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L’iran près d’avoir la bombe atomique

Publié le 30 octobre 2013 par Laurentarturduplessis

Téhéran n'a cessé d'affirmer que son programme nucléaire n'a aucune visée militaire et nombre d'Occidentaux accréditent cette assertion. Mais si l'objectif de son programme d'enrichissement de l'uranium est exclusivement civil, pourquoi l'Iran le cacha-t-il pendant dix-huit ans, jusqu'à ce que, en 2002, son existence fût révélée au monde par les résistants de l'Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI) ? Pourquoi, depuis le démarrage des inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), en 2003, l'Iran joue-t-il au chat et à la souris avec l'agence onusienne au lieu de lui ouvrir toutes ses installations sans restrictions et s'épargner ainsi un embargo et des sanctions qui ruinent son économie ? Pourquoi, au cours de ces dix dernières années, l'Iran s'est-il obstiné à braver les Occidentaux, et même la Russie et la Chine, ces deux pays ayant, malgré leurs réticences, joint leurs voix à celles des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France pour voter six résolutions du Conseil de sécurité de l'Organisation des nations unies (ONU) à son encontre ? Pourquoi l'Iran développe-t-il un programme de missiles balistiques à longue portée ne pouvant servir qu'à transporter des ogives nucléaires ?

Détonateur nucléaire à Parchin

Particulièrement sévère, le rapport de l'AIEA de novembre 2011 présentait un faisceau d'indices laissant penser que l'Iran avait travaillé à la mise au point de la bombe atomique avant 2003. Un des motifs d'inquiétude des enquêteurs de l'AIEA est la base militaire de Parchin près de Téhéran. Depuis 2012, ils demandent en vain l'autorisation de la visiter. Ils soupçonnent que des essais de détonateur conventionnel servant à déclencher une explosion atomique y furent menés dans une chambre de compression. Les Iraniens prennent soin d'effacer les traces de cette activité : des photos satellitaires du site ont montré d'intenses travaux de déblaiement au bulldozer et de destruction de bâtiments. " Il ne sera peut-être plus possible de détecter quoi que ce soit [...] même si nous avons accès à Parchin ", a déclaré, en juin dernier, le directeur de l'AIEA, Yukiya Amano, aux délégations des 35 pays membres du Conseil des gouverneurs de l'organisation onusienne.
L'AIEA se voit aussi interdire l'accès à certains documents et personnages susceptibles de répondre aux nombreuses questions restées en suspens. Amano déplore que le dialogue entre l'Iran et l'AIEA " tourne en rond " et que l'organisation qu'il dirige soit encore, après dix ans d'enquête, " dans l'incapacité de conclure que tous les matériaux nucléaires en Iran ont un usage pacifique ".

L'Iran, " un pays du seuil "

L'uranium enrichi à 5% est utilisable pour la production d'électricité, celui à 20% pour la recherche médicale ou un programme nucléaire militaire. Dans diverses usines dont celle de Fordow, enfouie à 70 mètres sous terre, les Iraniens enrichissent de l'uranium à 20%. Enrichir à 20% est un long processus, mais aller de 20% à 90% (taux permettant la fabrication de la bombe atomique) est très rapide. Le rapport de l'AIEA publié il y a deux mois estimait à 372,5 kg la quantité d'uranium à 20% produite par l'Iran, soit 48,5kg de plus que trois mois auparavant : une progression très rapide. Toutefois, les Iraniens ayant converti une partie de ce stock en combustible, il n'en restait que 185,8kg. Il faut 240 kg pour fabriquer (après enrichissement à 90%) une bombe atomique. Selon ce rapport, l'Iran est maintenant outillé pour avancer très vite, avec 19 000 centrifugeuses, dont 1 000 de nouvelle génération, beaucoup plus puissantes que les anciennes. L'Iran est " un pays du seuil " : il maîtrise tous les éléments nécessaires pour fabriquer la bombe atomique, mais il n'a pas encore pris la décision de démarrer cette production. Cette décision est d'ordre politique. Elle relève du seul Guide suprême, Ali Khamenei, et non pas du président, Hassan Rohani. Si l'Iran sautait le pas, quelques mois lui suffiraient pour avoir la bombe.
L'Iran s'intéresse aussi aux réacteurs à l'eau lourde afin de produire du plutonium utilisable à des fins militaires, autour desquels il cultive aussi le secret. Amano a regretté le manque d'information concernant notamment l'usine d'eau lourde d'Arak, qui devrait entrer en fonction fin 2014.

Vers un compromis diplomatique boiteux ?

L'Iran renoncera-t-il au nucléaire militaire ? " Il n'est jamais arrivé qu'un pays qui ait autant investi que l'Iran dans le nucléaire militaire renonce à franchir le seuil. Sauf en cas de changement de régime, comme ce fut le cas au Brésil, ou de conflit international, comme l'Irak en 1991", analyse Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
La reprise des négociations entre le Groupe 5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU) et les représentants de Rohani, pourrait mener, sous l'impulsion du président américain Barack Obama, au compromis suivant : les Occidentaux autoriseraient l'Iran à se maintenir au " seuil ", c'est-à-dire à détenir tous les éléments nécessaire à la construction de la bombe atomique sans les assembler ; en échange, ils lèveraient l'embargo et les sanctions économiques. Mais il serait déraisonnable de faire confiance à un régime qui a réussi à cacher si longtemps ses activités nucléaires au monde en bernant l'AIEA et les services de renseignement occidentaux... Ce serait, une fois de plus, un jeu de dupes. *


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