Magazine Journal intime

Où il est question de questions!

Par Vivresansargent

06/11/2013

  Le vent est si violent qu’il déshabillerait  un esquimau. Le ciel est gris malade, gris comme un lendemain de mauvaise fête. Je passe entre les gouttes. Chaque fois qu’une averse menace, je trouve un abri bus, un toit, un arbre immense. Les deux jours précédents ont été difficiles, pas d’abri bus, de toit ou d’arbre immense. Finir une étape trempé est un exercice très compliqué pour celui ou celle qui cherche a garder son esprit aussi calme et en paix que possible face aux difficultés. Mais je le sais que trop bien, plus l’exercice est difficile, plus la récompense est belle. Je m’accroche. Aujourd’hui, je marche en me disant qu’il me faudra bien accepter un jour que l’eau, ça mouille et que ça ne tue pas. Avoir les pieds mouillés n’est pas si terrible après tout. Un pied mouillé ça finit bien par sécher. Mais bon, ça, c’était hier. Ce jour est un autre jour et je cours presque ce matin. J’ai la forme puissance 10 ! Le volume de la radio est au maximum. La musique de mon enfance me propulse vers mon avenir. Je chante les airs de la variété Française à pleins poumons. Je me donne en spectacle sur le bord de la route qui mène à Razès, à 27 kilomètres de Limoges. Je joue de la « air guitare », j’esquisse quelques pas de danse. Ma bouteille devient micro, les lampadaires caméras HD et les arbres, spectateurs. Un peu honteux, je calme le jeu quand des voitures se présentent au loin. Le ridicule ne tue pas plus que l’eau mais faut pas pousser quand même. Une fois les voitures passées, je crie de toutes mes forces qu’elles sont toutes belles, belles, belles, qu’aimer est pus fort que d’être aimé et qu’elle court, la maladie d’amour.

 La soirée d’hier a été très agréable. Maurice et Kathia ont été d’une générosité sans borne. La maison, dans un style chalet savoyard, la région d’origine de monsieur, est très agréable. Au pied de la cheminée, nous regardons et nous sentons les châtaignes qui cuisent tranquillement. A midi, Kathia, nous a mijoté un sublime lapin à la sauce moutarde. Pour le pèlerin que je suis et qui ne mange que des casses croûtes froids, ce repas a été un régal, un véritable festin. Merci.

J’ai dormi dans une agréable chambre, dans un lit grand comme un océan. Merci. Tous mes vêtements ont pu être séchés. Merci. Ce matin, pas avare de sympathie, Maurice m’a déposé à la sortie de La souterraine, sur la route de Fromentale, paré à marcher. Merci. J’ai une poignée de châtaigne dans le fond d’une poche. Merci. Même le chien a été sympa car il m’a mordu, mais pas très fort. Il m’a juste chopé le bras quand je me rapprochais de son maître le bras tendu, pour lui montrer une photo. Il m’a montré, efficacement, qu’il ne fallait pas toucher à Maurice. Merci Calin ! C’est son nom, au chien.

Comme il bon de découvrir que la France est pleine de bonnes âmes qui ne demandent qu’à aider, rendre service et vivre simplement. C’est si réconfortant de le voir de ses yeux et de le vivre.

Dans l’après midi, après presque trente kilomètres de marche, J’arrive à Razès. Je file à la mairie pour demander un toit pour la nuit. La mairie est fermée le mercredi après midi. Super ! Je maintient la paix de mon esprit. Je me dis qu’il va bien se passer quelque chose. Je rentre dans le bar du village. Je salue tout le monde. Tout le monde me salue. Tout va bien. Je demande au patron son annuaire et le nom de famille du maire et j’expose à voix haute mon projet, trouver un toit. Avant même que je ne compose le numéro du maire, mon voisin de table, Patrick, me dit qu’un de ses amis pourrait peut être m’héberger pour la nuit. Merveilleux. Au téléphone, son ami me dit qu’a priori, il n’y a pas de problème. « Je vous rappelle et je vous dis ça ! ». Parfait. Plus tard, Patrick quitte le bar et me dit : « Si jamais il ne peut pas vous héberger, je peux vous proposer un local chauffé pour la nuit ! ». Formidable. Formidable car le monsieur me rappelle un peu plus tard pour me dire que finalement, ça ne va pas être possible de m’accueillir. Il doit avoir de bonnes raisons. Sachant qu’un local est disponible, je n’insiste pas et lui souhaite une bonne soirée.

Plus tard encore, Patrick est de retour au bar PMU. Il me dit qu’il a la clé d’une salle de dépôt derrière la mairie. C’est le local qui lui sert de bureau pour l’association pour laquelle il travaille. Une association qui s’occupe des personnes handicapées du coin. Encore une bonne âme au service des autres, plus fragiles. Et je croise cette bonne âme ! Et il me rends service alors qu’encore une fois je m’inquiétais et pensais que j’allais devoir dormir dehors ce soir ! Quand je pense que je me suis séparé de ma tente il y a bien dix jours et que je pensais être obligé de dormir dehors dès le lendemain. Ce n’est toujours pas arrivé ! C’était sans compter sur ma bonne étoile. Et si ça n’arrivait pas ! J’en sourie.

Je rends grâce, plein de gratitude pour tout ce qui m’arrive depuis quelques semaines. J’ai la tête pleine d’étoiles et de questions qui tournent et dansent la valse dans mon esprit :  Que se passerait-il si je continuais mon dépouillement et que j’allais toujours plus loin dans le lâcher prise et dans la confiance aveugle en la vie et en la providence ? Que se passerait-il si je posais mes valises et mes projets, me laissant ainsi emporter par l’inertie de la joie par l’amour et pour la paix ? Que se passerait-il si je faisais taire ma volonté propre, dictée par mon égoïsme et me faisant taper le mur depuis toutes ces années et la remplaçais par la volonté divine, celle qui sait mieux que quiconque ce dont j’ai besoin pour aller où je dois aller ? Puisque la vie est capable de nourrir un bœuf de 600 kilos avec de l’herbe, puisqu’elle offre à tous les oiseaux du monde les graines dont ils ont besoin pour voler des heures et puisqu’elle sait d’où je viens et où je vais, ne devrais-je pas fermer les yeux et apprendre à l’écouter ? Je découvre, je sens et finalement je sais qu’elle est là pour me guider, pour nous guider. Que se passerait-il si je me contentais de respirer et de me laisser guider par mes intuitions et par les opportunités offerte chaque jour par la vie? Trouverais-je mes graines ?

Qu’ai-je à perdre ? Rien. Qu’ai-je à gagner ? Tout.

Au pied du radiateur de ce modeste mais étanche local mis à ma disposition, je déroule mon sac de couchage et mon tapis de sol. Surprise ! Comme le tapis a pris autant de flotte que moi mais que lui n’a pas pu sécher car je ne l’ai jamais déroulé, il sent la mort. C’est infect cette odeur de moisi et de cadavre. Malgré l’ambiance  olfactive de porcherie, je suis fatigué et sûr que je vais bien dormir, pour bien me reposer, pour bien recommencer demain puis après demain et après après demain et…


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