Magazine Culture

Tragédie - Olivier Dubois

Publié le 18 octobre 2013 par Picotcamille @PicotCamille

Tragédie: n.f. Poème dramatique, représentant une action propre à exciter la crainte ou la pitié. Le genre tragique. Fig. Evénement terrible, funeste. Définition du Larousse de Poche de mon père datant de 1954.

olivier-dubois-poursuit-son-etude-critique-pour-un-trompe-l-oeil-pour-le-festival-d-avignon,M90532
image François Stemmer, site Télérama

Tragédie est qualifié de poème chorégrahique. Je fais le lien parce que je pense qu'Olivier Dubois a le même dico que mon père.

Il y a 18 danseurs, 9 femmes et 9 hommes, tous nus. La nudité ne me semble pas être un dévoilement total du danseur. Il semble habillé. Mon professeur d'histoire de l'art nous racontait qu'on est jamais plus nu qu'habillé. Le conseil du jour: ajouté à votre nudité un bracelet, des chaussures, un gilet ou  je ne sais quoi, celui-ci soulignera votre manque de culotte avec une fausse pudeur feinte. Donc la nudité des danseurs n'est pas pour moi une recherche de neutralité, mais une exposition de leur corps comme d'un costume. Cela m'a surtout été inspiré par les seins des danseuses. Formes différents, poids ou absence de cette poitrine. Le texte de présentation donné à l'entrée explique ceci: "Surexposés dans leur nudité, pour mieux incarner cette évidente variation anatomique, neuf femmes et neuf hommes proposent un état de corps originel, une sollicitation de leur genre humain débarrassé des troubles historiques, sociologiques, psychologiques....et permettre in fine un chœur tel un chant/corps glorieux". Je ne suis qu'à peine d'accord. Un corps nu ne peut être complètement neutre. Barbe, cheveux, rondeurs, musculature, formes, épilation. Cela donne forcément une histoire. Il n'y a que les danseuses du Crazy Horse qui gomment toute marque d'identité à renfort de perruques et costumes. Mais je suis assez dans l'idée de "panel anatomique".

L'Humanité, voilà le questionnement qui pousse ces gens à danser. Les danseurs rentrent. Par un, par deux. Ils prennent possession de l'espace. Une allure cadencé, je dirais militaire. L'ambiance sonore (musique?) est un son saturé où un beat revient de façon continue, comme un battement de cœur. Ils suivent les sagittales du plateau, en faisant des allers-retours. Certains disparaissent, d'autres restes, d'autres arrivent. L'Humanité à son point zéro, sans conscience. Puis l'engrenage mis en place déraille. Légèrement d'abord. Un arrêt avant de repartir. Une cadence plus lente. Petit à petit le corps prend le pouvoir. En cours, on nous enseigne le principe d'accumulation. Sur scène, les émotions qui nous traversent, doivent être accumulées, rien ne doit être lâché. C'est ce qui constitue la présence, l'intensité et le cheminement du personnage. La pièce Tragédie est constitué ainsi. Après une (longue) accumulation, les corps se déchaînent.

N'étant pas du tout formé en danse, je me permet d'en faire une analyse complètement personnelle et qui horrifiera les professionnels (j'ai déjà essayé )! L'Humanité selon Dubois, ce découpe en plusieurs états. Un premier état inconscient, dont je viens de parler. "Le simple fait d'être homme ne fait pas Humanité". Un prise de conscience, le début d'une humanité. Puis vient le lent glissement vers le chaos. En suivant leur volonté, on perd aussi l'humanité dans la folie, la haine et la violence. A quel moment on acquiert son humanité et on l'a perd? On ne sait pas, les limites sont si poreuses. Et c'est là toute la tragédie de nos existences.

J'ai pensé au Sacre du Printemps. J'en avais vu une version en 2006-2007 au Grand T de Lorient. Je ne sais plus qui en était le chorégraphe; C'était danser uniquement par des danseurs black en sous-vêtements, si je me souviens bien (pour les sous-vêtements je suis sure). Il y avait quelque chose de cet ordre, de cet perte d'humanité. Pour revenir à un évènement moindre mais plus concret, comme quand une soirée sympa par d'un coup en couille, que vous vous retrouvez spectateur sans n'y rien comprendre et que vos amis agissent de façon débile.

Et puis il y a l'atmosphère, avec la musique saturée (ils donnent des boules quies avant le spectacles pour ceux qui veulent). Quelque chose d'oppressant. Le texte parle de "pièce manifeste, obsessionnelle, voire hypnotique". Personnellement, oui j'étais hypnotisée mais par la peur de la fin, de la destruction. Mais ça me fait ça souvent. Genre à chaque fois que je commence une biographie des Beatles, je sais pertinemment comment ça va finir, mais je ne peux m'empêcher de redouter la fin et d'espérer qu'elle sera différente. On ne se refait pas, que voulez-vous?

Et il y a aussi un truc tout bête et pourtant si beau dans la mise en scène, le rideau au fond est un rideau de fils fins noir. Les corps qui sont derrière ne sont visibles que par leurs formes blanches. Ce qui créé une sorte d'attente, de suspense, il va rentrer, on le devine, mais quand? Souvent en plus les fils suivent les danseurs, s'accrochant tant qu'ils le peuvent à leurs épaules. On a des images de marionnettes, de corps s'extirpants des limbes, etc.

Si vous êtes intéressé, je ne sais pas si Tragédie sera rejoué, mais vous pouvez déjà prendre vos places au 104, pour Souls qui aura lieu le 14, 15 et 16 mars 2014. Je vous rajoute aussi un peu de liens avec ceci? Le site de la compagnie d'Olivier Dubois, et un article de Télérama sur Tragédie qui me semble assez assimilable même pour les néophytes comme moi. Vous avez aussi de chouettes vidéos sur YouTbe, mais comme les gens sont tout nus, il faut avoir un compte +18. Mais jetez-y un coup d'œil car ça donne quand même une bonne idée de l'atmosphère.

Je rajoute aussi ce lien du Monde, conseillé par une amie.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Picotcamille 366 partages Voir son profil
Voir son blog