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[Critique] TURBO

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] TURBO

Titre original : Turbo

Note:

★
★
☆
☆
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : David Soren
Distribution : en V.O. : Ryan Reynolds, Paul Giamatti, Michael Pena, Snoop Dogg, Maya Rudolph, Samuel L. Jackson / En V.F. : Laurent Lafitte, Gérard Darier, Emmanuel Garijo, Jean-Paul Pitolin, Annie Milon, Frantz Confiac…
Genre : Animation
Date de sortie : 16 octobre 2013

Le Pitch :
Théo est un petit escargot qui vit sa vie lentement, mais ses rêves le devancent à la vitesse de la lumière. Dès qu’il ferme les yeux, il s’imagine en Turbo, franchissant la ligne d’arrivée aux 500 miles d’Indianapolis, en laissant tous ses concurrents dans la poussière. Malheureusement pour Turbo, tous ses amis escargots semblent savourer la vie en slow-motion, cueillant lentement les tomates du jardin alors que des corbeaux voraces les menacent quotidiennement. Et puis un jour, le destin frappe : Turbo s’aventure sur l’autoroute où il est aspiré dans le moteur d’un bolide de course. Sa structure moléculaire altérée par la nitro de la voiture, Turbo devient super rapide, atteignant une vélocité de plus de 200 km/h. Mais alors qu’il peine encore à maîtriser son nouveau pouvoir, lui et son frère taciturne Chet sont recueillis par Tito, propriétaire d’un stand de tacos californien qui organise des courses d’escargots pendant son temps libre. Tout à coup, le rêve de Turbo peut devenir réalité, mais son aventure est loin d’être terminée…

La Critique :
Avec ses métrages précédents, Les Cinq Légendes et Les Croods, Dreamworks Animation donnait l’impression de grandir un peu, laissant tomber l’humour pop-culture agaçant dans lequel pataugeait la série Shrek et commençant à privilégier davantage la créativité que les blagues pipi-caca, même si la formule typiquement moderne des scènes d’action surdimensionnées qui ne ralentissent jamais dans les films pour enfants devait venir avec.

Le premier avait imaginé une abstraction Avengers avec le Père Noël à la place de Captain America avec une élégance qui atteignait parfois un niveau de grandeur quand le film n’était pas bordélique. Le deuxième proposait un portrait attachant de la relation classique tel-père-tel-fille, et introduisait un protagoniste féminin qui ne suivait pas le modèle simpliste de la Princesse Disney, une rareté dans le cinéma d’animation. Ces deux bouffées d’air frais offraient un répit bienvenu de la chaîne commerciale habituelle de films pour enfants – en d’autres mots, ils n’essayaient pas de vous vendre leur merde.

Turbo, malheureusement, apparaît comme un retour à la norme. Il n’y a rien de nouveau ici, juste de vieux trucs empaquetés dans un colis tout neuf. Ce film d’animation Dreamworks a un pitch étonnamment prenant – un escargot obsédé par la course compte réaliser son rêve de rejoindre les Formule 1 sur la piste quand il acquiert le pouvoir de la super-vitesse – et un sens de l’humour tellement bizarre qu’on se demande parfois si le film n’est pas en train de subvertir les clichés sans lesquels il ne pourrait pas exister. Si seulement…

Comparer un film à un jeu vidéo est une tendance habituellement détestable, parce que c’est un argument paresseux qui utilise les jeux vidéo comme référence à quelque-chose de mauvais. Mais il y a des fois où Turbo ressemble véritablement à un jeu vidéo, surtout quand la caméra passe en vue subjective pendant les courses et virevolte autour des concurrents alors qu’ils s’apprêtent à partir. Dans ses pires instants, le film s’apparente à la version longue d’une pub pour ses propres produits dérivés, et l’argument semble se concrétiser pendant l’acte premier lorsque Turbo fait face à une tondeuse meurtrière, avec des jauges de vitesse intitulées « TURBO » et « TONDEUSE » qui clignotent en bas de l’écran.

Turbo démarre désespérément petit, limitant l’action à un jardin de tomates dans une banlieue américaine où l’on doit endurer les variations haletantes du petit escargot sur le thème du film qui est annoncé dans les premières minutes (« Aucun rêve n’est trop grand, et aucun rêveur n’est trop petit ») tandis que ses potes lourdingues lui conseillent de mettre ses fantasmes irréalistes de côté. Heureusement, les décors s’élargissent lorsque Turbo, dans la meilleure blague du film, devient super-escargot d’une façon qui pourrait seulement être résumée par le fait d’acquérir les pouvoirs de Flash à travers la mutation dans Spider-Man en débarquant sur le plateau de tournage d’un Fast & Furious. C’est un procès narratif magique qu’on ne comprend pas et, à mon avis, qu’on n’est pas censé comprendre.

Il y a des petites touches au centre du film qui suggèrent que le réalisateur David Soren, ses scénaristes Robert Siegel et Darren Lemke, et leur équipe d’animation ont essayé de déjouer et customiser un véhicule qui, à tous les égards, semble être sorti tout droit de l’usine. Les dialogues du film sont plus malins qu’ils ne devraient l’être ; Turbo prend un plaisir intellectuel à corriger la grammaire de son entourage, au point où on l’avertit que ses insultes sont inutilement compliquées. Certains des gags récurrents sont au bord de la satire, comme le portrait acide de l’idole de Turbo, un champion vantard et insensible appelé Guy La Gagne. On dirait presque que le film a conscience de son absurdité quand Turbo est accepté parmi les candidats de la course de bolides, et que son frère Chet demande à tue-tête si le monde entier est devenu fou.

Étrangement, les bandes-annonces et le marketing du film semblent avoir omis l’inclusion d’un rêveur humain, à savoir un jeune hispanique nommé Tito, qui adopte l’escargot et devient son sponsor. Tito opère le stand Dos Bros Tacos avec son frère aîné Angelo, et leur relation reflète celle de Turbo et de son frangin. Si on consulte la version originale, des acteurs tels que Samuel L. Jackson, Snoop Dogg, et Michelle Rodriguez prêtent leur voix à la bande de marginaux qui accueillent Turbo et son frère parmi eux, se vantant d’être « des escargots de la rue ». Et au-delà des remix prévisibles de Eye of the Tiger et We Are The Champions, on distingue des choix imaginatifs de hip-hop et R&B stockés sur la bande-son, allant jusqu’à évoquer les Jackson 5.

Il est tentant de dire ici que le film est en train d’évoquer un courant de multiculturalisme, là encore un peu à la Fast & Furious, avec l’idée présupposée que les « escargots de banlieue » devraient se décoincer et étendre leur horizon. Puis on se rappelle que Tito et Angelo sont deux stéréotypes chamailleurs et obèses qui cherchent à sauver (what else ?) leur business de tacos. Oups. Faudrait peut-être revoir cette définition de sensibilité urbaine, les gars.

Mais tout ça, c’est dans les marges, parce que l’important pour ce divertissement, c’est La Course. C’est ici qu’on pourrait sortir la comparaison que Turbo est essentiellement Cars mais avec un escargot. Certainement, voir tous ces bolides défiler sur les pistes d’Indianapolis suggère les compétitions frénétiques dans les deux volets automobiles de Pixar, et si on veut suivre ce train de pensée on pourrait remonter jusqu’au Rush récent de Ron Howard. Mais il est dur pour une course d’être cinématique quand tout ce qu’on peut voir est une putain de ligne bleue censée représenter monsieur le gastropode rapide.

Ça ne me dérange pas trop que Tito et ses amis se décident aussi spontanément quand ils vont aider Turbo à parcourir ces 500 miles, sans se questionner au sujet de leur santé mentale. Mais pour revenir à cette blague citée plus haut, y-a-t-il quelqu’un qui pourrait m’expliquer comment ce petit bougre n’a pas fini broyé dans le moteur nitro de la bagnole de Vin Diesel au début ? Sérieux, comment ça marche ?

@ Daniel Rawnsley

Turbo-photo
Crédits photos : 20th Century Fox France


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