.

« Un bon design n'est pas beau ! », scande Sébastien Desbenoit, remettant en question le culte de la beauté pour insister sur l'objectif, citant l'exemple réussi du site leboncoin.fr. Non, le DA n'est pas un artiste. Concevoir, c'est aussi utiliser le marketing. Il faut savoir ravaler ses goûts, sonder, enquêter et écouter. Je suis d'accord, bien évidement, mais plus nuancée parce que j'interviens plus bas dans la pyramide d'optimisation ergonomique.

Dans la conférence « Penser l'expérience utilisateur mobile », Amélie Boucher nous invite à travailler sur les moments dégradés de l'expérience utilisateur. En effet, le faible débit de connexion en mobilité fait que l'attente représente environ 80 % du temps passé sur mobile. Il faut donc designer les écrans de chargement, pour réduire le temps d'attente perçu. Son approche fait écho à ce que dit Geoffrey Dorne : Les grandes choses doivent être traitées avec légèreté, les petites choses avec minutie. C'est toujours très enrichissant d'écouter Amélie, qui s'appuie sur de très nombreux exemples visuels, analysés, comparés, argumentés. Il faut aussi hiérarchiser, d'une part parce qu'on ne peut pas tout mettre dans le menu, ni à l'écran, surtout de si petite dimension, mais aussi parce que plus l'interface propose d'options, plus le choix est difficile pour l'utilisateur. La question à se répéter est : « Qu'est-ce que votre appli propose ? C'est quoi le cœur de fonction ? » Tout le reste passe après.

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Esthétique du ticket de caisse

Contrairement à d'autres, qui existent depuis longtemps, le Web est un matériau jeune, que l'on commence à peine à comprendre. Dans la conférence « Esthétique et pratique du Web qui rouille », Karl Dubost et Olivier Thereaux jettent un œil dans le rétroviseur et se demandent comment préserver le Web et ce que cela signifie. À l'ére numérique, il n'y a pas plus d'information qu'avant, mais plus de moyens de la stocker et de la consulter. Quid du testament numérique ? Nous avons tous une date de péremption, mais que devient notre information en ligne, après nous ? Faut-il tout garder ? Une personne du public demande s'il ne faudrait pas mettre tout le Web dans un système de versioning… Combien d'entre-vous font encore des tirages papiers de leurs photos ? C'est essentiel. Vous pourrez numériser et dupliquer vos photos autant de fois que vous le voulez : rien ne vaudra celles découvertes par les enfants dans la boîte à chaussures du grenier, rappelle @mariejulien. J'ai raté cette séance photo improvisée par Thanh Nguyen qui, nous dénudant, nous montre charnels et non pas seulement cérébraux, rivés aux écrans. Très émouvant !

J'en retiens surtout que nous sommes dans un temps de transition, qu'il nous faut penser. Ne plus seulement aller de l'avant, en pionniers, en sherpas, en évangélistes, mais aussi penser ce qui rouille et recentrer sur l'humain, qui n'est pas seulement utilisateur d'interface ou cible marketing. Oui, et nous dans tout ça ?

À hacker

Côté parano, il a aussi été question de méthodes d'influence, notamment via le design émotionnel, au risque de manipulation, crainte qui me semble injustifiée — oui, ça influence, comme toute émotion, comme tout design, et alors ? — et aussi de sécurité et de libertés numériques.

J'ai beaucoup apprécié que le sujet soit abordé à Paris Web, par cette conférence très complète d'Amaëlle Guiton : « La rencontre entre hacktivisme et sociétés civiles, un enjeu pour les libertés numériques ». Ce n'est pas qu'une affaire de geeks, qu'une préoccupation technique : c'est une question politique. Est-ce qu'un réseau social est responsable des contenus qui y circulent ? À propos de cybercensure, savez-vous que la France fait partie des pays sous surveillance, avec l'Égypte, la Russie et la Corée du Sud ? Sur la transparence totale, relire Laurent Chemla : « je vous ai menti ».

Sans complaisance, Amaëlle n'a pas omis de pointer les divergences entre le grand public et les activistes, lesquels forment un groupe asocial de « mâles blancs », parfois perçu comme élitiste, ce qui, je l'avoue, me fait souvent douter de l'universalité de la noble cause défendue. Un dialogue reste à nouer. Il y a quand même quelques hacktivistes qui pensent qu'il faut faire aussi bien, voire mieux, que les solutions propriétaires. L'occasion de rappeler qu'un logiciel soit libre n'est pas suffisant : il faut aussi qu'il soit utilisable et accessible. À ce sujet, relire cet article récent d'Armony Altinier, qui propose de hacker la « liberté 0 » : « L'accessibilité, une question de liberté ? »

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Prise de notes à Paris Web

Personnellement, j'ai détesté le nouveau lieu, le palais Brongniart, mais c'est un avis subjectif que je ne sais pas bien expliciter. J'ai eu l'impression de ne faire qu'y croiser les gens, en courant d'air, sans avoir assez le temps de les rencontrer. Sans doute est-ce parce que nous étions sensiblement plus nombreux. Et je n'aime pas toutes ces moulures et ces vieilles dorures, qui gâchent les photos. J'avais envie de hacker le lieu, d'y trouver des poufs géants où se poser, des salons d'échange, d'y croiser des installations interactives, d'y faire une rave électro déjantée, d'y passer une nuit blanche, d'improviser des barcamps, en plus des « informelles », dont j'ai complètement raté le programme. J'imagine un écran géant dans la salle de la bourse, où le livestream serait diffusé, et le programme, sur pad contributif, serait annoncé entre deux conf — un peu comme les panneaux d'affichage des horaires dans les halls de gare, avec des annonces vocales…

Le sketch introductif et les lightning talks étaient épatants, certes spectaculaires mais aussi furieusement imaginatifs : coder en direct une parodie de la création du monde, en 4 min, bravo l'artiste ! J'étais moins séduite par les conférences cette année. Je suis un peu restée sur ma faim : il me manquait des prises de position, un débat, plus de temps pour les questions. Sans doute est-ce parce que mon regard change, plus en quête d'expressions qu'auparavant. Les choix étaient dilemmatiques et je crois que l'on n'a pas forcément perçu, à l'échelle de nos parcours individuels, la grande diversité des sujets abordés… à l'image de la diversification actuelle du Web ! J'ai préféré la journée d'ateliers, plus riches d'échanges, de concret et de savoir partagé. Et je me suis aussi régalée — au propre comme au figuré — des soirées improvisées en :before et :after :)

Bienveillance

Divers, humains… « Bienveillance » est le mot de conclusion de la conférence de Delphine Malassingne « Être bien pour produire bien ». C'est aussi ce qui caractérise Paris Web. Allez-y, prenez la parole, proposez une conférence l'année prochaine, osez !

J'ai fait le choix cette année de ne pas proposer de sujet, à la fois pour laisser la place à de nouvelles personnes et aussi pour — dégagée du trac — mieux profiter de l'événement. Je n'ai donc pas boudé mon plaisir, partageant bisous et câlins, écrasant même une petite larme au passage. J'ai aussi beaucoup reçu. Surtout des échanges annexes, avec de belles surprises de réflexion en construction, qui m'ont redonné confiance et espoir en un monde meilleur. Merci les gens ! J'ai aussi pu montrer le petit framework HTML/CSS éditorial que j'ai fabriqué, et reçu des retours positifs qui m'encouragent à le publier. Dans sa bienveillance contagieuse, Paris Web tire chacun et chacune vers le haut.

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#ParisWeb #ShareTheLove

Trois jours au pays des bisounours… La journée de repos post-ParisWeb, je ne m'y ferai jamais : étrange sensation mêlée de bonheur, de fatigue, de calme. Vous me manquez tous ! dit @sebcbien. Après 12 heures de sommeil — il fallait bien ça pour récupérer — je me réveille avec le sentiment que ce n'est pas fini. Au contraire, une nouvelle année s'amorce. Comme dit Delphine, « Faisons durer cette belle énergie reçue ». Merci, tellement !

À nous de jouer ! et rendez-vous en 2014 ! Semaine 42 ?

Comme d'habitude, les photos de l'événement, les supports de conférences et les vidéos des présentations sont rendus publics progressivement, avec la liste des comptes-rendus, sur le site dédié paris-web.fr, où il est toujours possible de consulter les éditions précédentes. Retrouvez aussi les comptes twitter des personnes présentes.

Et pour prolonger, rendez-vous sur le canal de discussion IRC ou IRL au prochain apéro web.


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