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"Le brasier de l'ange" de James Lee Burke

Par Leblogdesbouquins @BlogDesBouquins
La Louisiane, sa musique, sa culture cajun et ses marais. On s’imagine déjà dévorant un jambalaya dans un tripot merdique seulement égayé par un excellent bluesman aussi fatigué que son harmonica. Gustave Lafleur est au bar servant un bourbon tiède coupé à l’eau, et Marie Jane n’a, depuis le lycée, d’yeux que pour vous. La journée s’annonce aussi ennuyeuse qu’hier. Même les moustiques ont renoncé à vous piquer.  Seulement voilà,  Jim « gator » Wallace vient de finir de purger sa peine, bien décidé à récupérer les 20 000 dollars que lui ont volé les frères Mc Dadlen. Ce qui ne devait être qu’un règlement de comptes entre bandits minables s’avère, en fait, aussi compliqué que la recette du ragout aux pommes de terres de Miss Daisy. Vieilles rancunes familiales, appât du gain, magouilles politiques et vétéran de la guerre de Corée se mettent alors à danser sur une musique qui pourrait bien annoncer un bain de sang parfaitement épicé. Au milieu de l’arène, il n’y a que vous, votre tatouage « Semper fi », votre chien Barney et votre légère addiction au mauvais whisky. Pas de nom qui finisse en « ssen », d’assassin silencieux ou de belles étendues neigeuses, bienvenue dans un polar Born and Raised en Louisiane.
L’avis de JB :
Born in the USA
S’il suffit de quelques minutes à un critique sans imagination pour vous faire vaguement voyager, c’est parce que la Louisiane fascine, terreau à la fertilité sans fin pour auteur de polar en manque de décor. Né au Texas, exilé depuis entre le Montana et la Louisiane de son enfance, James Lee Burke sévit sur nos rayons chez Pavot et Rivages depuis le début des années 90. Une vingtaine de ses romans semble avoir pour héros l’inspecteur  Dave Robicheaux, « Le brasier de l’ange » compris. Peu ou pas de surprise, notre policier est sympa, dur au mal, juste, aimant, ouvert d’esprit et vétéran du Vietnam. Son acolyte Clete Purcelle est, comme on pouvait s’y attendre, un peu plus rustique mais tout aussi attentionné, et vétéran du Vietnam.  L’action se déroule à New Iberia, petite ville où les stigmates de la ségrégation sont aussi visibles que la richesse de Moleen Bertrand,  jouant le rôle du riche blanc un peu faible, un peu lâche, amoureux de la pauvre noire. Sous couvert d’une dispute autour des droits de propriété d’une plantation, vont se mêler trésor enterré, meurtre inexpliqué, mafia italienne et…vétérans du Vietnam, bien sûr.
En critique d’une Amérique raciste, amnésique et génératrice d’inégalités, vous serez copieusement servi. Du mercenaire couturé au flic bedonnant, la concentration d’ex du NAM (diminutif de Vietnam) est assez impressionnante, chacun ayant apparemment eu son lot de bravoure et de mysticisme.  L’auteur ne se gênant d’ailleurs pas pour teinter son récit d’un peu de soldats traumatisés convertis au surnaturel. La mère patrie ne se soucie pas de ses vétérans, de la perduration d’une ségrégation silencieuse dans les états sudistes ou de ses pauvres, notamment afro-américains, qui vivent dans des conditions déplorables. Même s’il y a des manières plus discrètes de faire passer des revendications, saluons au moins la prise de position. Pas d’excuses, par contre, pour le choix du titre, aussi oubliable que bateau.
Entre deux genres
Bardé de ses nombreux clichés, le récit arrive à rester plaisant grâce à son ambiance Louisianaise, son héros qui tient la route, et les quelques interactions inter personnages secondaires. On n’a vraiment pas l’impression de lire un polar, la faute à l’intrigue qui manque clairement de punch et dont on ne comprend finalement pas tout, au profit du devenir des quelques personnages principaux, Dave Robicheaux en tête. Le héros va-t-il mourir, Sonny Boy Marsallus  est-il vraiment décédé sont au final les deux vestiges d’un suspense resté bien mollasson. Nul  doute également que les vétérans du polar (une guerre que j’imagine tout aussi éprouvante) ne se laisseront pas prendre par le vieux coup de l’auteur qui ne dit pas tout pour donner encore plus de mystères à son intrigue. L’ensemble franchement dense manque de maitrise, l’auteur jonglant avec un peu trop de balles.  Reste les descriptions, de bonne factures, qui sentent au sens propre et figuré, le vécu. L’auteur sait ce qu’est un marais, un bar pourri ou, plus généralement, une ville qui meurt de son propre ennui, pas donné à tout le monde.
A lire ou pas ?
Au final, « Le brasier de l’ange » est un polar qui n’en est pas un, jonglant entre Toni Morisson sans le talent d’écriture et Jack O’Connel sans le génie créatif. Le résultat mérite un bon « pas mal », pour l’ambiance, la bonne construction des personnages et…les vétérans du Vietnam.
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