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La peinture irlandaise du XXe siècle à nos jours

Publié le 27 octobre 2013 par Jigece

1956, This is tomorrow, Whitechapel Gallery de Londres Et si nous traversions la Manche ? Pour aller voir la peinture de nos amis Anglais, Gallois, Écossais (c’est par là) et Irlandais (c’est ici). Mais d’abord un peu de géographie… L’Irlande est une île coupée en deux (depuis sa partition en 1921), l’Irlande du Nord (qui constitue la plus grande partie de l’Ulster) appartenant à la Grande Bretagne pour constituer le Royaume-Uni. Mais, pour ma part, je préfère traiter de l’Irlande dans son ensemble.

XIXe siècle et exode

Malgré le renforcement de l’infrastructure des arts et du système éducatif, l’art irlandais du XIXe siècle a été marqué par l’émigration continue. Londres, notamment – avec son marché de l’art beaucoup plus important – était la Mecque des peintres et sculpteurs irlandais talentueux. Parmi ces artistes émigrés dans la capitale anglaise, les portraitistes John Butler Yeats, Gerald Festus Kelly et William Orpen. En revanche, de nombreux grands peintres paysagistes irlandais ont passé de longues périodes en France, à Barbizon, Pont-Aven ou Concarneau, où ils ont épousé les méthodes de peinture en plein-air des impressionnistes. La liste de ces « émigrants » est longue : Auguste Nicholas Burke, Frank O’Meara, Aloysius O’Kelly, Sir John Lavery, Stanhope Forbes, Henry Jones ThaddeusWalter OsborneRoderic O’Conor, Norman Garstin, William Leech, entre autres.
Ce n’est pas à sous-estimer le talent des artistes irlandais qui sont restés au pays, mais le terrible traumatisme de la Grande Famine (c.1845-50), les querelles politiques persistantes entre Londres et Dublin, ainsi que le manque relatif de débouchés à Dublin (et a fortiori à Cork, Galway ou Limerick) par rapport au potentiel commercial de Londres, les attraits de la France, tout incitait à aller peindre ou sculpter à l’étranger.

Début du XXe siècle

Peu à peu, au tournant du siècle, les effets bénéfiques de l’éducation, avec une augmentation du patronage de Dublin, les efforts de Hugh Lane (collectionneur avisé et directeur de la National Gallery de Londres qui, pour plaire à sa tante, à apporté son soutien – et ses moyens – à la renaissance culturelle irlandaise) et l’impact du Celtic Arts Revival Movement, tout conduit à l’apparition d’une nouvelle génération d’artistes irlandais, comme George ‘AE’ Russell, Margaret ClarkeSean Keating, James Sinton Sleator, Leo Whelan et Maurice Macgonigal. Ce groupe, grossi par le retour de quelques émigrés comme Richard Thoman Moynan, Paul Henry, l’expressionniste Jack B Yeats et le portraitiste William Orpen – qui revient régulièrement enseigner à la Dublin Metropolitan School of Art – a formé le noyau d’un nouveau contingent actif d’artistes locaux.

Society of Dublin Painters

Fondée en 1920 par Jack Yeats, Paul Henry, son épouse Grace Henry, Mary Swanzy, O’Rorke Dickey et Letitia Hamilton, la Society of Dublin Painters marque le début du modernisme dans l’art irlandais. Depuis ses débuts jusqu’aux années 1940 la Société a symbolisé tout ce qui était de nature prospective dans la peinture irlandaise, défendant ce qui était alors considéré comme l’avant-garde. En l’espace de quelques années, ils ont été rejoints par Manie Jellett, Evie Hone, Cecil Salkeld, Harry Clarke et Charles Lamb.

Mais à côté de ces quelques avant-gardistes, l’art irlandais du XXe siècle était encore nourri par la création de la Hugh Lane Gallery of Modern Art (1908), et par l’émergence d’un État irlandais indépendant au début des années 1920. Toutefois, si l’indépendance avait conduit à une augmentation des dépenses de l’Etat pour certains arts, il n’avait pas réussi à déclencher une renaissance générale. Il y avait moins de possibilités créatives : les sculpteurs étaient entièrement occupés par des statues et bustes de personnalités éminentes ; et dans le domaine du vitrail, malgré les efforts créatifs individuels de Harry Clarke, Sarah Purser et Evie Hone, le gouvernement irlandais fournit peu d’aide, allant même jusqu’à rejeter certaines des plus belles œuvres de Clarke pour leur excessive « modernité ». En outre, dans les deux décennies qui ont suivi l’indépendance, le pouvoir au sein des établissements d’arts irlandais, notamment le comité de décision de la Hibernian Royal Academy, était exercé par une phalange conservatrice de traditionalistes – tirée presque exclusivement du groupe autochtone d’artistes irlandais – qui ont résisté à toutes les tentatives d’individus plus larges d’esprit pour aligner l’art irlandais sur les styles en cours ailleurs en Europe à la même époque. Cette période tira à sa fin avec l’avènement de la Seconde Guerre mondiale, qui vit la question de la modernisation émerger au grand jour.

The Irish Exhibition of Living Art

En 1940, Louis le Brocquy (qui avait quitté l’Irlande pour étudier les principales collections d’art européennes à Londres, Paris, Venise puis Genève – où étaient hébergées les collections du Prado pendant la guerre civile espagnole) revint en Irlande où la bataille entre traditionalistes et modernistes commence à gronder. En 1942, le comité de sélection de la Royal Hibernian Academy rejette The Spanish Shawl de Louis le Brocquy et de nombreuses autres œuvres modernes, tandis que la Hugh Lane Gallery rejette le Christ moqué par les soldats de Georges Rouault. C’est la provocation de trop. L’année suivante est créée l’Exposition irlandaise d’art vivant (The Irish Exhibition of Living Art). Ce salon annuel permet d’exposer les peintres irlandais d’avant-garde. Les principaux organisateurs de la IELA sont Mainie Jellett, Evie Hone, le père Jack HanlonNorah McGuinness, Louis le Brocquy et Margaret Clarke. Ils seront rejoint par Patrick Scott, Tony O’Malley, Camille Souter, Barrie Cooke et d’autres.
Le IELA a injecté une certaine excitation visuelle dans la grisaille de la guerre et a offert une alternative bienvenue aux expositions de la RHA, plus conservatrices. Cela dit, de nombreux artistes irlandais ont exposé dans les deux. Chacun défendait son point de vue. La RHA maintenant ce qu’il croyait être « la tradition » tandis que la IELA était ouverte à tout nouveau développement.

Art Moderne Irlandais (de 1943 à nos jours)

Malgré l’élargissement de ses perspectives, l’art irlandais, pendant les quatre décennies de l’après-guerre, a été autant influencé par les événements économiques et politiques irlandais que par quoi que ce soit dans le monde de l’art international. Les années 1950 ont vu une augmentation de l’émigration des artistes, tandis que l’excitation du milieu des années 1960 a refroidi rapidement avec l’apparition des « troubles » dans le Nord au cours des années 1970 et 1980, quand la politique a dominé les manchettes des journaux.
Au début des années 50, de nouvelles organisations irlandaises d’art voient le jour. Par exemple, le Conseil des arts (An Chomhairle Ealaíon), fondée en 1951, achète des œuvres d’artistes irlandais et distribue des subventions, de même que son organisation sœur du Nord, le Conseil pour l’encouragement de la musique et des arts (CEMA), maintenant rebaptisé Conseil des arts de l’Irlande du Nord. Des concours sont créés. La Hugh Lane Gallery devient enfin une véritable galerie d’art moderne ; la National Gallery, le musée des Beaux-Arts de l’Ulster, ainsi que des galeries d’art comme la Dawson and David Hendricks Gallery s’ouvrent enfin aux œuvres internationales.
En 1956, Louis le Brocquy représente l’Irlande à la Biennale de Venise, où il est primé pour son tableau A Family. Cette toile appartient à sa « période Grise » de 1951-54. Cette distinction lui permet de faire partie de l’exposition « 50 ans d’art moderne, de Cézanne à nos jours » à la Foire internationale de Bruxelles en 1958.
Les années 60 et 70 servent aux artistes irlandais pour digérer les nouvelles théories de l’art contemporain, notamment la démystification de la notion traditionaliste qu’une image ou une statue doit être reconnaissable, que le sujet doit être présenté de telle manière à ne pas à déformer la réalité et que la beauté doit être l’objectif. Ils avaient aussi commencé à embrasser l’idée postmoderne que « l’idée » pouvait être autant (sinon plus) importante que l’œuvre elle-même. Bref, si, au cours des années 1920 et 1930, les avant-gardiste irlandais avaient eu du mal à se faire accepter, les traditionalistes contrôlant la création artistique, la situation était maintenant complètement l’inverse.

La galerie

Voici donc tous ces peintres (dont 33 femmes) rassemblés en 138 tableaux, de 1901 à 2013… Très bonne visite !

1901, Dermod O'Brien : Sheepshearing
1902, Walter Frederick Osborne : Tea in the Garden
1903, George Russell : Ruth Lane
1904, John Butler Yeats : Máire Nic Shiubhlaigh
1905, Henry Jones Thaddeus : The Fairground
1906, James Doyle Penrose : Agricultural workers gathering woad
1907, Sir William Orpen : Self-portrait with glasses
1908, Sarah Cecilia Harrison : Mr and Mrs Thomas Haslam
1910, Paul Henry : Clouds at sunset
1911, William John Leech : A convent garden
1912, Norman Garstin : The red houses
1913, James Humbert Craig (Irlande du Nord) : River Bend
1914, Patrick Tuohy : The Little Seamstress
1915, Roderic O'Connor : Green rug
1916, James Sinton Sleator (Irlande du Nord) : Portrait of Sir William Orpen
1916, Muriel Brandt : The Breadline
1917, Leo Whelan : Alan
1917, Sir John Lavery (Irlande du Nord) : Kite Balloon and Grand Fleet in the distance, The piers, Forth bridge
1918, Stanhope Forbes : The Munition Girls
1919, Thomas Bond Walker (Irlande du Nord) : Killyleagh Castle
1920, Margaret Clarke (Irlande du Nord) : Ann
1922, Mainie Jellett : Abstract Composition
1923, Sarah Purser : Woman with fan
1924, George William Russell (alias AE) : River in the Sand
1925, John Luke (Irlande du Nord) : Young man
1925, May Guinness : Still life with green bottle
1926, Estella Solomons : Self portrait in blue coat
1926, Mary Swanzy : Sunlit Landscape
1927, Ronald Ossory Dunlop : Still Life with Black Bottle
1928, Jack Butler Yeats : Return of the Wanderer
1929, Frank McKelvey (Irlande du Nord : Cross Channel Steamers at Donegall Quay, Belfast, 1th August 1929
1930, Evie Hone : Dianthus
1930, George Collie : Self portrait
1932, Charles Lamb : Tommy
1933, Maurice MacGonigal : Dockers
1934, Lilian Lucy Davidson : Low Tide, Wicklow
1935, Harry Kernoff : On Howth Head
1935, Letitia Marion Hamilton : Trees
1935, Padraig H. Marrinan (Irlande du Nord) : The rag
1936, Kenneth Hall : Red Man Yellow Moon
1937, Seán Keating : Sacred and profane love
1938, Basil Rákóczi : Death of the lovers
1939, Colin Middleton : Mary Magdalene and the Holy Trinity
1940, Patrick Hennessy : Old Kinsale
1941, Father Jack Hanlon : Sunflowers
1942, Nevill Johnson (Irlande du Nord) : Byrnes Pub
1943, Joan Jameson : Barges Loading Turf, Grand Canal, Dublin
1944, Ralph Cusack : Window and curtains
1945, Nano Reid : Friday Fare
1946, Alicia Boyle : The Other Rose of Sharon
1948, Louis le Brocquy : Man Creating Bird
1949, Daniel O'Neill (Irlande du Nord) : The blue skirt
1949, Norah McGuinness : First Snow
1950, Gerard Dillon (Irlande du Nord) : Island People
1951, Stella Steyn : Standing nude on a pink ground
1950-52, Patrick Swift : Interior
1953, Francis Bacon : Study After Velazquez's Portrait of Pope Innocent X
1954, Diarmuid O'Ceallacháin : A manger at evening
1955, Elizabeth Rivers : Aran Landscape
1956, George Campbell Irlande du Nord) : Belfast room
1956, Gretta Bowen (Irlande du Nord, mère de George Campbell) : Pastoral scene
1957, Sean OSullivan : Paul Landowskis Studio
1958, Cecil King : On the Quays
1959, John Kelly (Irish-Australian-English) : Deposition
1960, Kenneth Webb : Thorn motif, County Down
1960, Sylvia Cooke-Collis : Potters Shed
1961, Camille Souter : Pale Shapes
1961, William Crozier (né en Écosse) : Burnt out lot
1962, Desmond Stephenson : Wicklow Landscape
1963, Reginald Gray : Triptych
1964, Gladys MacCabe (Irlande du Nord) : Stalls at the Seine with view of Notre Dame
1965, Seán McSweeney : The white road to the sea
1966-65, Arthur Armstrong : Green Still Life
1967, Patrick Scott : Small Rosc Symbol
1968, Thomas Ryan : Aralough, Roundstone, Connemara
1969, Patrick Collins : Adam and Eve
1970, Patrick Ireland (Brian ODoherty) : Vowel grid
1971, William Scott (Nord-Irlandais né en Écosse) : Six open forms
1972, Robert Ballagh : Cut-out with a Joseph Albers
1973, Evin Nolan : 7 3 3
1974, Owen Walsh : Seated Nude
1975, Brian Bourke : Kilkenny
1975, Gretta O'Brien : The City
1976, Henry Healy : Seaweed harvest
1977, Edward McGuire : Portrait of Anthony Cronin
1977, Micheal Farrell : Lady Irlanda, or The First Ever Real Irish Political Picture
1978, Owen Walsh : Sun
1979, Markey Robinson : Achill
1980, Leo McCann : Inappropriate Flotation aid
1981, Sean Scully (devient citoyen américain en 1983) : Backs and Fronts
1981, Tony O'Malley : Inscape, Callan
1982, Barrie Cooke : Stone Jetties at Night
1982, Gerald Davis : Untitled
1983, Brian Ferran : Memorial
1984, Brian Maguire : Lovers with Eros
1985, Charles Brady : Dew drop box
1986, Maria Simonds-Gooding : The bog on a fine day
1987, Francis Tansey : Chameleon
1988, Patrick Graham : A Song for T & R
1989, Peter Collis (né à Londres) : Still life with green plate II
1991, Graham Knuttel : Casting session
1992, Charles Tyrrell : August Blue
1993, Pauline Bewick : Yellow Man and Pope
1994, Maurice Desmond : Movement in summer
1994-95, Nick Miller (né à Londres) : Noreen with Polaroid
1995, Padraic Reaney : The Last Visit
1996, John Doherty : Alone again
1997, Michael Mulcahy : Dogon Painting, 'Untitled 1988'
1998, Rita Duffy (Irlande du Nord) : DÚN
1999, Clea van der Grijn : Mostly blue
2000, John Shinnors : Lighthouse evening
2001, Basil Blackshaw (Irlande du Nord) : Nightrider
2001, Séan Shanahan (vit et travaille en Italie) : Pea
2002, David Quinn : Gate
2002, Michael Craig-Martin : Inhale (yellow)
2003, John Kingerlee : Grid of Life
2003, Kevin Geary : Memories of an Irish landscape
2003, Mark Francis (Irlande du Nord) : Tranverse
2004, Brian Smyth : Young girl
2005, Cian McLoughlin : Didi and Gogo waiting
2005, Elizabeth Magill : Grayscale
2006, Conor Walton : Grapes 5
2006, Neil Shawcross : Triple AAA
2007, Ronnie Hughes (Irlande du Nord) : New England drawing No 94
2008, Eileen Healy : Inma
2008, Mick O'Dea : David
2008, Ruth McDonnell : Table Cloth I
2009, Niall McCormack : Five Houses
2010, Guggi (Derek Rowan)_Numbers VI
2010, Isabel Nolan_Foreign Object
2010-11, Helen Comerford : Old Sun (Air)
2011, Damien Flood : Envelope
2011, Eithne Jordan : Courthouse lll
2011-12, Colin Davidson : Basil Blackshaw II
2012, Graham Gingles (Irlande du Nord) : Study Of Jude In Pig Mask
2012, Vera Klute : Self Portrait
2013, Ann Quinn : My Infinitesimal Dwelling
2013, Anne Madden : Standing Stone With Figure - Blue, Red

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