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Pas d’invitation à Candy Crush Saga, pas de statuts de 6 km de long, pas de photos de « si tu ne likes pas cette image, tu ne rencontreras jamais l’amour et tu mourras jeune « , il faut l’avouer Twitter présente certains avantages sur l’autre réseau social. Mais ça, c’est seulement sur le papier car la vérité n’est pas si reluisante pour le site de micro-blogging.
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Pas plus élitiste que Facebook
La légende voudrait que Twitter soit le joujou d’un public « intelligent » ou disons cultivé, terrain des cadres, des journalistes, des étudiants, des nerds lorsque Facebook ne serait qu’un outil de divertissement pour la populasse de la France profonde et son esprit limité. Cassons directement ce mythe.
Le petit oiseau bleu compte tout autant de dérives intellectuelles, il suffit de se pencher sur les hashtags à la mode chaque jour pour s’en rendre compte: #justinbieber #DirectionersWant1DAtLGJ #Nabilla. Autre exemple, l’émission la plus twittée chaque année s’avère être les NRJ Music Awards. On a connu programme plus éclairé.
Bon, dans l’autre sens il ne faut pas non plus se montrer trop catégorique, il est vrai que ce n’est pas sur Fb que le sujet Arcade Fire fera la une comme c’est le cas aujourd’hui sur Twitter.
Mais les hashtags créent un effet de groupe qui peut très vite être aussi agaçant qu’une invitation à Farmville. Faites un tour ne serait-ce que dix minutes sur un # consacré à Bieber et c’est un saignement de nez assuré. Alors parfois c’est drôle comme cette connasse déclarant il y a peu que Kurt Cobain était moins important que l’ado méché parce qu’il n’a pas une fanbase Twitter aussi grande. Mais c’est surtout le meilleur moyen de perdre ses nerfs et de fantasmer sur la création d’une police du goût aussi répressive que la Gestapo.
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De la communauté au forum, il n’y a qu’un pas
Les hashtags permettent donc de trier selon les goûts et les inimités de chacun. Ce qui rapproche forcément des comptes entre eux au point de créer des sortes de communautés qui répondent aux mêmes intérêts et aux mêmes codes. On vous parlait des fans de chanteur pré-pubère mais ça marche pour tout un tas de choses: la politique, le sport, la musique, le sexe, etc etc.
Et très vite la communauté développe les caractéristiques d’un groupe sociologique: leaders d’opinion, pensée de groupe, coopération, compétition. Mais finalement un groupe social sur les Internets n’est ni plus ni moins qu’un forum.
Et comme sur un forum, une hiérarchie s’impose. Et si le nombre de posts fait souvent de vous un poids lourd d’habitude, c’est ici le nombre de followers qui détermine votre place et votre rôle au sein du groupe. Avec tout ce que cela comporte de petites choses succulentes: qui fera la meilleure blague ? qui est le plus populaire ? Mais aussi des discussions qui n’en finissent plus, des private joke mais en public et forcément, des clashes.
Bah oui, tout le monde veut avoir le dernier mot, les « petits comptes » jalousent les « influents », les « influents » ignorent les « petits comptes », chacun y va de son RT pour prendre tout le monde à témoin et rameuter le plus de personnes possibles derrière soi. La jungle.
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Quand Twitter se caricature
On vous l’a dit plus haut, Twitter est un repère qui se veut à contre-courant du mode de pensée classique. Chacun veut donner son avis et bien évidemment, chacun pense que son avis est le bon. On est vite traité de « nazi », de « hipster », de « fdp », de « macho » si on a le malheur d’émettre une réserve sur un tweet. Oui, le bon twittos est intolérable.
On assiste aussi à l’escalade ridicule du contre. C’est à dire que lorsqu’un avis est partagé par 90% de la communauté, t’auras toujours un connard qui va jouer au saumon qui remonte à contre-courant pour se démarquer de la meute. Attention, ce con-là peut entrainer d’autres cons avec lui et ainsi créer une sorte de majorité de contre-courant, ce qui va créer un autre contre-courant contre lui. Vous avez saisi ? Non ? Exemple:
- Le dernier Arcade Fire est trop bien! = 7658 RT 1234 FAV
–> Réponse: Visiblement, on n’a pas le droit de ne pas aimer le dernier Arcade Fire… Et pourtant… (oui, une part de mystère pour épicer le débat, c’est toujours mieux)
–> Réponse de la réponse: ceux qui n’aiment pas le dernier Arcade Fire juste pour ne pas suivre la majorité, vous êtes des nazis.
Alors, second, qui t’as dit que tu n’avais pas le droit de ne pas l’aimer ? Et toi, troisième, pourquoi quelqu’un ne pourrait pas ne pas aimer l’album, tout simplement ? Voilà où on en est.
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La course à la gloire
Le bon twittos, c’est aussi celui qui va chercher à faire du RT à n’importe quel prix pour accroitre son nombre de followers. Ça peut passer par le livetweet d’une émission, par de la provocation ou de l’humour. Et s’il faut avouer que certains excellent dans leur domaine, la majorité patauge dans la médiocrité. Il suffit qu’une personne soit bonne pour que sa patte soit reprise et là on peut assister à un drôle de spectacle pendant un événement avec les mêmes vannes, le même style d’écriture, la même tambouille servie en boucle.
Pour 5% de génie, tu as donc 95% de déchets, de copies ou de trucs borderline. Car oui, comme le disait John Doe dans Se7en, « Quand vous voulez que les gens vous écoutent, vous ne pouvez pas vous contenter de leur taper sur l’épaule. Il faut y aller à coup de marteau. C’est seulement comme ça que vous allez retenir leur attention« . Alors certains n’hésitent pas à aller toujours plus loin dans le hors-piste, sortant le joker « LIBERTE D’EXPRESSION ». Oui mon joli, mais la liberté d’expression ne veut pas dire que ce que tu dis a un sens ou est drôle, l’humour noir n’est jamais aussi percutant que lorsqu’il est dosé ma gueule!
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Mais attention, on ne joue pas ici le rôle du Mr Loyal, on est les premiers à répondre à toutes ses choses, à vouloir donner notre avis sur tout, à critiquer tout ce qui bouge, à vouloir du RT. Bah oui, on s’y prend rapidement à ce petit jeu. En fait Twitter, c’est comme une mise en couple. Les défauts n’apparaissent qu’un peu plus tard mais on est trop épris des qualités de la personne aimée pour s’en détacher.
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