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Le silence vaut accord, administration électronique, "Dîtes le nous une fois", simplification administrative : vote du projet de loi de simplification des relations entre l'administration et les citoyens

Publié le 05 novembre 2013 par Arnaudgossement

83856_L-Assemblee-nationale.jpgL'Assemblée nationale vient de voter, ce 30 octobre 2013, le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens. Présentation des principales réformes ainsi adoptées.


Le dossier législatif peut être consulté ici.

La mesure principale de cette nouvelle loi est la suivante : le silence de l'administration sur une demande présentée par un administré vaudra accord. Le principe n'est plus que le silence vaut rejet.

La portée de cette réforme dépendra cependant de l'intervention du pouvoir réglementaire. Le principe du silence vaut accord est accompagné de dérogations larges et se traduira pour l'essentiel par une liste de procédures concernées, mise en ligne sur un site internet.

A l'inverse, ce projet de loi - même si l'on regrettera un énième recours à la procédure des ordonnances - comporte des dispositions en principe intéressantes sur l'administration électronique et l'adoption d'un véritable code administratif.

Le silence vaut accord : après une demande complète uniquement

Après entrée en vigueur, cette loi, qui n'est encore qu'une "petite loi" non promulguée et non publiée au Journal officiel, modifiera plusieurs dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations :

L'article 1er de cette nouvelle loi modifie ainsi l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, lequel sera ainsi rédigé (modifications apparentes) : 

"Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé.

 Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'autorité initialement saisie.

 Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite d'acceptation ne court qu'à compter de la date de réception de la demande par l'autorité compétenteSi cette autorité informe l’auteur de la demande qu’il n’a pas fourni l’ensemble des informations ou pièces exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur, le délai ne court qu’à compter de la réception de ces informations ou pièces.

 Dans tous les cas, l'accusé de réception est délivré par l'autorité compétente".

Le silence vaudra accord : à certains conditions. C'est ainsi que le délai au terme duquel une décision est susceptible de naître ne peut courir qu'à compter de la réception par l'administration d'une demande "complète".

Le silence vaut accord : un principe mais une liste

La loi créé donc un principe selon lequel le silence de l'administration vaut accord...en principe. Car, en réalité, ce principe sera l'objet d'une "liste" des principes concernées par l'application de ce principe. Une liste qui, en fonction de sa longueur, pourra faire de ce principe, un principe ou une exception.

L'article 21 de la loi du 12 avril 2000 sera ainsi rédigé :

« Art. 21. – I. – Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation.

 « La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d’acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l’autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise."

Il conviendra donc désormais de consulter un site internet - relevant du Premier ministre - pour savoir si, procédure par procédure, le silence de l'administration

Le silence vaut accord : les dérogations

L'article 21 de la loi du 21 avril 2000 précisera également que le silence de l'administration continuera de valoir rejet dans bien des cas :

« Le premier alinéa n’est pas applicable et, par dérogation, le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet :

« 1° Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ;

« 2° Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ;

« 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;

« 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d’État, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public ;

 « 5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.

« II. – Des décrets en Conseil d’État et en Conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter l’application du premier alinéa du I eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d’État peuvent fixer un délai différent de celui que prévoient les premier et troisième alinéas du I, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie. »

Certes, le 1° précise - ce qui était attendu - que les procédures tendant à l'adoption d'une décision individuelle sont en principe concernées par le nouveau principe selon lequel le silence vaut accord. Les dérogations sont cependant à ce point larges qu'elles sont en réalité de nature à permettre que des procédures de décision individuelle restent soumise au principe du silence valant rejet.

Si la demande présente le caractère d'une "réclamation", d'un "recours administratif" ou si le droit international et européen l'exigence : le principe de la décision implicite de rejet persiste. En définitive, ces dérogations très larges accroissent la "marge de manoeuvre" des auteurs de la liste des procédures concernées par le nouveau principe. La consultation de cette liste sera d'autant plus importante.

Quelle publicité pour les décisions implicites d'acceptation ?

Lorsque la décision expresse est soumise à publicité, la décision implicite d'acceptation correspondant à la même procédure doit également faire l'objet d'une publicité vis-à-vis des tiers. L'article 22 de la loi du 12 avril 2000 précisera ici :

« Art. 22. – Dans le cas où la décision demandée peut être acquise implicitement et doit faire l’objet d’une mesure de publicité à l’égard des tiers lorsqu’elle est expresse, la demande est publiée par les soins de l’administration, le cas échéant par voie électronique, avec l’indication de la date à laquelle elle sera réputée acceptée si aucune décision expresse n’est intervenue.

« La décision implicite d’acceptation fait l’objet, à la demande de l’intéressé, d’une attestation délivrée par l’autorité administrative.

« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

Entrée en vigueur du nouveau "principe"

L'article 1er de cette "petite loi" dispose :

"III. – Le I entre en vigueur :

1° Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, pour les actes relevant de la compétence des administrations de l’État ou des établissements publics administratifs de l’État ;

2° Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que pour ceux des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif."

Vers une administration électronique

Le droit administratif est de plus en plus marqué par le progrès des communications électroniques. L'article 2 de la loi petite loi habilité le Gouvernement, par voie d'ordonnances, à contribuer au progrès de l'administration électronique

"I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnances des dispositions de nature législative destinées à :

1° Définir les conditions d’exercice du droit de saisir par voie électronique les autorités administratives et de leur répondre par la même voie ;

1° bis Définir les conditions, en particulier les garanties de sécurité et de preuve, dans lesquelles les usagers peuvent, dans le cadre de leurs échanges avec les autorités administratives, leur adresser des lettres recommandées par courriers électroniques ayant valeur de lettre recommandée lorsque cette formalité est exigée par un texte législatif ou réglementaire, et les conditions dans lesquelles les autorités administratives peuvent user du même procédé avec les usagers qui l’ont préalablement accepté ;

 Définir les conditions dans lesquelles peuvent être communiqués aux demandeurs les avis préalables, ainsi que leur motivation lorsqu’ils sont défavorables, recueillis sur leur demande conformément aux dispositions législatives et réglementaires, avant que les autorités administratives n’aient rendu leur décision, en particulier lorsque la communication de ces avis est de nature à permettre au demandeur de modifier ou de compléter sa demande et de réduire le délai de réalisation de son projet ;

 Élargir les possibilités de recours aux technologies permettant aux organes collégiaux des autorités administratives, à l’exception des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements, de délibérer ou de rendre leur avis à distance, dans le respect du principe de collégialité.

Sont considérés comme autorités administratives, au sens des 1° à 4° , les administrations de l’État et des collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif.

 II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans le délai mentionné au I du présent article, à adapter par ordonnances les dispositions prises en application du même I aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu’à les étendre, avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.

 III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance."

Aux termes de ces dispositions, des ordonnances devraient permettre de définir

  • un droit de saisir et de répondre à l'administration par voie électronique
  • la possibilité d'adresser des recommandés par courrier électronique, à valeur procédurale
  • la possibilité d'avoir accès aux avis préalable de manière notamment à permettre à l'administré de modifier sa demande
  • d'élargir les possibilités de recours aux technologies permettant aux organes collégiaux de certaines autorités administratives

Vers un code des relations entre le public et les administrations

L'annonce de la composition d'un véritable code administratif est une bonne nouvelle. La réunion et la codification des règles qui régissent les relations entre l'administration et le "public" contribuera certainement à dissiper un peu le sentiment de complexité qui prédomine.

L'article 3 de la petite loi dispose :

"I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnances à l’adoption de la partie législative d’un code relatif aux relations entre le public et les administrations.

II. – Ce code regroupe et organise les règles générales relatives aux procédures administratives non contentieuses régissant les relations entre le public et les administrations de l’État et des collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes chargés d’une mission de service public. Il détermine celles de ces règles qui sont applicables aux relations entre ces administrations et entre ces administrations et leurs agents. Il rassemble les règles générales relatives au régime des actes administratifs. Les règles codifiées sont celles qui sont en vigueur à la date de la publication de l’ordonnance ainsi que, le cas échéant, les règles déjà publiées mais non encore en vigueur à cette date.

III. – Le Gouvernement est autorisé à apporter aux règles de procédure administrative non contentieuse les modifications nécessaires pour :

1° Simplifier les démarches auprès des administrations et l’instruction des demandes, en les adaptant aux évolutions technologiques ;

2° Simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes administratifs unilatéraux dans un objectif d’harmonisation et de sécurité juridique ;

3° Renforcer la participation du public à l’élaboration des actes administratifs ;

4° Renforcer les garanties contre les changements de réglementation susceptibles d’affecter des situations ou des projets en cours ;

5° Assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet ;

6° (Supprimé)

 Étendre les dispositions de nature législative ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans le respect des compétences dévolues à ces collectivités, ainsi qu’aux îles Wallis et Futuna, et adapter, le cas échéant, les dispositions ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ;

 Rendre applicables à Mayotte les dispositions de nature législative ainsi codifiées issues des lois qui ne lui ont pas été rendues applicables.

IV. – Ces ordonnances sont publiées dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi.

V. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance."

Il convient de souligner que l'exercice de codification qui est ici demandé au Gouvernement ne sera pas mené "à droit constant" ce qui est heureux. Qu'il s'agisse des règles de retrait/abrogation des actes administratifs ou des conditions de participation du public, des améliorations et des simplifications sont possibles.

"Dîtes le nous une fois"

Ce nouveau texte projette une circulation plus fluide de l'information administrative. A cette fin, l'article 4 de la petite loi dispose :

"Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures nécessaires pour :

1° Harmoniser les définitions, données et références utilisées lors des relations entre les administrations et le public, en vue de permettre les échanges d’informations ou de données entre les administrations prévus à l’article 16 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et d’éviter que soient demandées au public une information ou une donnée déjà fournies à une administration ;

2° Procéder, dans les dispositions relatives aux secrets protégés par la loi et, le cas échéant, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans la législation relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, aux ajustements nécessaires pour donner accès aux informations ou aux données du public à tout organisme autorisé à en connaître. Ces ajustements ne peuvent pas porter sur les informations ou les données qui, en raison de leur nature, notamment parce qu’elles touchent au secret médical et au secret de la défense nationale, ne peuvent faire l’objet d’une communication directe ;

3° Définir les conditions dans lesquelles des déclarations sur l’honneur peuvent être substituées à la production de pièces justificatives et préciser corrélativement les conséquences qui s’attachent à l’éventuelle inexactitude de ces déclarations.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance."

Il convient de souligner l'introduction de la règle "Dites le nous une fois" au 1° de cet article.

Il convient désormais d'attendre la publication de ce texte et celle des ordonnances annoncées.

Arnaud Gossement / Avocat

Selarl Gossement Avocats


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