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RENCONTRE : Emmanuelle Devos (Violette de Martin Provost)

Par Misteremma @misteremma

Aujourd’hui sort en salle Violette de Martin Provost, dans lequel Emmanuelle Devos incarne une bâtarde qui fait la connaissance de Simone de Beauvoir. Rencontre avec la comédienne.

Emmanuelle, comment a débuté la collaboration avec Martin Provost ?

De manière très simple : nous nous sommes rencontrés ; il avait demandé à me voir. Il m’a parlé de Violette Leduc, que je ne connaissais pas du tout. C’était il y a au moins trois ans. Et à partir du moment où il m’a exposé un peu le sujet, le personnage qu’il voulait faire, j’ai dit oui ! Ensuite il a écrit le scénario, après mon accord. Puis on s’est vu très régulièrement pendant deux ans, jusqu’à ce qu’on commence à tourner.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’interpréter ce personnage ?

Ce qui m’a surtout donné envie c’est que je n’avais aucun point commun avec elle. Et que c’est assez rigolo de tomber sur un personnage dans lequel on ne va pas se retrouver soi, pour lequel il va falloir aller chercher tout de manière extérieure. C’est finalement assez rare, parce qu’on a toujours des points communs sur lesquels on peut s’appuyer, et là il n’y avait absolument rien. Au contraire, c’est un personnage qui me rebutait un peu. Et j’ai trouvé ça drôle d’aller à sa rencontre.

Comment est-ce que vous la décririez, Violette ?

Ouh là, alors là… C’est que c’est une sacrée louloute ! Je la décrirais comme elle se décrit, c’est-à-dire une affamée d’amour et de reconnaissance, une affamée de tout, de nourriture… Mais principalement des deux premiers qualificatifs que j’ai employés.

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour jouer le rôle ? Vous avez lu ses romans ?

C’est elle qui m’a inspirée, puisque, effectivement, j’ai commencé par lire tous ses livres (enfin presque !) et j’ai lu sa correspondance. Il y a aussi quelques films, quelques émissions de radio qu’elle a faites dans les années 70. Elle était déjà âgée, c’était vers la fin de sa vie, au moment de sa reconnaissance justement. Elle a été reconnue en 1964, elle avait 60 ans, donc ce n’était pas la Violette qu’on allait traiter parce que notre Violette, elle, est plus jeune. Mais j’ai lu, j’ai imaginé, j’ai parlé avec Martin (Provost), qui m’a insufflé beaucoup d’éléments pour interpréter Violette. Il m’a parlé de lui. Parce que finalement, c’est quoi un cinéaste ? Il parle de lui quand il parle d’un personnage. Donc j’ai beaucoup regardé Martin (sourire).

Comment vous expliqueriez le fait qu’elle ne soit pas passée à la postérité, contrairement à Simone de Beauvoir par exemple ?

Eh bien justement, je ne me l’explique pas. Je ne sais pas. On pourrait dire que son écriture est complexe, un peu fleurie, par moments violente et puis par moments précieuse. Je ne sais pas… Est-ce qu’elle était trop en avance aussi ? Elle a abordé des choses qui sont sorties dans les années 70, alors qu’elle en parlait déjà dès les années 40. Est-ce que c’est un mouchoir qu’on a mis sur un écrivain gênant ? Parce que c’est vrai que Jean Genêt, qui est aussi un peu dans le même genre, à la fois poète, écrivain, parlant d’homosexualité, de sexe, lui est resté une icône et Violette pas. En fait, c’est vrai : je ne me l’explique pas.

Le personnage de Simone de Beauvoir dit dans une scène du film qu’il n’est pas possible d’être ami(e) avec Violette.

Oui, c’est une vraie phrase de Simone de Beauvoir. Bien sûr qu’on ne pouvait pas être amie avec elle : elle se fâchait continuellement avec tout le monde. Parce qu’elle était très caractérielle, très provocatrice, quelques fois de manière complètement puérile. Elle était vraiment difficile à vivre ! Donc Simone de Beauvoir est restée amie avec elle de loin, en la mettant à distance, en ne se laissant pas envahir par elle, parce qu’elle était envahissante. Elle était pleine de défauts, c’était quelqu’un de très, très agaçant. Et tous les gens qui ont été amis avec elle à un moment ou un autre ont lâché l’affaire (rires). Ou elle s’est fâchée avec eux, elle ne voulait plus les voir…

Comment s’est passé le tournage avec les autres comédiens, dont Olivier Gourmet ?

Je connaissais Olivier mais on n’avait jamais vraiment tourné ensemble, on se croisait dans des films où on avait des minis scènes : il entrait et je sortais ! (…) J’étais ravie d’avoir enfin des scènes avec lui, parce que c’est un comédien merveilleux ! De toute façon, j’ai adoré jouer avec tous les acteurs de ce film, c’était un tournage très heureux. Très dur physiquement, très long, très complexe… mais très heureux !

Qu’est-ce qui a été le plus dur dans ce tournage ?

Se lever tôt (rires). Et ne pas trop manger ! Ce que je n’ai pas réussi à faire sur la longueur. Se lever tous les jours à 4h du matin… je ne sais pas comment font les gens qui doivent faire ça toute l’année, toute leur vie. Je pense aux boulangers, à tous ces métiers du matin. Et devoir se coucher le soir à 19h ou 20h… Ce n’est de toute façon pas physiologiquement normal ! Mais comme j’avais une grosse préparation à faire à cause de ce fichu nez qu’il fallait mettre… Et puis les films en costume ça prend toujours plus de temps… Voilà (rires). Mais à part ça s’était supportable, quand même !

C’est vrai que vous êtes physiquement méconnaissable dans le rôle.

Vous savez, quand vous mettez un nez plus long que le vôtre, ça vous change déjà incroyablement ! Parce qu’à part la couleur des cheveux et le nez, il n’y a rien d’autre ! Après, c’est une transformation intérieure peut-être … Mais ça change déjà beaucoup : blonde avec un gros pif (rires)

Vous avez d’autres projets de collaboration avec Martin Provost ? Ou même juste des envies de retravailler avec lui ?

Oui, on a envie de retravailler ensemble ! Là, il réfléchit à des choses… Mais même pour retravailler avec Olivier, Sandrine, Catherine Hiegel, qui joue ma maman dans le film et qui est une merveilleuse partenaire… Donc, oui ! Il (Martin Provost) veut faire un film de troupe maintenant, parce que c’est tellement agréable d’être tous ensemble et de jouer à plusieurs… C’est vraiment extra !


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