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Qu'est devenue la critique avant-courrière ?

Par Thibault Malfoy

« Le développement du romantisme français va faire les beaux jours de la critique en donnant à la querelle des anciens et des modernes, récurrente dans l’histoire intellectuelle de la nation depuis la fin du XVIIe siècle, un renouveau d’actualité. De plus, dans le cadre d’une promotion du statut de l’écrivain, qui, comme l’a montré Paul Bénichou, est appelé à assumer une partie des fonctions du prêtre, la fonction même de critique bénéficie d’une revalorisation en ce qu’elle aide à la constitution d’un terreau favorable à la création, qu’elle prépare, loin de se borner à l’accompagner en parasite ; le temps de la « critique avant-courrière » peut revenir et Saint-Beuve songer à revêtir le costume d’un nouveau Boileau. »

« [Sainte-Beuve] amorce une inflexion des missions de la critique, non plus tournée seulement vers la glorification du passé ni même vers son étude objective, mais qu’il ne tarde pas à définir lui-même comme « avant-courrière » en ce qu’elle se donne pour fonction d’annoncer les nouveaux talents et de les faire valoir. Plusieurs années durant, Sainte-Beuve consacre son activité critique dans la Revue des Deux Mondes à deux tâches complémentaires, qu’il considère comme l’exemple de cette nouvelle critique militante : évaluer la place actuelle des auteurs classiques et faire ressortir le génie de Victor Hugo (du moins jusqu’à leur brouille). […] C’est ainsi que, pour un temps, critiques et créateurs travaillent main dans la main à l’avènement d’une littérature nouvelle. »

Jean-Thomas Nordmann, « La "relation critique" au XIXe siècle », in Histoire de la France littéraire (volume 3 : Modernités XIXe - XXe siècle), volume dirigé par Patrick Berthier et Michel Jarrety, p. 454, 455 et 458, PUF, 2006.

« Annoncer les nouveaux talents et les faire valoir » : qu'est-elle devenue, cette « critique avant-courrière » ?

La critique contemporaine a trop tendance à niveler la valeur des livres par un relativisme énervant. Elle se borne le plus souvent (à part pour les mastodontes attendus) à restituer une impression de lecture, indépendamment de l'ambition et de la portée du livre, et je ne parle même pas du style de l'auteur. Un résumé en quelque sorte, nuancé par des jugements ponctuels.

Même si le jeu du temps est indispensable pour faire disparaître par érosion les livres mineurs et faciliter par ce recul le travail du critique, il n'en demeure pas moins que j'aime à croire en la possibilité d'une critique avant-courrière avançant parallèlement à la ligne des écrivains, chacun sur une rive de ce fleuve d'encre dont les hydrographes seraient bien en peine de prédire les crues futures.


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