Magazine Culture

Théorie du genre, déconstruction, nihilisme : « les racines du mal »

Publié le 08 novembre 2013 par Tchekfou @Vivien_hoch

Conférence de Gérard Leclerc au Cercle Charles Péguy
Compte rendu librement retranscrit 

Jeudi 7 novembre, le Cercle Charles Péguy  s’est réuni autour de Gérard Leclerc, essayiste et philosophe, autour de la question « La théorie du genre : « les racines du mal »»

Gérard Leclerc est éditorialiste de Radio Notre Dame et de France Catholique. Il contribue à KTO et au Figaro. Il a produit plusieurs l’ouvrage dont l’essai : L’amour en morceaux.

Cercle_Peguy

Il faut en appeler (comme toujours) à la mémoire, à l’histoire des idées. Le « mariage pour tous » et la propagande qui l’entoure ne date pas d’hier. Se souvenant de 1968, en tant qu’étudiant, il en témoigne la généalogie. 68 est une révolution culturelle. La rupture instauratrice qui a eu lieu nous amène aujourd’hui à pleurer sur des ruines d’un passé glorieux.

En 68, les occupations démarrant, la première référence était celle de la révolution soviétique de 1917. D’autant plus que l’année précédente, cette révolution célébrait son demi-siècle. Une référence directe était donc de fait promise aux militants. Le rêve d’une révolte sociale qui trouverait ses conséquences dans une révolution politique.

Entre la grève générale et les occupations d’usines : le mouvement était considérable. Ce mouvement ouvrier débouche comme en 1936 sur des négociations. C’est d’ailleurs la première occurrence de J. Chirac qui exerce alors ses premières responsabilités politiques directes. Envoyé de Pompidou à la CGT, il cherche un débouché politique à cette crise sociale.

Pour autant, nous ne fûmes heureusement pas en 1917, les bolchéviques n’ayant pas parvenu à reprendre le mouvement à leur compte. Les institutions d’un homme quasi providentiel (De Gaulle) ont tenu devant ces évènements que lui même ne comprenait évidemment pas à ses débuts. Il reprit les choses en main en juin 68 mais dut quitter le pouvoir après un référendum le rendant à l’échec. La révolution politique n’a pas eu lieu mais un autre événement d’une tout autre nature s’est produit : un bouleversement dans les esprits et les mœurs fut engagé. Bien que précédé d’éléments palpables, 68 aura été le grand moteur accélérateur de ce mouvement.

Pierre Chaunu, aujourd’hui regretté, y vit « le changement des attitudes devant la vie ». 68 signifia une révolution des attitudes devant la vie, et donc devant la naissance, le mariage résultant alors sur la démographie. Grand tenant des sciences quantitatives, Chaunu se réfère à deux énigmes statistiques : la nuptialité et la démographie. Il constate qu’à cet instant, le mariage durable s’est écroulé. Aussi, la désertion démographique touche au même moment de plus en plus durement la démographie européenne. Il y vit l’ « hiver démographique européen ». Lui-même et George Suffert écrivirent alors La peste blanche.

Car ce sont bien les mentalités qui ont mutées. Chaunu restait un étatiste, pensant que l’état pourrait corriger les dérives, tandis que Philippe Ariès, autre essayiste et historien, était bien plus méfiant à l’égard du rôle de l’Etat. Cette attitude s’explique par l’histoire des idées, là encore. Le quartier latin connaissait alors une mutation philosophique à laquelle notre intervenant assisté. La Sorbonne vit ses propres pogroms. Le marxisme et l’existentialisme étaient en déclin face à d’autres philosophes prenant le dessus et marquant de nouvelles générations. Derrida, Michel Foucault (dont les livres étaient vus comme des phares de la pensée), ou encore Gille Deleuze, qui publia un livre cette même année : l’Anti-Œdipe, entendant par là tuer l’Oedipe freudien : il faut donc dézinguer la famille qui n’est à ses yeux qu’un dispositif répressif et autoritaire qui commande l’ensemble du corps social. Afin de libérer la société et les désirs, les « désirants » voulaient supprimer toutes les digues sur leur chemin, à commencer par la famille.

On passa donc d’une révolution politique à une révolution culturelle. Il s’agît donc d’agir sous le biais des mœurs, des pratiques sexuelles, de l’évolution des structures familiales : car c’est là que les choses les plus importantes se jouaient selon cette pensée neuve. Des personnages les précédaient cependant dont un disciple de Freud : Marcuse. Celui-ci écrivit Eros et civilisation, titre explicite en soit. Le fondamental du processus de civilisation est pour lui l’Eros : l’amour sexuel. Selon lui, Freud est un vieux dépressif. Il insiste donc sur le principe de réalité par rapport au principe de plaisir. Freud insiste beaucoup alors sur le rôle du père qui incarne la loi. Mais Freud pensait ainsi dans la suite de sa filiation juive et biblique. La notion de loi est donc capitale dans sa bouche. Il la réintroduit ainsi dans sa théorie psychanalytique. Le père produit la séparation de l’enfant par rapport à la mère. D’où une assistance chez Freud sur le principe de réalité, ce dernier voyant comment les sociétés se bâtissent. Sans réalité du père, la société se dissout.

Marcuse, lui, établit le principe de plaisir : il instaure une sorte de plasticité de la société qui devient alors plus douce et plus transparente. Eros devient le fondement de toute chose en terme de rapports sociaux.

En 68, personne n’avait lu Marcuse. Mais quand ce livre parut, on se reconnut rapidement puisqu’il définissait cette révolution en cours de production.

Les représentations culturelles furent alors, sinon inversées, détruites. On trouve d’ailleurs une certaine corrélation dans les années 60 et 70 aux Etats-Unis sur ce champ. Le mouvement hippie qui a les mêmes caractéristiques que la révolution marcusienne éclatait les structures sociales pour reconstruire le lien social à partir d’Eros : Peace and Love. Il servit alors rapidement de modèle. Les « désirants » partirent alors aux Etats-Unis. Les auteurs eurent un succès dans les années 70 et disparurent dans les années 80, une fois les socialistes au pouvoir. Tout comme si l’avènement du président Mitterrand correspondait au déclin de la pensée de gauche.

Ce fut le retour des libéraux, de Tocqueville et de l’école antimarxiste en histoire (dont Furet fut un des ténors). Les idées subversives frurent rangées dans un tiroir, mais leur succès s’exporta aux Etats Unis. La conjonction se consomma alors entre la French Theory et les mouvements féministes et homosexuels des années 70. De nouveaux concepts furent forgés dans leur contestation. C’est à ce moment que la théorie du genre naquit. Les revendications demandant la déconstruction des grands principes sociaux de la société patriarcale, on chercha une autre voie.

Dans L’émancipation de Kant à Deleuze règne l’idée qu’il y aurait une contradiction entre l’émancipation personnelle et politique. Pour Foucault, le problème tenait à la construction de soi. Sartre, qui croyait en la primauté de la liberté, ne reconnaissait son terrain d’élection que dans la politique. Tandis qu’il résidait dans les mœurs pour les autres. Le problème se posa alors dans les années 80 aux Etats Unis. Comment faire la liaison entre les deux domaines ? Par les mœurs, on essayait de démolir le politique et le lien social. Mais une destruction implique une reconstruction. Et c’est le problème du mariage pour tous. Ce mariage consiste à faire un lien entre l’émancipation politique et l’émancipation des mœurs. Cette dernière passe-t-elle par la fin des structures maritales ou leur transformation intense ? On a d’abord tenté de les supprimer. Le mouvement homosexuel en France voulait d’abord détruire la famille : l’homosexualité était une révolte contre la famille. Le passage à cette loi fut donc très étrange. Eric Fassin, théoricien de ce genre de chose propose le mariage homosexuel pour détruire la réalité du mariage en soi. Cela passe évidement par le mariage homosexuel. Hegel appelait cela la « ruse de la raison » : former un nouveau mariage pour mieux détruire l’original. D’autres furent d’abord contre le mariage, puis contre le paternalisme, pour enfin se rallier au mariage pour une nouvelle forme de sociabilité répondant aux évolutions « naturelles » de la société : cela étant l’assise positive du mariage. Mais nous sommes là en déconstruction totale de la première volonté.

Dans ce contexte : comment ont-ils aucun crédit ?

Le drame du sida y est pour beaucoup. D’une position de nanti, les homosexuels demandèrent alors une légitimation morale dans le droit positif. Cette maladie était conçue comme une injustice fondamentale. Il fallut donc élever l’homosexualité sur la même légitimité par soucis d’équilibre. Ce fut donc essentiellement le drame du sida qui donna cette mutation de la déconstruction à la reconstruction.
`

GPA et PMA ne sont que les dispositifs techniques de cette révolution de fond. Elles permettent de changer la société : elles sont le levier qui permet de passer de la société patriarcale à la société multi sexuelle. C’est en fait un redoutable danger, car c’est là l’explosion des fondements anthropologiques de notre société. Bernanos nous l’avait pourtant bien annoncé : « révolutionner l’anthropologie par la dictature de la technique » en démolissant l’homme et l’humanité par la technique. Car PMA-GPA = usines à enfants et industrialisation du corps humain. La différence sexuelle est le fondement de notre société. Mais comment parler de droit naturel ? Il faut lever la question de la nature humaine. Il faut donc de toute manière dépasser le naturalisme et la biologie. L’auto-développement de l’homme ne se fait qu’à partir de sa condition biologique et corporelle. La nature biologique n’est que psychique. Le corps n’est que psychique.

Trois références fondamentales pour conclure :

- Sur le corps : Michel Henry, Incarnation, une philosophie de la chair : se réjouir dans son corps est typique à la nature humaine.

- Le père Gaston Fessard, Le mystère de la société : signification de l’amour humain, de l’union de l’homme et de la femme.

- Enfin, Michel Rouche : historien de la famille ayant été le plus loin dans la connaissance du devenir du couple humain dans l’Histoire.

Armons nous psychiquement et spirituellement pour les futurs combats !


Retour à La Une de Logo Paperblog